Field and Fish, marque française bien connue dans le domaine des vêtements techniques pour la pêche à la mouche, change de « Boss ». Quinze ans après la création de cette enseigne par Frédéric Leroy, c’est aujourd’hui Antoine Greiller qui reprend les commandes. Merci à Antoine de répondre à mes questions.
Nicolas : J’imagine qu’on ne peut pas reprendre une telle marque sans être pêcheur ! Peux-tu s’il te plait nous faire une petite présentation.
Antoine : Bonjour Nico, et merci pour ta démarche et de me proposer la parole, c’est très agréable. En effet, je suis tombé dans chaudron de la pêche tout petit. Mon Papa était à l’époque bien occupé par son activité professionnelle. Mon grand-père, chasseur et pêcheur, m’a initié au bord de la mare familiale qu’il avait creusé sur un tout petit terrain privé au-dessus de Frangy en Haute-Savoie. Il était un amoureux de la terre, de nature, et donc de chasse et de pêche. Il s’était créé un jardin « botanique » avec deux mares dans lesquelles carpes et gardons étaient présents. J’ai donc commencé à taquiner au coup. Il m’a ensuite emmené au Rhône à Seyssel, puis sur les bords du Fier. Et plus je grandissais, plus j’ai pu arpenter les rives escarpées des ruisseaux pour aller chercher dame Fario. Mon Papa, vétérinaire rural, a repris la pêche pour moi. Je partais avec lui les mercredis lors de sa tournée, il me déposait au bord de la Dranse d’Abondance, et me récupérait quelques heures plus tard. Adolescent, je partais à vélo depuis la maison avec des copains, ça nous a coûté quelques crevaisons et retours sous les orages mais ce sont de grands souvenirs. J’ai ensuite débarqué au Lycée Agricole de Poisy où j’ai rencontré pas mal de mordus avec entre autres, Jérôme Servonnat (Fly Casting Lab) et Grégoire Juglaret, qu’on ne présente plus. Là, la mouche est devenue une évidence, l’art du lancer, le montage, la connaissance des milieux, la philosophie de cette pêche, c’était un ensemble auquel je ne pouvais plus échapper. J’ai fait ensuite quelques années en compétition chez les jeunes puis en sénior, cela m’a porté jusqu’en D1 rivière… un passage rapide et furtif, il faut bien l’avouer. Je suis passé par le club de Cran-Gevrier, le GPS Lyon Centre et enfin Le CMVT, que je n’ai plus quitté, lien affectif même si le temps me manque pour rejoindre plus souvent l’Alsace et surtout les amis qui y sont. Côté professionnel, j’ai eu une carrière dans la protection de l’environnement en intégrant d’abord l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage puis l’Office Français de la Biodiversité. Je me suis donné corps et âme à ce métier passion. Pour diverses raisons, j’avais besoin de rebondir et la reprise de Field and Fish était une belle opportunité, et un sacré challenge.
Nicolas : La passion de la pêche ne suffit pas pour ce genre de défi. Quelles ont été tes autres motivations pour te lancer dans cette aventure ?
Antoine : De ce côté-là, ce défi est un peu fou. Lâcher un boulot stable avec un statut pareil, pour un boulot où gagner sa vie n’est pas chose évidente, c’est parfois assez compliqué à gérer dans ma tête mais je suis déterminé à faire perdurer et développer Field and Fish. Après avoir connu la fonction publique, j’avais envie de travailler pour moi, de m’investir autant que ce que je faisais mais avec des objectifs et des motivations plus personnels. En fait, j’ai toujours été passionné par le « bon matériel », trouver ce qui est le plus adapté à ma pratique, à un bon rapport qualité/prix. En tant que pratiquant, je ne suis pas du genre à flamber, je pointe mes besoins et je cherche ce qui est le plus adapté. La reprise de Field and Fish est en partie motivée par cette envie de créer des vêtements et des bagages de pêche pour les différentes pratiques et pour répondre au plus juste aux besoins des pêcheurs. La marque a toujours écouté les retours clients et su faire évoluer ses produits. Je vais vraiment axer mon travail sur ce principe, qui est pour moi, primordial.
Nicolas : La base de produits est solide, la philosophie est claire. Tu vas t’appuyer dessus ou tu souhaites faire un peu différemment ?
