L’équipe de France de pêche à la mouche est rentrée de son long voyage de Nouvelle Zélande avec une nouvelle médaille autour du cou puisqu’ils ont accroché une troisième place. Julien, lui, est encore plus heureux avec une deuxième médaille, d’argent cette fois, en individuel. Trois des membres de cette équipe vont un peu, grâce à cet entretien, nous éclaircir sur ce qui s’est passé durant cette compétition, je vais laisser tout d’abord la parole à Bertrand Jacquemin……….

La French team au complet
OLYMPUS DIGITAL CAMERA

Nicolas : Bertrand une nouvelle médaille à ton palmarès déjà bien garni, qu’est ce qu’elle a de particulier celle là ?

Bertrand : Elle est très particulière parce qu’elle vient du paradis de la pêche à la mouche. De plus, nous étions tellement mal partis que ce podium est un peu inespéré. Elle est également associée à une magnifique médaille d’argent individuelle pour Juju qui vraiment la mérite et je suis extrêmement content pour lui.
C’est vrai nous aurions pu mieux faire et une médaille d’argent était à portée de canne. De plus il y avait un parfum particulier pour ce championnat car tout le monde se souvient qu’en 1991 la France avait fini 4ème au bord du podium.
Nous avons souvent évoqué le souvenir de l’équipe qui était présente il y a 17 ans. Nous avons même avec Jacques refait les parcours qui étaient utilisés pendant ce championnat du monde avec une pensée forte pour André.
Bref, un championnat technique, tactique, teinté de beaucoup d’émotion et de souvenirs.

Bertrand avec un beau poisson
bertrand 2

Nicolas : Les Tchèques comme au Portugal sont champions du monde, qu’est ce qu’ils avaient de plus que nous cette année ?

Bertrand : Les tchèques sont devenus de redoutables compétiteurs. Martin, Thomas, Antonin … je les connais bien, nous sommes vraiment très proches au plan technique. Cette année après analyse des résultats, nous nous sommes rendus compte qu’ils ont bénéficié d’un tirage un peu plus favorable que notre équipe. Cependant ils sont vraiment très forts et méritent leur titre.

Nicolas : Il y avait Arc et fario sur les cours d’eau de compétition, y’avait –il une grosse différences de pêche entre ces deux poissons, postes techniques etc ?

Bertrand : Les arcs étaient souvent en bordure des gros courants, les farios plus souvent sur les bordures calmes. Avoir une arc sauvage de 50 cm au bout de la canne en compétition, c’est de l’adrénaline pure : des sauts, des sprints, des descentes de courant, jamais épuisée : fantastique !!



Bertrand avec une arc
bertrand 1

Nicolas : Raconte nous ton meilleur et ton pire souvenir durant cette compétition ?

Bertrand :

  • Les pires :

La pelleteuse qui troublait l’eau en amont de mon poste lors de la 1ère manche sur la rivière Whanganui.
Le capot sur le lac Otomangakau avec cette énorme sensation d’impuissance mêlée de colère, de tristesse pour l’équipe.
La perte d’une grosse truite lors de la dernière manche que j’avais piquée à vue et que j’ai perdue 150 m plus bas dans un herbier. (je la revois encore)

  • Les meilleurs :

Les grosses arcs trouvées en bordure sur le lac Rotoaira à 50 minutes de la fin.
La médaille d’argent de Juju



Nicolas : Encore bravo Bertrand et à l’année prochaine pour Écosse cette fois

Bertrand : Peut-être si le capitaine veut encore de moi. Mais en tout cas, si j’en suis, ce sera avec la ferme volonté de ramener le titre par équipe à la maison.

L'amont de la rivière Waihou
rivière 2

Au tour de Yann Caléri de nous en dire un peu plus…………



Nicolas : Yann, toi qui a pêché durant la compétition uniquement les rivières, peux tu nous parler des techniques qui ont eu le plus de rendement sur ces cours d’eau?

