Moins médiatique que d'autres pêcheurs de grosses truites, mais tout aussi efficace, je vais vous faire découvrir à travers cette nouvelle interview un passionné. J'ai rencontré Rémi il y a 2 ans sans savoir qui il était, et puis, c'est Didier Perrachon qui m'en a parlé, en bien d'ailleurs. De notre rencontre, j'ai le souvenir d'un homme discret, modeste et très gentil. Le hasard a fait que l'on s'est de nouveau rencontré sur Internet cette fois-ci et il a bien voulu accepter de répondre à mes questions.
Il y a dans cette interview, des photos qui datent un peu. A l'heure d'aujourd'hui, Rémi relâche systématiquement tous les poissons de moins de 3 kgs.

Nicolas Germain : Rémi, peux-tu nous faire une petite présentation succincte s’il te plait ?
Rémi Faurichon : J’habite en région parisienne, loin des rivières à truites, ce qui me manque beaucoup. Mais tout se mérite et j’apprécie encore plus les deux ou trois semaines de pêche dans la vraie nature.

Rémi avec sa 5.200 Kilos prise en 2010
5.2kg

NG : La pêche est une passion débordante dans ta vie, racontes-nous tes premiers pas aux bords de l’eau.
RF : J’avais 5 ans, mon père m’a apprit très tôt la pêche au toc dans les petits cours d’eau creusois d’une largeur moyenne de 2 mètres aux environs de Bourganeuf. A cette époque, sentir le toc toc en tirant légèrement le fil sur le côté d’une canne de 4 mètres donnait de bonnes sensations. Les plus grosses truites avaient un toc beaucoup atténué voir inexistant au bout de l’index ; sans doute qu’elles avaient apprit à déjouer les manœuvres des pêcheurs…

Rémi avec une grosse truite, ici, 3.3 kg prise avec une imitation de gammare BM 22
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NG :Tu es venu à la pêche à la mouche presque par hasard, et, comme beaucoup, tu es passé par des guides de pêche pour ton apprentissage, qu’est que tu as retenu de cette époque ?
RF : Oui, tout à fait par hasard. L’année où est sortie en salle « Et au milieu coule une rivière » au mois de février et par un été de cette même année désastreux dans les rivières creusoises à cause d’une sécheresse exceptionnelle. J’ai donc décidé de prendre quelques cours de lancer le dimanche matin au bois de Boulogne non loin de Colombes (92), lieu où j’habite depuis ma naissance. Ensuite j’ai fait un stage de trois jours avec Jean-Louis Poirot à Remiremont, lieu où habitait sa mère. Un homme très chaleureux, très bon lanceur en sèche, il m’a également apprit la noyée.
Par la suite, j’ai passé une journée avec Piam pour apprendre la nymphe qui s’est avérée assez difficile. Il n’était pas évident de lancer un bas de ligne de 6 mètres avec une canne de 8 pieds… Mais la dernière phrase de Piam en fin de journée. Il m’a dit : tu as beaucoup de mal mais je sais que tu y arriveras car tu es mordu. Il n’avait pas tord… J’ai fait également un stage de 3 jours avec Grégory Treille, un personnage calme, méticuleux et recherchant les gros poissons. Pleins de qualités, j’ai eu la chance de voir d’autres grands pêcheurs au bord de l’Ain : Philippe Boisson, Norbert Morillas, Didier Perrachon. Ces pêcheurs que l’on voyait depuis longtemps dans les magazines avec leurs trophés. J’ai donc été toujours en admiration devant ces pêcheurs exceptionnels et c’est toujours avec la plus grande attention que j’écoutais leurs conseils…

Avec une belle du Tarn prise avec une imitation de larve plate en oreille de lièvre
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NG :Tu es un amoureux fou de la Franche-Comté et de ses rivières, dis-nous les raisons qui te font quitter régulièrement la région Parisienne pour venir sur celle-ci ?
RF : Pour moi la Franche-Comté est un petit paradis…La rivière d’Ain que je connais bien est d’une clarté exceptionnelle, les poissons sont de belles tailles alors que dans les petites rivières creusoises, pauvres en nourritures, une truite de 40 cm est un véritable trophé. Mise à part la Sioule au niveau de Châteauneuf-les-Bain où la nourriture est un peu plus abondante, j’y avais pris une année une truite d’1kg, ce qui me paraissait énorme mais à cette époque je n’avais pas encore été en Franche-Comté..

