Heureux de vous proposez une nouvelle interview aujourd'hui, d'autant plus que mon invité est avant tout un ami. Comme en France, il y a chez nos voisins suisses un grand nombre de passionnés. Vous allez partir à la découverte de Romain, grand amateur de nymphe à vue à travers ses multiples périples. Bonne lecture !

Nicolas : Salut Romain, peux-tu nous faire une petite présentation pour commencer cette interview s’il te plait.

Romain : Salut Nico, c’est avec grand plaisir que je me soumets à ce petit jeu des questions-réponses, dis...Y’a 2-3 questions qui tuent, non ?? ;-) Alors voilà, je m’appelle Romain Casiraghi, 52 ans, célibataire, technicien en Télécommunications chez Swisscom, j’habite à la Chaux de Fonds, Canton (Département) de Neuchâtel, en Suisse, et, si je suis sur ce blog, c’est que je suis passionné de pêche comme vous tous...Plus particulièrement de nymphe à vue...Que je pratique « jusqu’à plus soif » depuis environ une quinzaine d’années.

Mon invité.

Nicolas : Si je ne me trompe pas, tu as fait tes « classes » sur le Doubs. Raconte-nous un peu ton apprentissage.

Romain : D’aussi si loin que je me souvienne, j’ai toujours été « aimanté » par le monde de l’eau et de la pêche, déjà tout môme, dès que l’occasion se présentait ,  je squattais les endroits où se tenaient les pêcheurs : môles, ports...J’admirais leurs prises qui gigotaient dans des seaux en plastique posés ça et là sur la jetée...Tant et si bien que mon père me posa un jour la question, qui, sans le savoir, allait avoir un très sérieux impact sur ses heures de sommeil des weeks-ends pour les quelques années à venir : Dis Romain, tu voudrais pas essayer ?? Si tu veux, je t’achète un kit pour commencer la pêche, aussitôt dit, aussitôt fait...Et le cauchemar commença…Pour mon père, bien entendu ;-)

J’allais le secouer au lit tous les samedis et dimanches matins (j’étais sympa, j’attendais 7h00) pour qu’il m’amène au bord du lac de Neuchâtel, qui était distant de 20 km de chez nous...Je devais avoir un dizaine d’années...Par la suite, dès l’âge de 14 ans, je fis la rencontre (à l’école) de 2 passionnés, qui m’ont initié à la pêche en rivière (Le Doubs et l’Areuse)...Enfin, disons que c’est un bien grand mot…Etant tous les trois issus de familles où il n’y avait pas le virus de Saint-Pierre inclus «dans la génétique» et, où Internet et Nico39 n’existaient pas encore ;-) ...Cela a été très difficile…Nous ne faisions pratiquement jamais de truites de mesure...Les vieux pêcheurs que nous croisions régulièrement au bord de l’eau tous les weeks-ends se gardaient bien de donner des conseils , nous voyant certainement comme des «futurs» concurrents…Tant et si bien qu’à la fin d’une de nos glorieuses sorties, où nous étions bredouilles, comme bien souvent, mon père (encore lui) me posa, légèrement soupçonneux, la question de confiance : Mais bordel...Vous ne ramenez jamais rien...Vous allez à la pêche ou aux Putes ?? Fin du premier épisode.

Adolescent, je dévorais tous les magazines de pêche français de l’époque, dont notamment les récits de Georges Lenzi, globe trotter de la première heure, et qui souhaitait, entre autres, à tous ses lecteurs, le bonheur de la prise en direct (sèche ou nymphe) d’une truite de 50 cm…Et je me mettais à rêver de la capture d’un tel poisson !!!

La vie est aussi faite de (belles) rencontres...Qui ont eu un sérieux impact sur les années suivantes, et je ne fis, bien sûr, pas exception à la règle, ayant (enfin) compris que la pêche n’était pas faite pour moi...Je décidai de ne plus prendre le permis, je devais avoir 18 ans. Mais dans le cadre de mes études, j’allais rencontrer, dans les mois qui suivirent, un pêcheur de mon âge, qui était en avance sur son temps (Alain Perriard)...Il pêchait la truite au cadre (au vairon mort manié) sur l’Areuse (rivière neuchâteloise, Suisse)...Et pratiquement personne  ne pêchait de cette manière sur cette rivière...Quoi ?? Me dit-il...Tu ne fais pas de poisson ?? Le week-end prochain tu prends le permis et tu viens avec moi. Le premier jour, grâce à ses conseils, je pris 2 truites de plus de 40 cm...Comme quoi. Ce jour là, il n’y a pas eu que les truites qui ont été ferrées...Et cette fois, pour de bon ;-))

La pêche sur le Doubs, c’est…

S’ensuivit une période boulimique…Où j’ai rattrapé mes premières années de disette, disons le franchement, cette fois, mon père ne me demandait plus à la fin du week-end si j’allais à la pêche ou aux P…Il n’arrivait  plus  à avaler une de ces satanées truites.

