J'ai déjà interviewé Julien Daguillanes sur ce blog en 2007, cela remonte un peu ! Aujourd'hui, il revient nous parler de son titre de champion du monde de pêche à la mouche récemment acquis aux USA. Je suis sincèrement heureux de ce dénouement. Julien est un ami de longue date et malheureusement, la distance fait que l'on se voit bien trop peu. C'est un garçon très attachant et rempli de qualités avec qui on a envie de passer un maximum de temps. C'est l'exemple même d'une bonne personne et cela me fait d'autant plus plaisir qu'il soit arrivé là où il est aujourd'hui. Je vous laisse maintenant en sa compagnie.

 

Nicolas : La première question que j’ai envie de te poser, c’est, alors, cela fait quoi de devenir champion du monde ? Comment te sens-tu après cet exploit ?

Julien : C’est un aboutissement. Cela fait des années que je pêche et que je m’entraine pour être le plus performant possible pour les championnats. Même s’il faut garder les pieds sur terre, c’est une compétition de pêche, avec bien sûr une part de chance au tirage au sort des parcours. Du coup, l’envie de pêcher est partie, comme si j’étais arrivé au bout du chemin. Mais bon, je sais que c’est juste temporaire, l’affaire de quelques jours, et qu’ensuite l’envie de pêcher reviendra de plus belle car j’ai encore beaucoup de choses à apprendre au bord de l’eau.

Mon invité avec ses récompenses.

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Nicolas : Pour les personnes qui n’ont pas suivi la compétition, rappelles-nous brièvement comment cela s’est passé. Entrainement, lieu, nombre de manches, etc…

Julien : Nous sommes arrivés avec toute l’équipe dans la ville de Vail dans le Colorado le 1er Septembre 2016 alors que la compétition allait se dérouler du 11 au 18 septembre. Nous avions décidé d’arriver assez tôt afin de nous entrainer sur des parcours pas trop surpêchés par les équipes des autres pays. La compétition s’est déroulée sur trois rivières, l’Eagle, la Blue, la Colorado et un lac (Sylvan Lake). Nous avions quatre manches en rivière (deux sur l’Eagle) et une manche sur le lac en barque dérivante.

Plus de détails.

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Nicolas : On associe souvent la compétition avec une pêche unique en nymphe sous la canne, mais je crois savoir que lors de ces championnats, il ne fallait pas négliger la pêche en mouche sèche non ?

Julien : On a fait de très belles parties de pêche en nymphe, mais aussi en sèche. Pendant la compétition, il y avait pas mal de mouches en fin de matinée et l’après-midi, ce qui nous a permis de pêcher en sèche. Sur la dernière manche sur la Colorado, j’ai fait deux poissons en nymphe et neuf poissons en sèche, comme quoi la sèche a encore  de beaux jours devant elle. Suivant les parcours, on pouvait avoir pas mal de pêche en « sèche/nymphe » avec souvent un grand nombre de poissons qui venaient prendre la mouche sèche. On aurait dit que les poissons avaient la « tête en l’air » dans ce pays, ils venaient régulièrement prendre nos sèches même en l’absence de gobage sur la rivière.

Julien en action lors de ce championnat.

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Nicolas : D’ailleurs, tu as utilisé quoi comme matériel là-bas et pour quelles raisons s'il te plait ?

Julien : Pour le lac, j’ai utilisé une canne à mouche JMC compétition. Le modèle 10 pieds soie de 6 accompagné des soies compétition en numéro 6 toujours de chez JMC (inter, S3 et S5 pour les densités). Les poissons n’étaient pas très gros sur le lac et cet ensemble a été parfait dans ces conditions.

Par contre, en rivière, on avait souvent des gros poissons à combattre, j’ai utilisé le moulinet Yoto que j’ai adopté depuis cette saison.

Le moulinet Yoto en question utilisé par Julien.

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Nicolas : Durant la compétition, tu fais un poisson de 82 cm !! Tu peux nous raconter comment cela s’est passé ? Extraordinaire ce poisson !

Julien : Pas si extraordinaire que ça. Je sais que je ne vais pas vendre du rêve, mais nous pêchions un parcours privé d’un golf pendant la compétition, et ils mettent quelques gros poissons pour les golfeurs qui souhaitent avoir des sensations autres qu’avec « une canne » de golf. Ce poisson, je l’avais vu partir d’un courant et j’étais content de ne pas l’avoir touché en nymphe en 10/100. Quand j’ai refait mon parcours au streamer (Au Sparkler…), je suis tombé dessus en 18/100 sur une 10 pieds soie de 5, j’ai dû mettre 6 à 7 minutes pour le sortir et il a fallu que je prenne mon épuisette à deux mains tellement il était lourd. C’est quand même un bon souvenir même si malheureusement on n’a pas de temps à perdre en compétition avec des poissons de cette taille, ils nous font perdre trop de temps.

Enfin, ça fait gros quand même !

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Nicolas : Par équipe, vous terminez second, ce qui est fantastique. Déçu malgré tout de rater la première marche ou pas du tout ? Qu’est-ce qu’il a manqué ?

Julien : Même si beaucoup d’équipes aimeraient être à notre place, on est toujours déçu de finir 2ème. On fait toujours notre maximum pour gagner. Il faut laisser passer un peu de temps afin d’analyser ce qu’il nous a manqué mais je pense que le tirage au sort des derniers jours ne nous a pas été favorable. Mais bon, il ne faut pas se retrancher derrière cette excuse, sinon, on ne progressera plus. Il faut que l’on continu à travailler ensemble au sein de l’équipe afin d’être plus performant dans toutes les situations et les techniques de pêche. On n’a pas été les meilleurs sur le lac même si notre niveau s’améliore d’années en années à force de faire des entrainements spécifiques.