Yann : Au cours de la compétition nous avons pêché 2 chalk stream assez rapides avec quelques arbres (saules) en bordures, de nombreux méandres, et bien sûr des herbiers.
Il y avait dans ces eaux une très bonne densité de petits poissons entre 20 et 30/35 cm pour les plus jolis (exclusivement des arcs-en-ciel sauvages).
J’ai constaté très peu d’éclosion et de gobages pour ce qui me concerne, j’ai principalement pêché en nymphe au fil à 1 ou 2 nymphes et en sèche + nymphe, suivant les coups à pêcher, le placement à avoir, la distance de pêche, etc…
Le plus important sur ces 2 chalk sream était la capacité à bien se positionner, aborder les coups, à bien évaluer la profondeur et à pêcher tout de suite juste et vite.
Les manches se gagnaient à environ 30 poissons, il ne fallait pas traîner.
Sur la 3ème rivière, beaucoup plus large, on avait une alternance de lisses, courants et radiers, dans les veines régulières et profondes on a eu de bons résultats en sèche/nymphe(s) et au fil tout simplement.
Dans les parties courantes moins profondes la noyée s’est montrée très efficace sur les petits poissons.
Les fonds un peu sombres et la lumière de fin de saison pas toujours bonne n’ont pas permis de pêcher à vue dans de bonnes conditions, hormis sur quelques lisses ensoleillés.
La taille moyenne des truites arc en ciel et fario se situait entre 40 et 55cm dans les zones bien marquées et 20/30 cm sur les parties moins profondes et courantes.
A noter une défense de feu de ces beaux poissons qui vendaient cher leur peau.
Nous pêchions avec des 10 pieds soie de 6, le plus souvent en 18/20 centièmes (il fallait bien ça, impressionnant…)



Yann avec une belle truite de 53cm prise à vue
yann 1

Nicolas : Est tu satisfait de ta prestation ou gardes tu des regrets ?



Yann : Je suis satisfait de ma prestation sur les 2 chalk-stream, je suis par contre moins content de moi sur la plus grosse rivière.
En arrivant au bord de la rivière je discute avec le contrôleur (très gentil d’ailleurs) qui me dit que le secteur a été raccourci des 30 mètres amont (la magnifique tête de courant du parcours) dans la nuit car la veille un compétiteur s’est plaint de la vingtaine de gamins qui faisaient leur baignade quotidienne à cet endroit.
La solution apportée par l’organisation m’a légèrement énervé (je pèse mes mots) et je n’ai pas pu me défaire de cette tension tout au long des 3 heures de pêche.
Je termine la manche 9ème avec 16 poissons et je pense avoir manqué de recul et de calme pour gérer au mieux le temps et l’espace de ce secteur difficile à aborder.

Une superbe arc du lac Anifenua
yann 3

Nicolas : Raconte nous ton meilleur et ton pire souvenir durant cette compétition ?



Yann :

  • Mon meilleur souvenir a été les 3 heures passées au bord de la Waimakariri, lors de la 2ème manche.

Je termine 1er de ma manche avec 37 poissons maillés et le sentiment d’avoir bien pêché, je me suis régalé du début à la fin, en compagnie d’un contrôleur Polonais venu s’installer en Nouvelle-Zélande, extrêmement sympa.
Ce sont des moments forts où l’adrénaline est en concentration maximale, des images et des sensations plein la tête, et le résultat de la manche qui vient conclure cet état d’euphorie.

  • Mon pire souvenir, sans que ça soit dramatique non plus, a été l’épisode raconté plus haut sur la grande rivière, lors de la 3ème manche.

C’est typique de la compétition, il faut se remettre en question en permanence et repartir de zéro à chaque manche.

Ici avec une truite de la Mataura
yann 2



Nicolas : Lors de la semaine qui à suivi la compétition tu es parti en compagnie d’Eric sur l’île du Sud, est ce que la pêche correspondait à l’idée que tu t’en étais faites ?