Puis, je commençais à pêcher à la mouche…En sèche…Et je croisais de temps à autre un pêcheur discret, à peu près de mon âge, qui  faisait des truites avec une canne à mouche alors qu’il n’y avait pas de  gobages ?? Egalement un pêcheur hors pair (Klaus Riegler)...Qui après quelques appels du pied de ma part devint un ami...Et me fit découvrir les subtilités de la nymphe au fil, et, surtout, comprendre et lire une rivière...Egalement canne à mouche et streamer (Brochet) sur les parcours du Doubs en deuxième catégorie. On était aux alentours des années 1990. Les pêcheurs conventionnels au brochet, sur leur barque, nous prenaient pour des extras terrestres. Un jour, nous nous sommes faits interpellés par deux vieilles mains qui ne comprenaient pas tout. Ils nous voyaient fouetter avec des cannes à mouche…Et on sortait des brochets !!! On a eu beau leur expliquer ce qu’était un streamer et comment l’animer, leurs montrer les photos faites avec les premiers numériques...Ils ne comprenaient pas bien, le mot de la fin vint d’un des deux compères : Et bin...si les brochets, y commencent à bouffer des mouches…Moi..J’arrête la pêche !!!

Quelles Années !!

Egalement à cette période, la rencontre avec une autre personne, qui, à l’époque, débutait à la mouche et que j’ai initié à  à la nymphe au fil (et qui par la suite m’a renvoyé l’ascenseur en nymphe à vue lors de mes débuts) et devint un ami et complice de nos futures sorties de pêche en binôme: Thierry Christen.

Nicolas : On se connait depuis une dizaine d’années maintenant. Nous avons, en autre, la nymphe à vue comme centre d’intérêt commun. Depuis quand et comment es-tu venu à pratiquer cette technique que nous aimons tant ?

Romain :  Oui, technique à part ou tu apprends chaque fois que tu vas au bord de l’eau, où tu peux repousser sans cesse les limites, et apprendre jusqu’au dernier jour où tu iras à la pêche. C’était au début des années 2000, à Goumois, ce fût une rencontre prépondérante, qui allait à jamais modifier ma façon de pêcher, et de ne plus jamais voir une truite de la même manière, la rencontre de Didier Perrachon, qui nous a enseigné, à Thierry et à moi, les bases (et bien plus) de la nymphe à vue. On ne peut rêver mieux comme professeur…Je serrais les fesses car je prenais des « bordées » quand les désidératas du maître n’étaient pas appliqués à la lettre. Mais surtout, un bond incroyable dans la pratique et la compréhension de cette pêche si particulière grâce à ses précieux conseils. On mangeait les soirs de l’été chez Cachot, à Goumois, on faisait le débrief de la journée, souvent avec l’ami Jean-Marc Somaré, également pêcheur et monteur de mouches et nymphes hors pair. Ce fût également une bien belle période.

A partir de là, je n’ai pratiqué presque exclusivement que la nymphe à vue en rivière et réservoir (avec quelques incartades en sèche, quand les conditions s’y prêtent vraiment ;-)

Nicolas : Pour rester sur le Doubs, quel est ta vision et ton implication sur l’évolution de cette rivière ces dernières années ?

Romain :  Ma rivière de cœur, Celle que je vois se dégrader d’année en année, Je fais partie du Comité qui gère l’AAPPMA (Société la Gaule) côté Suisse (Neuchâtel) je suis également dans le comité du Département Doubs Neuchâtelois (FNPR) Moniteur SANA pour les personnes qui veulent commencer la pêche et pour finir dans le comité de la Franco Suisse. Nous avons obtenu de jolis résultats, mais il reste tant à faire. Je ne peux que vous encouragez à rejoindre les associations (AAPPMA ou autres) Parler c’est bien…Agir tous ensemble, c’est mieux...Je joins également deux photos d’une truite de plus de 60 cm prise sur le Doubs Franco Suisse, il n’y a pas si longtemps...C’est pour elles et la sauvegarde des milieux aquatiques que l’on se bat :

Egalement une pensée pour tous ceux qui se battent pour nos rivières Francs Comtoises, je joins une photo d’une truite faite sur la Bienne, avec un gammare de quelqu’un que vous connaissez bien ;-)

Nicolas : La passion pour la nymphe à vue t’a amené à partir pêcher à l’étranger. Tu as fais la Nouvelle-Zélande. Quel est ton ressenti sur ce voyage ?

