Nicolas39 - Pêche à la mouche

La pêche à la mouche sur le blog de Nicolas Germain, un Jurassien amoureux de sa rivière, la Haute Rivière d'Ain.
Centre de pêche en Bosnie.

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Pensée personnelle

Tout ce qui me passe par la tête.............

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dimanche 25 mai 2025

Plaisir et joie sans cesse renouvelés.

Nous passons tous par de nombreuses étapes dans notre vie de pêcheur. Quelles soient identiques ou pas, il y a obligatoirement de nombreux changements dans nos attitudes ou nos pensées lorsqu'on porte notre regard en arrière.

Cela peut s'étaler sur des thèmes bien différents comme l'évolution de nos boites de mouches à travers le temps, nos choix sur le matériel utilisé ou bien encore notre engagement bénévole. Un jour c'est ainsi et quelques années plus tard c'est autrement. On peut aussi parlé bien entendu de notre relation au poisson ou pour les plus âgés d’entre nous, la pêche a débuté avec des paniers remplis de truites. Aujourd'hui, nous sommes beaucoup à avoir modifié cela en remettant les poissons sauvages à l'eau après capture. Quand je repense à tous ces petits trucs que je trouvais tellement importants selon les époques de ma vie de pêcheur alors qu'aujourd'hui je les voie comme futiles. Cela fait certainement partie du cycle naturel des choses. De leur évolution.

Il y a une chose qui n'a pas bougé pour moi, une. Enfin si, mais...Bref, je m'explique. La prise d'une truite, c'est ce moment que l'on vient chercher en plus de tout ce qu'une rivière et son monde fantastique peut nous apporter en tant que pêcheur et même en tant qu'homme. Les sensations, la joie, les émotions que provoquent la capture d'un poisson sauvage sont à l'identique que mes toutes premières truites capturées au ver de terre avec mon père lorsque j'étais tout môme. J'ai du mal à exprimer à l'écrit exactement ce que je ressens aujourd'hui après quarante saisons à pêcher ces truites sauvages. Je profite de chaque poisson comme si c'était le premier et en pensant que cela pourrait être le dernier. Chaque truite qui vient intercepter ma nymphe entre deux eaux ou ma mouche dans les friselis de la surface est un vrai présent que m'offre la rivière. J'en ai pleine conscience aujourd'hui. Je prends le temps pour admirer ces animaux sauvages lorsqu'ils reprennent leur esprit dans l'épuisette. J'en observe les caractéristiques, je m'offre ces quelques secondes avec les yeux d'un gosse qui découvrirait pour la première fois la beauté de ces poissons. Je me retrouve ces dernières années réellement comme un enfant. Que la truite soit un juvénile, un jeune adulte ou un très beau poisson, je ne fais aucune différence. C'est un moment rare quoi qu'il arrive. Je le sais.

Pourtant, après mes premières années de pratique, j'ai eu un passage en mode compétition où j'ai pratiqué sur tout le territoire français en me confrontant aux meilleurs spécialistes de l'époque. Cette ambiance, mon changement de mentalité, mes objectifs du moment ont fait que je ne regardais plus les truites de la même façon. En tous les cas plus comme elles l'auraient mérité. Elles étaient devenues pour moi un instrument pour atteindre un résultat, pour me comparer aux autres. Je ne regrette aucunement cette période pour de très nombreuses raisons. C'est même tout le contraire. Si c’était à refaire, je le referais. En parallèle, j'ai fait mes premiers pas sur internet. Avant les réseaux sociaux, à l'époque des forums. Là aussi, ma vision de la pêche, ma façon d'apprécier la capture de ces fabuleux poissons sauvages a changé. Une époque où j'étais plus soucieux de faire une belle photo pour la poster que d'apprécier le moment présent. Parce que capturer un poisson sauvage, c'est un moment merveilleux. C'est des instants qui doivent être appréciés à leur juste valeur. J'ai perdu le fil pendant pas mal de temps. Pas si éloigné mais quand même.