Yann : Nous avons voulu aller sur l’île du sud pour s’immerger dans les grands espaces, la pêche de beaux poissons à vue, en sèche.
Nous avons pêché dans de très beaux décors de superbes poissons pas toujours faciles à approcher et à leurrer à vue, toutefois la saison était déjà bien avancée et les bonnes conditions pour pratiquer ces techniques n’étaient pas réunies (la lumière n’était pas très bonne et les éclosions n’étaient pas suffisantes pour mettre les poissons à table le plus clair de la journée.
Toutefois nous avons adoré la taille et la robe des brown trout (farios) et leur défense puissante et souvent vicieuse, la beauté des paysages et le fait de pêcher tranquillement.



Nicolas : Je te félicite pour cette nouvelle médaille et te souhaite dès l’année prochaine une autre sélection



Yann: Salut Nico, merci à toi une fois de plus et à très bientôt j’espère sur nos rivières Françaises préférées !



Paysage sur la Waihou
rivière 1

Je vais laisser maintenant la parole à Julien Daguillanes qui va nous parler un peu de cette médaille !!!!!!!!



Nicolas : Tout d’abord, encore une fois félicitation Julien pour ce titre de vice champion du monde, dit nous un peu ce qui s’est passé dans ta tête lorsque la nouvelle est tombée ?



Julien : Merci Nico.Tout d’abord, après la dernière manche, on pensait que j’étais 4ème ou 3ème (j’étais déjà super heureux) et une fois que les résultats sont tombés j’étais sur un petit nuage, super content d’avoir fini 2ème, il me tardait de l’annoncer à mon père et à tous mes amis. Ensuite, j’ai eu une grosse envie d’aller faire la fête, aller savoir pourquoi !!!!
Je n’ai jamais pensé au podium individuel pendant tout le championnat, à vrai dire, je ne savais même pas mon classement individuel à la fin de chaque session. J’essayais juste de faire de mon mieux pour que l’on puisse faire un podium par équipe, et nous avons réussi.
Je remercie toute l’équipe car sans eux, je n’aurais jamais fini à cette place. Même le podium individuel est un travail d’équipe.

Julien en compagnie des deux Tchèques pour le podium individuel

Nicolas : Tu as pêché lacs et rivières, pour le lac quelles ont été les techniques les plus prolifiques en termes de prises ?

Julien : Pendant l’entraînement, on avait vu qu’il fallait pêcher avec des Woolly Bugger ou des Damzels en variant les couleurs, les profondeurs et les animations, soit très lentes soit même en Rouli-Pouli. Toujours pendant l’entraînement, j’avais vu que le Sparkler fonctionnait bien, c’est une mouche à laquelle je crois beaucoup (mouche baptisée « Christmas Tree » par mon collègue Japonais dans la barque lors de la dernière manche).
Il fallait des cannes très puissantes pour soie 7/8 avec du fil en 25/100 minimum, à cause des herbiers que les truites appréciaient particulièrement et surtout à cause de leur puissance.
Pendant la compétition, j’ai eu la chance de passer en dernier sur les lacs, j’avais les informations de toute l’équipe ce qui m’a énormément aidé. Ma première manche a été assez dure avec juste un poisson au bout de 2 heures, heureusement je fais 3 poissons de plus dont 2 dans la dernière demi heure, comme quoi jamais rien n’est perdu, il faut y croire jusqu’à la fin.
Je croisais avec Thibaut sur les lacs (lui sur Otamangakau et moi sur Rotoaira), on s’est échangé les informations entre les 2 manches. Je partais confiant pour la dernière ligne droite sur Otamangakau qui porte le surnom de « big 0 ». J’ai foncé sur le lieu que m’avais indiqué Thibaut et au bout de 20 minutes, un poisson de 59cm au bout de la canne. J’ai réussi à faire 7 poissons à la fin des 3 heures dont beaucoup au sparkler (J’en touche 7 de plus dont 6 décrochés et une très grosse cassée à la touche en 26/100, oups…). La compétition venait de se finir, il ne nous restait plus qu’à faire les pronostics et attendre les résultats.