Romain : Une grosse claque !! Autant sur le plan humain, halieutique, paysages et nature.

Comme tous les passionnés de nymphe à vue, cela me trottait dans la tête depuis un moment, et en plus, Abdoul étant un ami, j’avais là un guide exceptionnel, baroudeur, et qui connaissait très bien la NZ…Il suffisait juste qu’il arrive à convaincre son épouse (ce qui fût fait sans trop de problèmes, car c’est une perle, sa femme, pas lui ;-) Et en avant pour 6 semaines d’aventures !! Même si, aux dires d’Abdoul, je l’ai beaucoup trop entraîné dans les Beds and Breakfasts…

Nicolas : Raconte-nous un de tes bons souvenirs lors de ce trip.

Romain : Mmmmh, bien sûr il y en a plusieurs, mais un m’a marqué : On s’était fait posé au milieu de nul part en hélicoptère...Et si je me souviens bien, on voulait aller pêcher sur la Raoring Lion River, mais il fallait passer deux heures de temps à travers la « jungle » où chaque arbre ressemble furieusement à celui d’à côté, bien sûr, comme d’habitude, je me reposai complètement sur le sens d’orientation de mon guide...Ayant moi-même un sérieux problème de ce côté là ;-)

Après une demi heure de marche, il me semble que l’on tourne en rond...Une impression de déjà vu..

Je vois Abdoul qui regarde sa carte...Et qui à l’air soucieux, je lui demande : ça va ? il me répond : On est perdu !! Là, y’a 2-3 trucs qui te passent par la tête. Très peu de vivres. Bien sûr pas de téléphone satellite (trop onéreux) et bordel, l’aventure, c’est l’aventure. Il fallait qu’il retrouve un petit chemin du style à peine marqué, il m’a planté comme un piquet, et a fait des cercles autour de moi, de plus en plus grands, pour retomber sur cette piste, en me servant comme point de repère…Carte à la main...Au bout de 30 mn j’entendis sa voix (je ne le voyais plus) C’est bon, j’ai retrouvé le chemin...J’ai poussé un ouf de soulagement, je me voyais déjà jouer à Robinson Crusoé.

On est sale, on est crevé, on est à 3 jours de marche de la première maison, mais qu’est ce que c’est bon !!

Abdoul et Romain en NZ.

Parfois, des portails ou des « maisons » qui t’indiquent si tu veux t’aventurer…ou pas...

Des truites incroyables !!

Clin d’œil à la Franco Suisse.

Nicolas : Après la nouvelle Zélande, tu es allé en Slovénie. On a tout entendu sur ce pays. Toi qui as fait de multiples séjours là-bas, dis-nous pourquoi tu aimes tant cette destination ?

Romain : Aaaahh, qu’est ce qui n’a pas été écrit (ou déjà dit) sur la Slovénie…

Pour ma part, j’y suis allé plus de dix fois (séjours d’environ une semaine) depuis 2013, et je n’ai qu’un seul regret : N’y être pas allé plus vite !!

A qui la faute ? La mienne...un peu...beaucoup...d’avoir écouté des gens et lu des articles qui dénigraient à qui mieux mieux la gestion et le tourisme halieutique Slovène...Oooh bien sûr...Tout n’est pas parfait…Mais qui sommes nous, nous : Suisses, Français, Belges ou autres...pour leur donner des leçons de gestion de patrimoine, de tourisme  et de règles halieutiques ??

Faisons nous tout juste, ici, chez nous ??

Quand, Enfin, après bien des hésitations, j’y suis allé la 1ère fois en 2013, j’ai découvert des rivières préservées (au niveau pollution) qui avaient des truites Arc en Ciel de remise. Oui, c’est vrai...Mais…Il y avait aussi des Marmoratas incroyables...jusqu’à plus de 10 kg. Certaines fois postées comme les truites de chez nous…Un truc de fou. Pour autant que l’on se donne l’envie et les moyens de les chercher, de les trouver, et de les pêcher en nymphe à vue !!! Et après plusieurs échecs : J’ai perdu (décroché) 2 truites de plus du mètre en 2014, après plus de 30 minutes de combat...Se retrouver au milieu de la rivière, trempé de la tête aux pieds, vidé nerveusement et physiquement...avoir perdu de tels poissons, leur avoir  fait prendre une nymphe…à vue, suite à des jours de traque...Je ne te cacherai pas que j’en ai pleuré de déception et de dépit…Mais quel pied, quelles émotions...Je souhaite à tout le monde de vivre de tels instants..