Aujourd'hui, je souris à la vue de ces zébrures noires charbon, je m'abandonne à rire tout seul devant un gobage, je parle régulièrement à ces poissons merveilleux dans le filet en les admirant de tous côtés. Parfois, je m'excuse de les avoir embêté en plein festin, parfois je les encourage à devenir plus malins. Lorsque je vais à la pêche aujourd'hui, je n'ai plus aucun objectif, je n'ai pas d'attente particulière. Je suis simplement heureux d'être là. Sur les berges de ma rivière de cœur. Là où avec mon père j'ai fait mes premiers pas. Et si celle-ci m'offre un poisson sauvage de temps à autre, je redeviens cet enfant qui prenait sa première truite avec les yeux remplis de bonheur et de surprise. Je sais que ce temps est compté. J'en profite pleinement aussi souvent que je le peux. Je n'ai jamais autant pêché, je n'ai jamais eu autant envie de pêcher.

La Bossue !

dimanche 6 avril 2025

De la beauté du sauvage.

Plus les années passent, plus mon admiration envers ces dernières truites sauvages s'amplifie. Pourtant, à l'image d'un passionné de bécasses dans le monde cynégétique, je ne peux m'empêcher de leur rendre la vie encore plus dure qu'elle ne l'est. Je suis pêcheur et cela ne pourra jamais en être autrement. Mon immense respect pour ces truites sauvages est à la hauteur de l'énergie que j'ai mis tout au long des quarante dernières années à les traquer. C'est impossible à expliquer. Car finalement, avec ce trop plein d’admiration pour leur résilience, je devrais simplement poser mes cannes afin de les laisser tranquilles. Cela devrait être la suite logique de mon évolution personnelle. Mais non, c'est inconcevable pour moi. J'ai toujours en moi cette envie de me mesurer au sauvage. Car au final, oui, ces truites sont dans mon esprit la définition du sauvage. Quand on connait tous les obstacles qu'elles doivent surmonter pour simplement rester en vie, c'est hallucinant. Je suis tout aussi heureux et surpris d'avoir après toutes ces années cette flamme toujours présente. Je ne me lasserai jamais de ces poissons sauvages qui deviennent tellement rares...

vendredi 31 janvier 2025

Mes encouragements aux motivés.

<p class="MsoNoSpacing">L’actualité des rivières fait grise mine ces derniers jours, une fois de plus me direz-vous. Entre les mortalités sur la haute Loue et les marnages d’EDF sur la Dordogne pour ne citer que ces deux exemples, les poissons sauvages en prennent pour leur grade.</p>

<p class="MsoNoSpacing">En parallèle de ces nombreuses catastrophes environnementales qui touchent nos rivières, les plus hauts responsables politiques de notre pays détruisent à travers leurs discours l’OFB. Mieux, Laurent Wauquier demande la suppression totale de la police de l’environnement avec des mensonges qui en disent long sur les autres sujets qu’il traite.</p>

<p class="MsoNoSpacing">Wauquier mets par exemple en avant un harcèlement de l’OFB sur le monde agricole alors qu’en 2023, plus de 21 000 contrôles ont été effectués pour moins de 2800 sur les exploitations agricoles…Soit un peu plus de 10%. Visiblement, Wauquier devrait revoir, en autres, la définition de harcèlement sur le Larousse.</p>

<p class="MsoNoSpacing">Au niveau local, notre Sénateur Pernot avait lui aussi mis sa pierre à l’édifice au sujet de l’OFB avec un discours au Sénat rappelant l’épisode du comice agricole qui avait conduit à la pollution de la Furieuse (39). Vous avez sans doute deviné où allait son soutien…</p>

<p class="MsoNoSpacing">Je ne défends pas à tout prix l’OFB non plus car je ne vois les choses en noir ou en blanc. Je me souviens aussi d’interventions assez limites en pleine battue de chasse de leur part par exemple. Mais soyons sérieux, s’il n’y a plus de garde-fou pour veiller à la bonne mise en place des normes environnementales en matière de pollutions des eaux, c’est ingérable et nous allons droit dans le mur. C’est malheureusement tout le contraire qui se passe aujourd’hui puisque tout va être allégé, tout va être simplifié (le sénat ayant déjà commencé le travail). La tendance va à l’inverse de ce que demande nos rivières en sachant qu’elles sont à ce jour déjà fortement impactées par les abus et négligences de toutes sortes.</p>

