Je ne sais pas comment fonctionne votre mémoire, mais pour ma part, je me souviens de quasiment tous mes poissons pris et les autres d'ailleurs...

Par contre, il y a forcément des truites qui me marquent l'esprit plus que d'autres. Bien souvent à cause de leurs mensurations, mais aussi parfois par leurs couleurs, l'originalité ou la difficulté du coup de ligne et j'en passe. La truite qui au centre de cette nouvelle histoire n'est pas très grosse bien que magnifique. Mais ce n'est pour cette raison que je m'en souviendrais.

Ce poisson, j'ai fais sa connaissance un lundi de ce mois d'août. Pas grand chose d'actif ce jour là sur ma gravière, celle où je passe obligatoirement un petit moment les jours d'été. Mais ce poisson était là, en train de se nourrir, tantôt en surface, tantôt sous l'eau. Déjà un spectacle pour les yeux tant le reste de la rivière était vide. La truite était postée à un petit mètre d'une branche de saule qui venait percer la surface de l'eau en face de moi sur la berge opposée. Entré dans l'eau jusqu'au dessus des chevilles pour me donner de l'espace pour dérouler ma soie, j'étais idéalement placé pour l'attaquer et bien caché dans l'ombre de la végétation.

Une tentative en sèche et deux avec des nymphes plus tard, que la truite s'enfuit sous sa branche et même plus profondément sous le saule à mon grand désarroi. J'avais eu l'impression d'avoir fait les choses correctement et n'avais pas réellement d'explications pour cet échec. Ce que je ne savais pas, c'est qu'on allait se revoir assez vite...

Effectivement, le lendemain, alors que j'ai déjà fait pêche sur un autre parcours, je reviens voir ma gravière...Et franchement, je ne pensais plus du tout à la truite de la veille, je viens là par habitude car ce coin me parle, j'ai de nombreux souvenirs ici et je m'y sens bien tout simplement. De plus, on y trouve des truites très compliquées à prendre et j'aime ça.

Je verrai un ou deux poissons de plus que la veille et je ferai même une truite de taille en arrivant qui nymphait un peu comme une folle. C'est donc dans le feu de l'action que je me retrouve au même endroit que le lundi. La truite est à la même place....C'est à ce moment là que je fais la rapprochement ! Mais on se connait tous les deux ! 

Elle a le même comportement, elle gobe parfois et nymphe souvent. En tous les cas, elle se nourrit énormément. Elle se tiens pile au bout de sa branche, à croire qu'elle ne veut pas s'en éloigner à plus d'un mètre. A ce moment précis, je suis sur de mon coup, elle va pas me bananer deux fois de suite...C'est le genre de jeu que j'adore, et ce, quelque soit la taille du poisson. Je retente une première fois en sèche, mais elle ne vient même pas voir la mouche, je suis sur le cul. Elle pourrait au moins avoir la politesse de se déplacer...Fallait voir à la cadence où elle mangeait, le genre de scénario où on se dit: toi, je vais te faire ta fête !

Ben faut croire qu'elle était bien plus maline que moi, au premier passage d'une nymphe cette fois, direction sous la branche ! J'étais fou et surtout sans réponse, ce qui a le don de m'agacer et de m'amuser à la fois. C'est pour cela que je suis amoureux de cette pêche et surtout de ce poisson que l'on peut rendre, avec une pression de pêche régulière voir soutenue, très intelligent. 

Le lendemain, j'avais rendez-vous avec mon copain Simon et un de ses amis. On décolle à 15heures en direction de cette fameuse gravière. En ce troisième jour, je n'ai qu'une idée en tête, aller voir ma truite ! Et c'est juste extraordinaire, mais elle est là, pile au même endroit, toujours en train de gober et nympher. Je la regarde faire tandis que Simon et son pote sont plus en amont. je vois ce qu'elle gobe, ce n'est pas sorcier. J’essaie un passage de chaque bestiole, pas plus...Une peute passe nickel au-dessus de sa tête mais alors, sans aucune réaction ! Je rêve ! J'attends de nouveau, qu'elle se remette en confiance, je suis dans l'ombre, bien planqué.

Et puis, après cinq minutes à la regarder, voilà qu'elle bouge ! Chose que je ne l'ai pas vu faire les deux premiers jours...Elle remonte de trois mètres en se centrant en milieu de rivière. Arrivée là où elle voulait être, elle se remet à nympher. J'avoue que je ne pige pas, mais c'est ma chance. C'est plus dégagé et je pourrai faire une dérive plus longue. par contre, elle est moins bien placée, quasiment 100% amont, du coup, c'est encore plus compliqué en théorie. Je prends le temps de refaire ma pointe,et je ne vais pas être avare sur le dix centièmes, pas loin de quatre mètres. Petite nymphe sur H22 et le premier poser est le bon. La nymphe perce l'eau dans l'axe du poisson bien trois mètres au-dessus d'elle. Je laisse dériver naturellement sans animation. Le poisson décolle du fond lentement sans faire d'écart sur le côté. Comme je suis plein aval, je le vois de dos, pas moyen de voir de mouvement de gueule qui plus est à la distance où je suis positionné. Elle monte vraiment lentement, j'ai l'impression de déceler un léger arrêt, je soulève donc ma soie et j'ai l'immense joie de voir ma truite au bout...Elle va bien évidemment aller direct sous sa branche et il se passera bien dix secondes où je ne maitrisais pas grand chose, mais finalement le fil n'a pas cassé et j'ai pu épuiser ce poisson après qui je courrais depuis trois jours.

Simon et son copain sont venus de suite pour admirer cette truite. Je suis persuadé que si elle n'avait pas changé de place, je ne l'aurais jamais pris. Je ne sais pas vous l'expliquer, mais j'ai trouvé que cette explication. Je l'ai vraiment pêché propre sur les précédentes tentatives, il n'y a que ça qui ait changé...

Bon courage au prochain naveur qui tombera dessus ;-)

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