80 cm...Notez  la position de la nymphe, elle a bougé pendant le combat...Je ne la voyais pas pendant les 15 premières minutes (elle était dans le palais) puis elle s’est décrochée pour n’être retenue que par un lambeau de chair (les deux dernières minutes) avant la mise à l’épuisette….A peine une traction sur le fil..Et la chair a cédé !!

Nicolas : On a longtemps cru que la pêche des très grosses marmoratas était exclusive au streamer. Avec ton ami Thierry, vous avez vite pensé que c’était possible en nymphe à vue. Quel a été le cheminement pour arriver à cette conclusion ?

Romain : Je vais être franc avec toi. Au début, on s’est trompé ;-) Quand le 2ème jour (en 2013) nous avons vu les premières Marmos (environ 60 cm) elles étaient zébrées. Alors, on les a pêchées comme chez nous. Et quand on les a eu dans l’épuisette, on a vu que c’était des Marmos. Ensuite, on s’est dit qu’il n’y avait pas de raison qu’une Marmo de 75 cm ou plus ne prenne pas une nymphe autrement que par accident ou par hasard, bien que l’on nous affirmait que cela n’était pas possible.

On a reporté la même analyse qui a été faite  sur nos rivières Françaises : Des truites de plus de 7 KG  y ont été capturées en nymphe à vue, pourtant ce sont des poissons qui sont (presque) exclusivement piscivores. Pourquoi une truite, zébrée (ou pas) de plus de 7 KG prendrait une nymphe…Et pas une Marmo ?? Elles ont exactement le même comportement et peuvent s’hybrider entre elles. Juste une petite parenthèse: Il m’est arrivé (c’était en 2016) de pêcher une Marmorata que j’estimais à 7-8 Kg , quand tout à coup, je la vois se décaler et venir prendre une mouche de Mai en surface !! Puis tout gentiment se remettre en poste, et il y avait 2 témoins qui ont assisté à cette scène incroyable (deux pharmaciens Lyonnais, père et fils, s’il se reconnaissent ;-) Comme quoi, il est même possible d’en prendre une en sèche, le défi est ouvert.

Et ainsi de suite, jusqu’en Juin 2015, ou on a pu les leurrer, et surtout les sortir. Suite à mes expériences faites en 2014 où on avait bien eu la confirmation que les toutes grosses pouvaient être prises en nymphe à vue, mais cela, on l’avait gardé pour nous ;-)

L’aboutissement d’une traque de 3 ans. .Enfin !!!

Amitiés, rencontres avec des gens exceptionnels : Branko Gasparin, Charles Gaidy, Eric Saez. Leurs familles. Et que dire de ces moments privilégiés passés avec tous ces passionnés, dont certains sont devenus des amis, où l’on refait le monde chaque soir, à la Vila Noblesa où à la Cabanne du Pêcheur, qui viennent de tous les horizons pour partager cette passion qui te prend aux tripes…

Avec Thierry Christen et Eric Saez.

Nicolas : Est-ce-que pour toi il y a une différence dans la façon de traquer une grande truite fario franc comtoise par rapport à une mamorata trophée ?

Romain : Bin, disons...Il y a déjà  la taille ;-)

Pour les Marmos, Il faut vaincre (encore plus) la barrière psychologique, du style : Elle est trop grosse, j’arriverai pas à la faire prendre, si je la pique, je vais la perdre. Il faut y croire !!! Il n’y a pas que Untel ou Trucmuch qui peuvent prendre de tels poissons...Moi aussi je peux !!!