Antoine : Je ne vais pas révolutionner les choses. Effectivement, la base est solide, les choix des matières utilisées sont déjà réfléchis, je vais continuer en ce sens. Ayant travaillé dans la protection de l’environnement, il est clair que je mettrai toute mon énergie à élaborer des produits respectueux de l’environnement, sans matières ou produits controversés, en utilisant une production propre, minimisant les impacts environnementaux. Je ne souhaite pas produire à tout prix, et j’ai besoin de savoir que les cours d’eau à l’arrière des ateliers qui produiront les effets de la marque soient en bonne santé et ne subissent d’agressions de la part de cette activité. Il y a du boulot et ça va prendre du temps mais j’y tiens. J’espère aussi que la clientèle comprendra cette démarche et que cela a aussi un coût. Un waders confectionné avec un tissu labellisé, sans PFOA et de qualité ne peut pas être au même prix qu’un waders avec un tissu bas de gamme, dont on ne connaît pas grand-chose du process de fabrication. Je ne souhaite pas me limiter au monde de la mouche et je souhaite rajeunir un peu l’image de la marque. Je souhaite également proposer des solutions pour faire durer les produits le plus longtemps possible. Nous ne pouvons plus nous permettre d’avoir un quotidien fait de consommables de courte durée. Pour cela, la qualité des produits est forcément le premier point à travailler, rien n’est jamais acquis. Le second point consiste à trouver des solutions pour entretenir et réparer l’existant. Cette offre est peu développée dans le monde de la pêche. Les grandes marques d’outdoor ont déjà amorcées le virage. Il est possible aujourd’hui de refaire les coutures d’un waders, remplacer une portion de tissu endommagée ou changer un chausson. Je travaille depuis quelques semaines avec un atelier local, basé à Annecy. Il est équipé de toutes les machines d’usine. Le personnel est capable d’intervenir sur tous les vêtements techniques. A titre d’exemple, j’ai pu proposer à un client une réparation sur l’un de nos waders. Ce dernier avait plus de 8 ans ! J’avoue que j’étais sceptique, la membrane s’était déchirée au-dessus de l’entrejambe. J’ai déposé le waders à l’atelier, le lendemain 14 h, le waders était prêt à repartir à l’eau avec un empiècement tout neuf, recousu, et avec une nouvelle étanchéité. Nous allons poursuivre les essais, et nous pourrons rapidement communiquer sur ces possibilités.
Nicolas : Cette marque a toujours eu un engagement éthique avec par exemple le 1% pour la planète. C’est quelque chose d’important pour toi ?
Antoine : Tout à fait, cela va avec ma philosophie et mon attachement à notre environnement comme bon nombre de pêcheurs passionnés. Au travers de cette fondation, il est possible de soutenir des projets et des associations locales. Il ne s’agit pas seulement de faire un chèque, et de se laver les mains, ou de faire une belle communication sur le sujet. L’idée est aussi d’être acteur du terrain et des engagements associatifs. Un partenariat existait déjà avec Rivières Sauvages, je suis en discussion pour continuer le chemin, et en particulier soutenir les actions réalisées sur une rivière proche de la société, le Chéran. Je réfléchis également à soutenir d’autres projets environnementaux, mais chaque chose en son temps. J’espère également pouvoir appuyer une ou des fédérations notamment pour ce qui concerne l’éducation en soutenant pourquoi pas une ou des écoles de pêche, toujours dans la mesure du possible. Il y a pas mal de projets en fait…
Nicolas : Ton activité est principalement liée à un site de e-commerce mais tu es aussi présent sur certains salons. Quel est ton programme ?
Antoine : Oui, l’activité de la marque passe par son site effectivement. Une partie des clients a quand même besoin de voir et de toucher les produits avant de se décider et c’est en cela que les salons sont une belle occasion de faire découvrir les produits. Initialement, mon prédécesseur se déplaçait sur les principaux salons spécialisés pour la pêche à la mouche. Je vais continuer à être présent au SANAMA, à Muret, à Charleroi, chez nos voisins belges mais aussi à Carhaix. Tout récemment, je me suis déplacé à Nantes. Je compte développer des produits adaptés à d’autres pêches et donc me positionner sur des salons toutes pêches. Je ferai en sorte d’être présent par exemple à Strasbourg, ou à Châlon, et pourquoi pas à l’étranger comme en Suisse et en Allemagne, si je trouve des accompagnateurs pour parler allemand, j’avoue ne pas être à l’aise de ce côté-là.
Nicolas : Quels sont tes objectifs à court terme ?
Antoine : Ma principale difficulté va être de reconstituer des stocks dignes de ce nom. Être une marque a un prix, chaque produit est un investissement, les ateliers de fabrications ne font pas de cadeaux aux petits entreprises. Je ne pourrai donc pas tout faire, et il faudra établir des priorités. J’espère que les clients le comprendront et seront à terme satisfait de mon travail.
Merci Antoine pour tes réponses claires. Je te souhaite pleine réussite pour cette reprise. Longue vie à ton entreprise !
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