<p class="MsoNoSpacing">Je pense sincèrement qu’Il n’y a pas de mauvais paysans et de méchants agents, il y a seulement des hommes qui chacun de leur côté effectuent leur travail du mieux qu’ils peuvent. Les discours politiques démagogiques tentent d’opposer les deux professions. Le monde agricole ne peut nier que certains individus ne suivent pas les règles. Il faut alors les rappeler à l’ordre quand ces abus deviennent nocifs à la ressource en eau qui elle est indispensable à tous.</p>

<p class="MsoNoSpacing">Chez nous cette situation découle vers une focalisation des pollutions agricoles en pointant du doigt les déversements de lisier jusqu’à obtenir un mouvement de pêcheurs demandant le boycott du comté, rien que ça. Comme si l’assainissement était un sujet sans conséquence sur la qualité de l’eau de nos rivières ou encore nos modes de consommations à outrance. Mais l’humain est ainsi fait. Il est toujours plus aisé de montrer du doigt son voisin, dans ce cas le vilain paysan. Du coup, nous pêcheurs, on boycott le comté tout en prenant l’avion pour aller prendre une truite au Chili ou en Nouvelle-Zélande ou bien encore un bonefish dans les Caraïbes ? Sérieusement ? Nous allons faire la leçon à un type qui tente de gagner un peu plus qu’un smic en bossant 7 jours sur 7 sans jamais prendre de vacances alors que nous n’avons jamais autant voyagé autour du monde pour simplement « pêcher » …J’aurais pu prendre bien d’autres exemples mais celui-ci est pas mal je trouve.</p>

<p class="MsoNoSpacing">Et puis d’un point de vue individuel, c’est vrai que l’on n’a rien à se reprocher. Nous avons tous des métiers « propres » et des habitudes de vie irréprochables qui n’ont aucune conséquence sur les milieux aquatiques. Je travaille pour ma part depuis bientôt 30 ans dans l’industrie plastique donc j’ai du mal à faire la leçon à d’autres en matière de pollution. On doit être beaucoup dans ce cas-là bien que certains l’oublient facilement.</p>

<p class="MsoNoSpacing">Bien entendu que le monde agricole et la filière comté a sa responsabilité dans la dégradation de nos rivières, mais tout comme nous tous à travers nos rejets et nos habitudes de vie de consommateurs. Ne cherchez pas un coupable, nous le sommes tous et je me mets dans le sac.</p>

<p class="MsoNoSpacing">Je suis le premier effondré de la situation actuelle pour suivre cette triste actualité sur le terrain depuis la fin des années 80. La qualité de l’eau qui ne fait que de se détériorer. L’eau qui chauffe toujours un peu plus en période estivale. La gestion calamiteuse des piscivores. Le silence assourdissant de notre fédération nationale. Le désintérêt et l’inaction sur le sujet des milieux aquatiques de la part de nos politiques locaux et nationaux. L’attitude ridicule de ces mêmes politiques qui préfèrent proposer une loi pour l’interdiction de la pêche au vif en occultant la pollution des eaux. Les pêcheurs qui, à l’image de nombreuses autres communautés pensent devenir des défenseurs de rivières parce qu’ils ont partagé une vidéo ou liké une photo sur Facebook alors que dans le même temps toutes les A.G verront moins de 5% de leurs membres en présentielle les autres ayant toujours une bonne excuse. Mieux, ces mêmes pêcheurs sont capables par exemple de se pointer à 4000 sur un salon spécialisé mouche pour acheter du matos sans pour autant acquitter une cotisation annuelle dans des associations comme Anper Tos, SOS Loue ou encore pour soutenir un label comme Rivière Sauvages. C’est ainsi et pas que dans la pêche, c’est partout pareil. On le voit chez nos opposants par exemple. Ces associations animalistes extrémistes qui demandent parfois jusqu’à l’arrêt de la pêche de loisir peuvent avoir des dizaines voir des milliers de soutiens sur la toile à travers des pétitions ou autres. Et puis quand il faut faire une action devant le Décathlon du coin pour manifester contre la vente de vifs, ils se retrouvent à 7 illuminés. Sacrés réseaux sociaux. C’est sur le terrain et dans la vraie vie qua ça se passe, pas en comptant le nombre de vue d’une publication.</p>