Bravo à tous, compétiteurs et staff !

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Nicolas : Vous êtes quand même 3 français dans le top 10, ce qui est assez incroyable. Cette équipe possède 5 pêcheurs de très haut niveau. A-t-elle encore une marge de progression ?

Julien : Bien sûr qu’on a encore une marge de progression. On a un niveau correct en rivière mais il faut vraiment que l’on travaille la pêche en lac en barque dérivante. Notre championnat national  en rivière correspond bien au championnat du Monde, par contre, celui en réservoir est très loin de ce qui se pratique lors des championnats internationaux.

Une belle ambiance dans cette équipe.

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Nicolas : Mise à part deux américains qui étaient chez eux, il n’y a que des français, espagnols et tchèques dans le top 10. C’est aujourd’hui les trois nations qui dominent  la pêche à la mouche ?

Julien : Depuis quelques années les espagnols ont une très bonne équipe mais ça peut ne pas durer car leur système de sélection n’est pas au top (ils font une compétition sur un weekend et les 2 premiers sont qualifiés pour les championnats du Monde, le capitaine choisi par la suite 3 autres personnes). Par contre, les tchèques ont un championnat très développé. Ils ont un grand nombre d’excellents compétiteurs qui ont les moyens de voyager pour se former dans le reste du Monde. En ce qui concerne les Américains, c’est devenu une grande nation depuis quelques temps. Il faudra compter sur eux dans les années à venir car ils ont mis les moyens dans la formation. Certes, le niveau moyen des pêcheurs aux USA semble faible quand on se promène dans le pays, mais au final, ils ont tellement de pêcheurs (à la mouche) que les ressources sont immenses.

Dans le bus en direction des lots de pêche lors de la compétition.

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Nicolas : Je reviens sur ton exploit. A quel moment penses-tu avoir fait la différence pour glaner ce titre exceptionnel de champion du monde en individuel ?

Julien : Ce qui a pu faire la différence, c’est de prendre les bonnes décisions au bon moment. Et pour ce championnat, toutes les décisions que j’ai prises se sont conclues par une réussite. Lorsque je décidais de changer de stratégie, ou d’endroit sur le parcours, cela a toujours fonctionné. Des fois ça marche mais des fois ça ne marche pas.

Heureux ! On l'est pour toi mon Juju !

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Nicolas : Pour les aficionados de l’étau, est-ce-que tu peux nous révéler la nymphe et la mouche qui t-ont le plus rapporter de poissons aux USA durant ce championnat ?

Julien : Là, je crois que je vais en décevoir beaucoup. Pas de perdigon secrète ou de sèches en poils d’animaux introuvables. Le plus efficace a été une nymphe sur hameçon de 16 ou 14 avec un corps en faisan, une bille cuivre ou argent et un tag orange derrière la bille justement. Il fallait surtout adapter les poids comme d’habitude et ne pas pêcher trop lourd. Pour les sèches, un tabanas clair sur hameçon de 14 ou 16 et un montage parachute assez clair ont été les mouches les plus efficaces lors de ce championnat du monde.

Toujours le sourire les gens du Sud !

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Nicolas : C’était ton 12ème championnat du monde. Juste Bravo pour ton parcours ! Tu as toujours envie de glaner des titres après avoir atteint le sommet dans le Colorado ?

Julien : J’ai toujours un peu (beaucoup) l’esprit de compétition mais je commence sérieusement à penser à arrêter ma carrière internationale. Non pas parce que cela ne me plait plus, mais surtout parce que j’ai envie d’aller à la pêche pour moi, passer plus de temps avec ma famille, voyager, aller à la pêche avec les amis (dans le Jura par exemple…). Ça prend énormément de temps la préparation pour un championnat, on passe plus de temps à s’entrainer qu’à pêcher pour soi toute l’année.

A la tienne !

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Nicolas : Pour terminer et d’un point de vue plus général. La pêche à la mouche aux USA tient quelle place ? La gestion de la pêche de loisir est-elle différente de chez nous ?

Julien : C’est simple, on dirait que tout le monde pêche (à la mouche) dans ce pays !!!! Il n’y a pas une petite ville qui ne possède pas un magasin de pêche (ou deux), c’est incroyable. La mentalité est complètement différente. Là-bas, la pêche est un loisir, les gens vont à la pêche en famille, ils n’y vont pas pour se nourrir…. La réglementation est beaucoup plus stricte que chez nous, il y a beaucoup de No-Kill et des limitations en captures beaucoup plus restrictives qu’en France. C’est souvent deux poissons par jour. Mais tout n’est pas parfait non plus, il y a beaucoup d’endroits privés où l’on risque un coup de fusil si on essaye d’y pêcher…. Mais bon, le territoire est tellement vaste qu’on trouve toujours un endroit où pêcher.

Le contrôleur de Julien, un vrai "ricain" !

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Nicolas : Encore toutes mes félicitations super Juju et merci d’avoir bien voulu répondre à mes questions. Que du bonheur pour la suite.

Julien : Merci à toi pour l’invitation, c’est toujours un plaisir de parler de pêche sur ton blog. J’espère pouvoir aussi mettre à profit ce titre en influent sur la gestion des rivières, mais ça, comme tu le sais, ce n’est pas gagné !!!

Nicolas : J'ai bien noté pour le Jura, saches que ton accent rempli de soleil me manque. Tu connais le chemin pour être déjà venu, on t'attend ;-)