Ensuite le nombre. En Slovénie, sur des rivières comme la Soca ou l’Idrijca, sur chaque poste marqué qui peut accuellir un gros spécimen, il y a au moins une marmo de 70-80 cm. Et je n’exagère pas !! Après, c’est comme chez nous. Des fois elles sortent. Des fois pas. Et il faut la bonne fenêtre pour pouvoir les attaquer en nymphe à vue. Je te cacherai pas que si tu veux essayer de faire une Marmorata trophée…Il faut exclusivement se consacrer à cela lors de tout le séjour, n’oublions pas que tout le temps que tu passes sur des truites de 60cm ( qui sont déjà des belles truites) c’est du temps perdu pour la recherche et la pêche d’un poisson de 80 cm et plus…Il faut se concentrer sur l’essentiel, après, il est toujours possible de faire un très gros poisson par hasard, mais cela reste une exception, car il y a beaucoup de paramètres à prendre en compte, je vais te faire une confidence, la première chose que je regarde quand je vois un pêcheur sur un poisson trophée, c’est la taille de son épuisette !! Comment espérer mettre toutes les chances de son côté quand on attaque un poisson entre  6 et 10 KG avec une épuisette faite pour une truite de 1,5 KG ?? C’est tout simplement prendre le risque de rater le poisson, qui peut être celui d’une vie. Comme disait l’aventurier Mike Horn : prévoir tout ce qui est prévisible, l’imprévisible viendra bien assez tôt…La pêche des très gros poissons doit être le plus possible anticipée, calculée, se faire dans la tête tous les schémas possibles que la truite pourrait faire si elle est piquée : Si elle va là, je fais ça, si elle part sous la branche, je passe aussi, laisser le moins possible de place au hasard et à la surprise, tout cela pour un taux de réussite qui reste relativement faible. Personnellement j’en suis à 25 % , c’est à dire que sur 4 poissons touchés de 5kg et plus, j’en sors un en moyenne…N’oublions pas que le matériel utilisé est fait pour des poissons d’environ 3 kg.

Nicolas : Avec Thierry, vous avez réalisé un exploit absolument hallucinant avec, en autre, ce poisson du mètre. Truite prise dans les règles de l’art de la nymphe à vue. A distance, nymphe sur hameçon de 14 et fil de 15 centièmes. Rien que de l’écrire, je n’en reviens toujours pas. As-tu été étonné que cet exploit n’ait pas été mis plus en lumière notamment dans la presse halieutique ?

Romain : Franchement, pas vraiment, je m’y attendais un peu, constatant depuis plusieurs décennies la politique pratiquée par ces magazines. Il y a quelques années, j’étais abonné à toutes les revues françaises encore en activité. Je trouvais que la presse papier était un bon complément d’internet, qu’il fallait la soutenir, et que les deux avaient leur place sur le marché d’aujourd’hui.

Quand nous avons fait ce(s) poissons exceptionnel(s) en juin 2015, nous avons été occulté par la presse papier halieutique française. Alors que tout le monde (de ce milieu) était parfaitement au courant, j’ai alors compris le pourquoi du lent déclin de cette presse là : Le problème est que ses journalistes, qui sont la plupart aussi pêcheurs, sont trop focalisés sur leurs résultats, leurs propres reportages. Enfermés dans des idées préconçues, toutes faites, sans laisser assez de place (ouverture d’esprit) pour ceux qui pensent et agissent de manière (un peu) différente à leur manière de faire, de penser et de voir certaines choses.

Il est vrai que sans Youtube et Nico39, Beaucoup moins de monde en aurait profité…Tu m’avais également dit que le reportage sur ton blog de notre séjour en Juin 2015 avait bien « cartonné »

Si la presse halieutique peut se passer de ce genre de scoop...Tant mieux pour les blogs sur Internet. Et en plus, c’est gratuit.

Pour finir, je te citerai une phrase de mon ami Bob Matile, que tu connais bien : Les gros poissons, ça dérange, surtout quand c’est les autres qui les font ;-)

Nicolas : Pour la Slovénie, racontes-nous ton souvenir personnel qui fait partie des plus beaux.

Romain : Disons qu’il y en a plusieurs…Autant au niveau humain qu’halieutique.. Je vais raconter la prise de ma dernière truite Marmorata : 78 cm pour 5,5 KG, pour être très précis, faite en Juillet 2017.