<p class="MsoNoSpacing">Je vais débuter ma 28<sup>ème</sup> année en tant que président bénévole d’AAPPMA et je n’ai que 50 ans. Je peux dire que j’ai un certain recul maintenant. Cette situation, tous ces évènements, ces comportements, ces discours, sans parler de ce qui se passe dans le monde pour ne rester que dans le domaine environnemental font que j’arrive au bout de mon rouleau de motivation. J’ai passé plus de temps dans ma vie à m’occuper des autres à travers le système associatif pour arriver aujourd’hui à une situation qui n'a jamais été aussi critique, aussi lamentable. Mes proches le savent depuis un ou deux ans, j’ai juste envie de stopper tout ça car si j’ai eu l’espoir de jours meilleurs durant de très longues années à en avoir mal au ventre, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Et finalement je me sens mieux.</p>

<p class="MsoNoSpacing">Malgré ce sentiment personnel, j’ai une immense admiration pour toutes les personnes encore complètement concernées et motivées pour faire bouger les choses. Vous avez sans aucune réserve tout mon soutien. Bravo pour votre travail et vos actions. Nos rivières vous le rendront !</p>

<p class="MsoNoSpacing"><u><strong>Quels liens utiles :</strong></u></p>

<p class="MsoNoSpacing">Soutenir l’OFB =&gt; <a href="https://www.change.org/p/soutien-aux-agents-de-l-office-francais-de-la-biodiversite">https://www.change.org/p/soutien-aux-agents-de-l-office-francais-de-la-biodiversite</a></p>

<p class="MsoNoSpacing">Adhérer à Anper TOS =&gt; <a href="https://anper-tos.fr/">https://anper-tos.fr/</a></p>

<p class="MsoNoSpacing">Mortalités Loue =&gt; <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/bourgogne-franche-comte/doubs/on-a-massacre-cette-riviere-des-truites-gisent-a-nouveau-dans-la-loue-le-cri-d-alarme-d-un-garde-peche-3097066.html">https://france3-regions.francetvinfo.fr/bourgogne-franche-comte/doubs/on-a-massacre-cette-riviere-des-truites-gisent-a-nouveau-dans-la-loue-le-cri-d-alarme-d-un-garde-peche-3097066.html</a></p>

<p class="MsoNoSpacing">Eclusées EDF Dordogne =&gt; <a href="https://www.youtube.com/watch?v=vUNnzOQSJZI">https://www.youtube.com/watch?v=vUNnzOQSJZI</a></p>

<p class="MsoNoSpacing"> </p>

jeudi 5 janvier 2023

Et bien soit, bon appétit !

J'ai appris suite à la lecture de l'ARP réglementant la pêche en eau douce dans le Jura qu'en 2023 le Black-Bass sera en no-kill dans tout le département. Je ne connais pas du tout ce poisson et encore moins ses effectifs sur notre territoire, mais de toutes évidences, c'est une bonne nouvelle pour les amateurs de ce poisson. Content pour vous.

Nos instances montrent là qu'il est possible d'interdire les prélèvements sur une espèce de poisson. Merci à elles. 

Par conséquent, dans le Jura, on stoppe les prélèvements pour tenter d'offrir une pêche de meilleure qualité sur une espèce allochtone réintroduite et dans le même temps, on continue d'autoriser les prélèvements sur une espèce sauvage autochtone en total danger : la truite. J'avoue être perdu. Je ne remets pas en cause la règlementation black-bass, bien entendu, mais je suis perdu malgré tout.