Truite de 3 Kilos prise en 2010
3kg

NG :Depuis quelques années, tu t’es focalisé sur la pêche à vue des grosses truites, dis-nous pour quelles raisons ?
RF : Il y a plusieurs cycles dans la vie d’un pêcheur. Au début on veut attraper le plus de poissons et on le garde souvent lorsque l’on est enfant pour faire plaisir à son grand-père. Ensuite on commence à relacher progressivement ses prises. Les truites d’un kilo et en dessous. Ensuite les 2 kg et maintenant j’en suis à relacher les truites n’atteignant pas les 3 kg, ce qui je l’avoue est extrêmement rare. Mais bon !...Maintenant j’ai acquis une autre philosophie… Je remercie tous les jours la Franche-Comté et ses truites qui me font rêver… Alors tuer une truite de 2 kg, que l’on a connu peut-être depuis 2 ou 3 saisons, c’est aussi le désespoir de ne plus la voir l’année suivante… Je prends une photo ou je filme et je la remets délicatement à l’eau, avec beaucoup de respect et de remerciements car elle m’a permis de passer un moment agréable…

Une de ses plus grosses truites prise avec une imitation de tricoptère (3.5kg)
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NG :Quelles sont les qualités qu’il faut avoir pour pouvoir réussir de façon régulière sur ces gros poissons ?
RF : Je n’ai pas la prétention d’être un lanceur exceptionnel…Certes, je suis capable de dérouler mon bas de lignes de 6,20 m enroulé totalement dans mon moulinet manuel sans trop de problème depuis le temps, mais ma Loomis GLX classic de 9 pieds en 2 deux brins, soie de 6 aide beaucoup à la pratique de la nymphe qui doit être parfois rapide lorsque l’on aperçoit une belle en maraude…Mais mariée à une triangle taper n° 6, cela aide beaucoup le pêcheur. Il m’est difficile de me trouver des qualités dans cette pratique de ces gros poissons car je suis un pêcheur comme un autre… Peut-être je ne m’avoue jamais découragé, même s’il m’arrive parfois de me faire casser et de ne revoir un poisson peut-être que deux ou trois saisons suivantes… Je suis capable de rester 3 heures sans bouger. C’est peut-être ça mon point fort. Je peux pêcher un poisson à 2 mètres. Parfois j’ai remarqué que les poissons s’habituait à notre compagnie, elles n’ont plus peur. Un peu comme les autres animaux. J’ai un hamster, au début il m’a mordu 2 fois et maintenant je lui fait faire des accrobaties. Les truites c’est pareil, elles s’habituent à nous. Il faut donc les pêcher là où elles ne nous attendent pas d’habitude ou alors trop habituées, elles prennent un beau jour dans un secteur fréquenté. J’accorde beaucoup de soins à mon matériel. Le raccordement soie/bas de ligne est toujours le même : 1 cm environ dans la soie et 2 tours pour finir la solidité. En plus je mets à tous mes nœuds une petite goutte de cyanolite verte sauf pour le nœud de la nymphe. Le nœud final est tout simplement un nœud cuillère mais en passant au début 2 fois dans l’œillet ce qui fait une boucle intérieure et renforce le nœud, un peu comme le palomar. Je salive et serre doucement. C’est tout. J’alterne entre le 12,6 et le 15/100e en Rio Powerflex pour les pointes et l’avant-pointe. Tout le reste est en maxima.

Une autre du Tarn
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NG :Tu t’es forgé une très bonne expérience dans ce domaine, est ce que ces poissons ont un comportement différents des autres de taille moyenne ?
RF :Alors les poissons de taille moyenne, on s’attend un peu à leurs habitudes, sorties, époques, circuits… de plus elles sortent assez régulièrement. Mais avec les poissons plus gros, ce qui est captivant, c’est qu’il n’y a pas de déductions possibles… de certitudes. Chaque gros poissons a des comportements différents, certaines sortent en juin, d’autres en septembre, d’autres en août… et pas toujours la même année. Si elles sont trop dérangées, elle changent carrément de postes. Il faut se mettre à leur place, elle veulent avoir aussi la paix ces pauvres bêtes…

62 cm de muscles prise avec une BM22 sur l'Ain
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NG:Je suppose qu’il y a un grand nombre d’échecs, ça ne doit pas toujours être facile?
RF:Il y a évidemment beaucoup d’échecs, beaucoup de casses, d’attentes sans succès, parfois l’ennuie de ne pas apercevoir de belles me fait pêcher tous les poissons que j’aperçois cela me redonne confiance, me distrait et me permet à nouveau quelques jours de diette pour la recherche de ces grosses…
J’ai également décroché après une demi heure de combat sur une truite que je connaissais depuis 3 saisons, elle a été prise le week-end suivant par un pêcheur au vairon habitant Lons-le-Saunier. Elle pesait 6,3 kg et mesurait 92 cm…
En septembre 1997, j’ai cassé sur une truite avoisinant les 6 kg en aval du moulin du Plain, ce qui fait que je n’y vais plus depuis de nombreuses années…
Pourtant le Doubs franco-suisse est magnifique. Mais je trouve qu’il y a beaucoup trop de monde. Ce qui n’est pas bon pour les poissons méfiants et pas bon non plus pour moi. Car avant la pêche, je recherche avant tout, la tranquillité, j’essaie de me détendre, de contempler la nature de 6 heures à 19 h tous les jours lorsque le niveau de la rivière est correct. Je ne fais pas le coup du soir, je préfère le coup du matin et voir la faune se réveiller.
Voir les chamois,chevreuils, sangliers…venir boire le matin de très bonne heure au bord de l’eau.Et puis ne pas avoir été vu par ces animaux sauvages, c’est la preuve que l’on est discret, cela me met en confiance, je peux alors m’immerger et me concentrer au monde subaquatique.