Julien en pleine concentration
Julien action

Lors du changement de mouche

Nicolas : As-tu mis longtemps à t’adapter à la pêche dans ce pays, y’a-t-il de grosse différences avec la France ?

Julien : La pêche en rivière n’est pas très différente d’avec la France mais certaines rivières comme la Waihou ou la Waimakariri sont trompeuses. Il a fallu pêcher très lourd, on ne se rend pas compte de la profondeur ni de la puissance de la rivière. J’ai quand même réussi à prendre des poissons en sèche sur ces rivières.
Sur la grande rivière (Whanganui), je n’ai pratiquement pêché qu’en nymphe au fil avec 2 nymphes et un peu en noyée. C’est une rivière au potentiel impressionnant avec la prise très fréquente de poissons au dessus de 50cm.
La plus grande difficulté a était de pêcher avec des fils de gros diamètres (16/100 sur la Waimakariri, 18/100 sur la Waihou et 21/100 sur la Whanganui), il faut en plus faire attention à la qualité des hameçons avec ces diamètres de fils car ils ont tendances à s’ouvrir. En France on n’a pas l’habitude d’utiliser ces diamètres, ce qui implique que les dérives sont différentes, le poids des nymphes aussi, il a souvent fallu pêcher plus lourd.
Il a aussi fallu que j’apprenne à courir après les poissons car une arc en ciel sauvage de plus de 50 cm, je vous promets que ça déménage… Je me suis même mis 4 fois à l’eau sur la Whanganui pendant la 1ère manche de la compétition.

Julien avec une superbe fario
OLYMPUS DIGITAL CAMERA

Nicolas : raconte nous ton meilleur et ton pire souvenirs lors de cette compétition ?



Julien :

  • Je pense que mon pire souvenir est lorsque j’ai décroché une grosse fario pendant l’entraînement sur la Whanganui, elle devait faire autour des 70cm. Je l’ai perdu au bout de 2 minutes de combat, elle s’est décrochée sans raison apparente, j’ai du trembler pendant au moins 10 minutes….. J’aimerais avoir des souvenirs aussi mauvais en France tous les jours !!!!! C’est dans ces moments là que l’on se rend compte que l’on est impuissant avec une canne 10 pied soie de 5, même en 18/100….
  • Mon meilleur souvenir est comme chaque année, le moment des résultats que ce soit pour l’équipe ou pour l’individuel. Le moment où l’on nous remet la médaille et où la Marseillaise retentit, ça donne des frissons.

Une de plus!!!
OLYMPUS DIGITAL CAMERA

Ici avec une arc en ciel
OLYMPUS DIGITAL CAMERA



Nicolas : Encore une fois bravo Julien, je suis très fier de te compter dans mes amis et je te souhaite dès l’année prochaine de gravir cette dernière marche !!!



Julien : Encore merci Nico.Tu sais très bien que chaque année est différente, il va falloir réussir le championnat de France, puis si tout se passe bien, les sélections. Le championnat du Monde de l’année prochaine sera complètement différent avec beaucoup de pêche en lac, même si nous avons tous des capacités dans cette discipline, nous n’avons pas l’entraînement ni l’expérience, mais je suis sûr que l’équipe qui sera sélectionnée fera de son mieux pour réussir.

Merci à vous, nous en savons un peu plus sur ce que vous avez vécu et encore bravo pour ce formidable résultat. Toutes mes félicitations également à Thibaut, Eric, Christophe, Saïd et Jacques pour ce travail d’équipe exceptionnel.

Une dernière photo avec ce superbe doublé des deux pyrénéens
OLYMPUS DIGITAL CAMERA




Pour rappel, vous pouvez retrouver sur ce Blog dans la catégorie interview, celle de Julien et celle de Yann.