C'est sans doute la dernière fois que je parle de ce sujet ici. Je ne vais pas me faire mal au ventre plus que de raison non plus. Sur le linéaire de notre AAPPMA, nous avons fait ce qu'il faut depuis des années. Que les voisins assument leurs décisions puisqu'à travers celles-ci, ils estiment que les truites sont assez nombreuses pour en autoriser un prélèvement journalier. La situation me fait sourire car les parcours no-kill sont mis très souvent en avant à travers diverses communications, mais la vérité est tout autre. Les chiffres ne trompent pas et c'est assez flagrant. Sur ce que j'estime être le dernier bassin (Champagnole et son amont) où les densités de truites sauvages restent correctes (malgré une baisse impressionnante ces dernières années), la majorité des parcours donneront le droit de prélever 2 truites par jour et par pêcheur en 2023. Malgré un dernier été catastrophique et une prédation d'oiseaux piscivores omniprésente depuis octobre.

Je le fais court. La rivière d'Ain possède 4 affluents principaux sur la zone Sirod-Syam-Champagnole.

  • J'ai nommé la Saine, la Lemme, la Serpentine et l'Angillon. Soit plus de 70 kilomètres de rivière où il est possible de prélever. Aucun parcours no-kill.
  • Sur la rivière d'Ain en amont des pertes et jusqu'à la source c'est environ 7 kilomètres de parcours où il est possible de prélever. Aucun parcours no-kill.
  • Sur la rivière d'Ain en aval des pertes et jusqu'à la limite aval de Champagnole c'est environ 13 kilomètres de parcours où il est possible de prélever sur environ 57% du linéaire. 5.6 kilomètres en no-kill.

Sur la totalité de ce bassin, c'est seulement 6% du linéaire qui est en no-kill. C'est à dire rien ou presque quand on connait l'état des populations de truites sauvages.

De mon côté, et c'est pourquoi je vais arrêter de communiquer sur ce sujet, je suis sincèrement usé d'essayer de convaincre. Je vais même aller plus loin car en plus de passer pour un con en rabâchant la même chose depuis des lustres, je me prive depuis beaucoup trop d'années d'un plaisir simple. Je vais donc aller cette saison pêcher ces linéaires où je n'allais plus pour conserver quelques truites de temps à autres. Pourquoi diable continuer à aller acheter son poisson en pisciculture (qui est source de pollution pour la rivière) ou sur l'étalage du marché (avec des poissons donc la ressource n'est pas enviable à celle des truites sauvages) alors que finalement, d'après la grande majorité des décisionnaires, il reste assez de truites sauvages pour tout le monde.

jeudi 18 novembre 2021

À vue et rien d'autre !

Voir, apercevoir, distinguer, entrevoir, discerner, ou même deviner, imaginer jusqu’à soupçonner une présence, une forme, une vie. C’est la seule et unique obsession du pêcheur à vue.

Dès que le premier pas se pose sur le sol d’une berge, les yeux du pêcheur à vue que je suis entrent en action dans le but de trouver leur proie. Au départ, le regard balaie le premier mètre de bordure. Le corps ne bouge plus, seuls les yeux sont en mouvement. Ils analysent et scrutent chaque mètre cube d’eau. Le manège se répète tout en en s’éloignant progressivement de la berge. Plus la longueur de recherche s’allonge, plus les doutes grandissent. Une truite immobile posée au loin peut être confondue avec de nombreuses choses au fond de l’eau. Cela donne des scènes de pêches cocasses au final.

Cette quête de la recherche visuelle peut varier avec une grande amplitude selon la densité de truites de la rivière pêchée bien entendu. Les sens du pêcheurs deviennent ceux d’un traqueur hors pair quand les truites se font rares. Ce qui est le cas sur les parcours que je pêche. Toute cette démarche avant même de pêcher devient alors une arme redoutable qu’il faut maitriser parfaitement dans ce cas précis. Cela conditionnera la réussite ou pas de vos parties de pêche. Mais c’est à mon avis surtout l’occasion d’éveiller des sens proches du chasseur. Ceci afin de localiser et d’approcher la truite que l’on convoite de la meilleure des façons. Voir sans être vu. C’est tout un art et surtout un kif incroyable.