Je connaissais un endroit où tournent 3 truites d’environ 80 cm…Malheureusement, pas visibles en même temps ;-) Et je ne voyais aucune des 3, je leur rendais visite plusieurs fois dans la journée, et cela pendant 5 jours, inutile de dire que je n’avais encore fait aucun poisson cette semaine là. Le vendredi matin, je décide de leur rendre une dernière visite (je rentrais dans la nuit suivante) j’arrive un peu au pas de charge, n’y croyant plus vraiment. Je passe le gros caillou, et là, à 8 mètres du bord, 1 mètre sous la surface, une truite d’environ 6 KG qui est postée. Je me baisse immédiatement, en m’insultant intérieurement de mon manque de finesse dans l’approche, je l’observe :  Elle est magnifique. Marbrée, toute claire, et je vous explique pas les sprints des autres truites quand elles se rendent comptent qui est de sortie. Lumière du matin exceptionelle, j’hésite : je la filme...ou je la pêche ? Ou les deux. Retourner à la voiture, prendre mon trépied + mon matériel pour la filmer. Cela risque de faire un peu trop…Je décide de la pêcher.. Je fais un grand détour pour me retrouver à une dizaine de mètres devant elle. J’ai l’impression qu’elle me regarde. Je descends au bord de l’eau...Et là...Catastrophe...Le miroir…Je ne la vois pas. Je m’assieds juste sur un caillou à peine surelevé. Je la devine...Pas terrible...Mais c’est jouable...Je déplie discrètement ma soie...Et j’arrive à lui fouetter une nymphe non plombée N°12. Dérive...Quelque chose me plaît pas...Je ne la sens pas…Et sur de tels poissons, en général , tu ne passes pas 10 fois...J’anime gentiment, je me rends compte que ma nymphe est déjà au bord dans l’ombre !! Si je déclenche la truite...Je ne la verrai pas prendre…Je reprends ma ligne...Et essaie de réfléchir, 2 solutions : Soit une nymphe plus plombée qui va traverser les veines de courant...Et je la vois prendre (si c’est le cas) par contre ,côté dérive naturelle, c’est pas terrible... Soit je laisse ma nymphe non plombée, et je la ferre à l’aveugle, en ayant compté au préalable le nombre de secondes qu’elle met pour arriver à la limite de l’ombre. Puis de reporter le nombre de secondes où j’estime se trouver ma nymphe et où je ne verrai pas la truite s’en saisir. Cela, je l’ai déjà fait, réussi et raté plusieurs fois, mais sur des poissons de 40-50 cm !! Jamais sur un truc pareil. Ah oui, je reviens plus tard. Mais elle ne sera peut-être plus là !! Tant pis...J ’essaie...Je fouette à 12 mètres…Dérive...Animation, ma nymphe se trouve à la limite de l’ombre, La truite se déclenche et se dirige vers elle, dès sa mise en mouvement, je compte : 1,2,3 elle passe dans la zone où je ne la vois plus 4,5,6 pour moi, elle doit être sur ma nymphe, 7, j’assure une seconde de plus...Et je ferre énergiquement, ne sachant pas si tout va me revenir au visage…Je sens un arrêt net et lourd  en bout de course, est-ce elle ?? Ou une de ces autres petites truites que j’avais vu en passant au bord ?? Une seconde d’inertie, puis un gros coup de tronche...C’est bon !! C’est bien elle, elle repasse, si j’ose dire, en pleine lumière, et sprinte au milieu de la rivière...Combat d’environ un quart d’heure en 15 centièmes…Puis champagne le soir avec Branko, Eric et quelques amis pour fêter ce coup de ligne.

Ci dessous, photo du poisson en question :

Nicolas : Ces dernières années, tu t’es passionné d’images également. Pour toi, c’est devenu un complément indispensable à ta passion pour la nymphe à vue ?

Romain : Depuis que les portables peuvent filmer, il y a environ 10 ans, j’ai toujours été attiré par le fait de pouvoir immortaliser certaines scènes , puis, je décidai de créer ma propre chaîne Youtube  c’était en 2011 : https://www.youtube.com/user/sauvonsledoubs?feature=mhee

Il y a environ 3 ans, j’ai décidé de passer un cap, c’est à dire de m’équiper plus correctement (Mac 27 Pouces  dernière génération qui supporte Final Cut Pro X  en 4K sans pédaler, divers trépieds, divers appareils dont le Panasonic GH5, 2-3 objectifs, drones, micros cravates avec et sans fil, pour pouvoir, pourquoi pas, passer certains de mes films au Cinéma, à travers des Festivals comme le Rise de Pierre Monatte et ses amis, pour qui j’ai un profond respect au vu de la passion et du travail qui les animent, mais l’apprentissage est ardu, passer des films pour rire sur Internet est une chose, les réaliser de manière (quasi) professionnelle en est une autre, il y a beaucoup de paramètres dont il faut tenir compte, notamment le son, les voix off ou pas, et la musique qui doivent être de très bonne qualité...Enfin, le Challenge est ouvert, et je vais essayer de le relever.

Nicolas : Cela doit t’amener pas mal de contraintes durant la pêche ou tu t’en accommodes facilement ?