Un poisson hallucinant, 18 cm de haut!
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NG :Les nymphes que tu utilise sont elles différentes pour ces poissons ?
RF : Je n’ai pas de nymphes d’exceptions, j’ai qu’une boîte à mouches, une rotobox, que je trouve pratique, seulement il ne faut pas rester trop longtemps dans l’eau sinon il faut sécher ses mouches… Pour les nymphes, il y a évidemment les gammares que j’emploie le matin : BM22, ABfly, gammares en poils de lièvre… J’utilise beaucoup les pheasant tail si chers au regretté Norbert. Il me manque… Il parlait peu mais bien. Et puis quel pêcheur il était… Ma dernière grosse, je l’aie capturée avec une nymphe émergente de tricoptère de Bernard Maillet, grand pêcheur lui aussi et quel monteur… Je commande tous les ans quelques nymphes à Stephan Florian, il est gentil, bon monteur de nymphe. En ce moment il est débordé par les commandes. Au moins un qui ne connaît pas la crise… et il a toujours réalisé ce que je voulais. Ce qui je pense ne doit pas être facile car je suis assez exigeant pour la fabrication. Je monte mes propres nymphes pour la pêche en morte saison aux Sources de l’Eclimont, parcours privé et géré par Pierre Barberot, un homme sympathique. Je mets deux heures pour y aller mais c’est le prix à payer pour passer une bonne journée au bord de l’eau. De plus, les eaux claires me permettent de pêcher en nymphe à vue comme en rivière et de ne pas perdre la main… Sur son parcours, j’utilise souvent une larve de chironome en quill gris naturel et thorax en taupe gris foncé. Ce chiro est vraiment prenant, même en rivière…Voilà, je tourne autour de cinq à six nymphes pas plus…Certains seront déçu mais quand je prends une belle avec une nymphe, je l’adopte pour d’autres jours…

Truite de 3.100 Kilos prise en 2010 avec une BM22
3.1kg

Aux sources de l'Eclimont
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NG :Je sais que depuis deux ans, tu prends plaisir à filmer certaines scènes de pêche, que tu essais d’immortaliser tes coups de ligne sur ces gros poissons, parle nous un peu de cette expérience ?
RF :Ce n’est pas facile d’être à la fois caméraman et pêcheur, mais c’est amusant. On est souvent dans les choux mais quand on est dans le cadre, on est content. Je mets ma caméra sur trépied avec une batterie longue durée et j’attends souvent le poisson… comme le vieux proverbe : « c’est le poisson qui doit venir à toi et non le contraire » ; cela fait des souvenirs pendant la morte saison, je monte mes cassettes sur mon ordi et j’en fais un DVD perso. Le désavantage est qu’il est plus statique qu’un autre DVD. Il m’arrive parfois de prendre le même poisson à une semaine d’intervalle pour varier les prises de vue.Les autres DVD sont fait par des professionnels, ils sont souvent deux à filmer. Mais cela m’amuse… c’est le principal.

Une autre 3.5kg, prise sur l'Ain!!
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NG :Il est évident que pour avoir de tels résultats, il faut pêcher seul non ?
RF :Oui, je pêche seul, je suis un solitaire, un peu sauvage. J’apprécie parfois la compagnie d’un pêcheur sympathique, on échange des phrases, on se dit quelques combines et puis on repart, beaucoup de pêcheurs me saoule avec leur palmarès quotidien. Je préfère nettement un pêcheur un peu débutant qui me demande gentiment de pêcher avec lui une journée. Et si à la fin de la journée. Il a été très heureux d’apprendre le peu que je sais, qu’il a prit un poisson alors je suis aux anges car j’aime rendre service. Avoir des échanges chaleureux, c’est important dans ce monde de brutes, des villes où j’habite. La pêche est pour moi un prétexte, je crois plutôt que c’est pour être avec la NATURE…. Seul à la contempler, c’est mon luxe à moi…

Une très belle truite de la Bienne
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J’ai été très honoré de te recevoir sur ce Blog Rémi, tu fais parti de ces pêcheurs de l’ombre, très peu connus, mais sacrément efficace, je te souhaite une superbe saison et quelques truites de plus de trois kilos, à bientôt!!