Durant ces instants qui peuvent se mesurer parfois à la quasi-totalité de l’action de pêche, le pêcheur est déconnecté du monde réel. Il n’y a plus que lui et les truites qu'il cherche à voir. Chaque pas aura son importance, chaque mouvement devra être réfléchi au risque parfois de faire fuir le seul poisson qui aurait pu être attaqué.

Le mouvement et le positionnement soleil/ombre sont les priorités. C’est un jeu de cache-cache pêcheur/poisson. Il est parfois déroutant, surprenant mais surtout passionnant. Quand la truite entre enfin dans le champ visuel, entièrement ou seulement de façon partielle, la quête touche à sa fin. Elle n’a pas fui, elle continue à se nourrir, les nageoires ne s’affolent pas, tout a été fait comme il faut. C’est déjà une victoire en soi. Pourvoir admirer cette truite dans son élément sans qu’elle ne devine notre présence avec souvent une certaine proximité. Quel régal !  

Le sentiment est d’autant plus fort si la recherche a été longue. Si c’est un poisson inconnu sur un parcours connu. Si le poisson a été localisé dans des conditions difficiles (eau un peu piquée par exemple). Si le poisson est gros, très gros. Le moment où on le voit, ces quelques secondes où cette forme toute fuselée pleine de zébrures passe devant nos yeux est une émotion sensationnelle. Elle peut provoquer un brin de stress, voir carrément de la panique pour certains. Il y a des pêcheurs plus sereins que d’autres, plus expérimentés. Difficiles de savoir comment tous réagissent mais aucun ne peut y être insensibles.

De mon côté, et ce malgré trente-cinq saisons de pêche à la mouche au compteur sur les rivières franc-comtoises, je conserve un brin de fébrilité. L’adrénaline est toujours présente et je m’en réjouis. L’effet reste identique même après toutes ces années. Le plus frustrant serait d’être blasé par cette apparition tant désirée. Cela serait sans doute le signal pour dire stop. Cet instant précis où je localise la truite...Mon Dieu, j’adore ça ! Voir donne ce privilège également de faire son analyse des options à prendre pour l'attaque du poisson et éventuellement le combat derrière. Dès qu'il est repéré, tout s'enchaine dans notre tête. Le feuilleton se fait avant d'être vécu. C'est génial et bien souvent, le scénario n'est pas suivi à la lettre...En particulier par le poisson !

L’acte de pêche derrière n’est qu’un bonus, mais il est nécessaire pour avoir les émotions qui précèdent. Faire la même chose sans le but de prendre la truite en fin d’action n’a pas la même saveur, loin de là. Pêcher sans la recherche à vue n’a rien de comparable non plus. C’est un tout indissociable.

La pêche à vue nous offre en plus de cette recherche, une autre émotion unique. Cet instant où le pêcheur comprend que la truite va venir prendre sa nymphe jusqu'à ce qu'elle ouvre la gueule. Cela peut se traduire pour un déplacement important du poisson, un léger mouvement de tête, voir même simplement les yeux de la truite qui basculent. Tous ces indices laissent à penser que la conclusion sera bonne. Cette pêche nous propose d'être acteur et spectateur dans le même instant de scènes incroyables à chaque fois renouvelées.  

C’est pour toutes ces raisons qu’il m’est impossible de pêcher autrement qu’à vue. Toute cette quête sans pêcher me procure plus de sensations que l’acte de pêche en lui-même. C’est au-dessus de tout. Il faut que je cherche et que je vois ce qu'il se passe ensuite.

Comment pêcher sans voir après avoir vécu autant d’années à faire le contraire ? Impossible, tout simplement impossible pour moi.       

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