Romain :  Pas tant que ça, en général, soit je filme, soit je pêche, mais la pratique de la nymphe à vue laisse des créneaux de libre, que tu peux utiliser pour filmer, là, je mets ma canne dans la voiture, et j’essaie à travers les images de capturer un instant pas comme les autres : une truite qui déambule nonchalamment, un oiseau, un joli coucher de soleil sur la rivière, etc...Quand tu arrives à voir une belle truite postée avec une très belle lumière matinale (voir récit ci-dessus) et hésiter à, soit la pêcher, soit la filmer, tu te rends compte de la place que prends de plus en plus cette nouvelle passion, et puis, il faut avouer que le matériel Photo /caméra  type Run and Gun et ses objectifs sont très jolis à voir et à toucher. J’aime également suivre mes amis, en espérant filmer la prise d’un poisson ou d’un moment à part   ;-)

Nicolas : Pour en revenir à la nymphe à vue. Tu as une vision bien précise de cette technique. Pour te donner le plaisir que tu recherches, comment la pratiques-tu ?

Romain :  Dans la vie de tous les jours, je suis assez cool, mais, pour mes passions (films et pêche à vue) au fil des années, je suis devenu très intransigeant, très méticuleux, cela frise parfois l’obsession : J’essaie de tout prévoir, de tout calculer, également au niveau de l’habillement, du poids du gilet (maximum : 700 à 800 Gr), être le plus léger et le plus mobile  possible, fini les waders et ses souliers : trop lourds, trop encombrants (quitte à se les geler ;-) ) pantalons qui sèchent le plus vite possible, savates prévues pour le canyoning qui accrochent un maximum, la soie graissée après chaque sortie, le bas de ligne (qui vient d’ailleurs de chez toi, une tuerie ces bas de ligne cuits) est contrôlé chaque fois avant que j’attaque un poisson, si j’ai le moindre doute, je change !! Je préfère voir partir une truite que de la casser bêtement sur une faiblesse de mon nylon. Idem pour les nymphes, il ne m’arrive plus de me dire : Aaah, si j’avais la même en plus léger ou plus lourd, j’ai, point !!

Cela peut paraître contraignant à mettre en place...Mais une fois que tu maîtrises tous ces petits détails, tu te retrouves au bord de l’eau avec comme objectif le seul plaisir de la pêche, tout simplement.

Nicolas : Tu pousses même le vice à ne pas changer tes plans lorsque tu pêches en réservoir. Tu restes sur de grands bas de ligne avec des nymphes très légères. C’est même pour toi, me semble t-il, une façon de te préparer pour chaque nouvelles saison ?

Romain : Pour moi, les réservoirs, et notamment celui du Martinet a été une période extrèmement bénéfique pour la compréhension, le dosage des ferrages, la mise au point des formules bas de ligne et soie : couper ce qui est superflu, notamment au niveau de la soie (devant et derrière, pour être plus vite en action) et tester la limite de la résistance des bas de lignes par rapport aux poissons (sur différents diamètres de nylons). Bien évidemment, il faut garder exactement les mêmes paramètres que tu utilises en eau courante, tu peux ferrer parfois plusieurs dizaines de poissons par jour, la rivière ne t’apportera jamais cela...Et même si la dérive est, bien sûr, différente, cela reste un entraînement de 1er choix, de plus Arnaud et Pasqualine font divinement bien à manger et te reçoivent « aux petits oignons » et cela fait aussi partie d’une belle journée de pêche…

Nicolas : Tu es plutôt du genre solitaire ou tu préfères la compagnie pour pêcher les truites d’ici ou d’ailleurs ?

Romain : J’aime bien les deux, seul, tu seras, en principe, meilleur, plus concentré. En binôme, tu as une paire de yeux supplémentaires, et si tu as vraiment confiance, tu pourras même suivre ses indications, par exemple pour le ferrage d’un poisson que tu ne vois pas. Je n’aime pas être plus que deux, cela commence à faire trop course d’école ;-)

Nicolas : Un dernier souvenir à nous partager, en Franche-Comté cette fois-ci s’il te plait.

Romain : Oui, il me vient effectivement un dernier souvenir, c’était sur le Doubs, côté Grand Combe les Bois, Nous étions quattre : Didier Perrachon, Jean Marc Somaré, Thierry Christen et moi-même, nous arpentions les rives à la recherche d’une belle zébrée, c’était le début de l’automne, quand soudain, nous entendîmes un cri, comme si on égorgeait quelqu’un…Vite !! Allez voir ce qui se passe...Porter secours si besoin…Quelqu’un était-il tombé de la falaise ?? Nous arrivâmes à la hauteur de la baraque des Graviers, pour voir un gars qui avait le sourire jusqu’aux oreilles et qui avait de la peine à reprendre sa respiration, il venait de faire une truite de 2,8 Kg pour une longueur de 68 cm…Mais la fin de cette histoire, je crois que tu l’as déjà racontée : A ce moment-là arrive Didier Perrachon et Jean-Marc Somaré accompagné de deux amis qui m’ont entendu crier, c’est Didier qui va mesurer ma truite et me « l’homologuer » à 68 cm. C’est un superbe mâle pure souche du Doubs, très peu de point noir, vraiment splendide !!

Nicolas : Merci Romain d’avoir accepté cette interview. Ce fut un réel plaisir. A très bientôt canne en main.

Romain : Oui, merci à toi de m’avoir lu jusqu’au bout (enfin j’espère ;-) ) Quand je regarde ce que j’ai écrit, je sais…Cela peut paraître long pour certains et je m’en excuse auprès d’eux...Mais il y a tant à dire sur cette passion qui nous anime, nous dévore parfois...Je me rends surtout compte de l’importance des rencontres faites tout au long de notre existence...Rien n’est possible sans les autres, et surtout, que cela soit au bord du Doubs, de la Loue, de la rivière d’Ain, de la Slovénie ou autres, rien ne vaut le partage avec des gens qui ont la même philosophie que toi.

PS : J’ai ouïe dire la tenue d’un très beau parcours No Kill par chez toi...C’est quand tu veux ;-)

A tout bientôt.

Nicolas : Merci encore Romain. Je laisse maintenant la parole à ton ami Thierry Christen. C'est ta surprise.

Thierry : En 2000, c’était notre première sortie de pêche à Goumois, on descend le talus et là devant nous une belle truite d’environ 65cm, il me dit laisse tomber elle prend pas ! Et nous passons tout droit, pour peigner le tirage aval en nymphe au fil. Nous prenions de belles truites entre 30 et 45cm, mais jamais plus grandes. A l’approche du coup du soir nos espoirs étaient au plus haut, nous faisions aussi de temps en temps une belle prise, mais jamais au-dessus de 49cm.

Une année, après notre rencontre avec Didier, quand je pris régulièrement des truites de plus de 50cm en NAV, Romain commençait à se lasser de la pêche mouche. Ces quelques beaux poissons l’avaient piqué au vif et il ne tarda pas à s’intéresser lui aussi à cette nouvelle technique.

Il fit ses armes à Soubey, 2h de route tous les samedis et dimanches de 6h à 20h, au début les truites ont dû rigoler, mais après deux ans d’efforts, le sourire avait changé de camp. C’est à ce moment-là que Romain commença à sortir la GoPro et à s’intéresser aux films. Les premières vidéos avaient la canne qui pliait à outrance et quelques défauts, mais avec le temps, le travail et la passion, aujourd’hui sa chaîne youtube arrive à 700 abonnés avec les images que vous connaissez tous.

Il faut dire qu’il est insomniaque, en général quand on se retrouve au petit déjeuner le matin en Slovénie, il a déjà fini le montage des images tournées la veille et me montre le résultat.

Il apprécie autant l’après pêche, une bonne table, des discussions à n’en plus finir, la rencontre et le partage avec d’autres pêcheurs que certains lui ont parfois reprochés !

Ce que je n’ai jamais compris, et ne comprendrai jamais, c’est sa faculté d’aller pêcher en réservoir à deux jours de la fermeture !? même si les conditions sont idéales !

Nous avons partagés des centaines de parties de pêches. Sur la Loue, avec lui et Didier, sa première plus de 50cm, je me souviens encore le voir passer derrière moi quelques minutes avant, la mine déconfite, le regard bas…Et 1 heure plus tard après un coaching d’anthologie de Didier et aussi un petit plongeon dans l’eau, c’était la fête. Sa première plus de 60cm (la Japonaise) sur le Doubs qui traversa la rivière en un seul rush, qui fut malheureusement tuée l’année suivante par un pêcheur au PN. Notre dernière aventure en Slovénie avec tous nos amis, un séjour, 3 pêcheurs, 4 poissons fantastiques, en bonus Romain qui film toute la scène, alors que moi 2 jours avant sur sa 80cm avec mon IPhone full je n’avais rien pu filmer. Désolé :-(

Enfin, en tant que président de Fédération et ami, je tiens à souligner son engagement sans faille pour la défense de nos milieux aquatiques depuis de nombreuses années.

Merci Romain.

Nicolas : Et bien, il me reste à vous remercier tous les deux. J'espère que comme moi, mes lecteurs auront pris un immense plaisir à vous lire. Je vous dis à tout bientôt les amis.