La mort pour donner la vie ?
Par Nicolas39 le vendredi 4 décembre 2020, 06:25 - Gestion piscicole - Lien permanent
Les fonds noirs d'une rivière francomtoise ne nous sont malheureusement pas inconnus. En règle générale, les pêcheurs alertent qui veut les entendre que le phénomène se déclenche au cours du mois d'avril après les grosses campagnes d'épandages de lisier. En cette année 2020, c'est la double lame ! Quelle p****n d'année quand même !
De mémoire, je n'ai jamais vu les fonds de la rivière d'Ain aussi noirs à cette époque de l'année. C'est d'autant plus terrible et traumatisant que les truites, enfin, les quelques individus adultes qui ont survécus aux épandages du printemps et à la sécheresse estivale, doivent tenter de se reproduire. Pour se faire, et vous le savez bien, ces poissons survivants doivent creuser dans les sédiments englués de merde noire un nid pour y déposer les œufs. En creusant ce nid ou même avant ça lors des combats entres mâles, les poissons dans certains cas en ressortiront avec des plaies souvent bénignes. Mais vous l'aurez compris, le contact de ces plaies avec ce dépôt noir sur les graviers leur sera le plus souvent fatal.
Les dernières truites sauvages de Franche-Comté en sont donc là. Donner la vie en trouvant la mort ! Il est certain que les populations devraient croître rapidement avec un tel procédé.
Je vous avoue que j'arrive de moins en moins à me rendre sur les berges de ma rivière. A chaque sortie, c'est le mal de ventre assuré. Je n'arrive plus à trouver un seul motif de satisfaction. Je dirais que j'ai fait une vingtaine de sorties depuis début octobre. Mon constat est sans appel. Par rapport à 2019, je vois 4 à 5 fois moins de truites. Tous les ans la population baisse, je le vois bien et j'en suis parfaitement conscient. Mais certainement dû au fait que notre parcours est 100% no kill, cette baisse était lente bien que réelle. Cette année, c'est juste hallucinant. Je ne vous ferais pas cet hiber de vidéo sur les frayères celles-ci étant dépourvues de poissons sur mes secteurs de promenade. Il y a bien ici et là un couple qui gratte dans les algues noires, mais c'est surtout le vide qui s'est installé.
L'Ain aval. Cette zone de frai (vide) montre à quel point la rivière est noire à côté.
Sur Champagnole ce n'est pas mieux. (photo : @alex)
Toute la rivière est touchée, ici, l'amont de Sirod. (photo : @dylan)
La Loue est tout aussi noire que les autres. (photo : @stéphane)
Comme un cri du cœur. (photo : @stéphane)
Les poissons sont toujours malades. (photo : @stéphane)
Donner la vie pour trouver la mort ! (photo : @stéphane)
Vidéo réalisée par Fred sur un petit affluent de la Loue.
Commentaires
Bonjour Nicolas,
Tout ce que tu constates ne m'étonne guère... Tu prends des températures automnales exceptionnellement douces, tu rajoutes des épandages en grande quantité depuis disons la mi-octobre (je n'ai pas noté la date précise à laquelle ça a commencé) sur le plateau de Nozeroy, tu secoues le tout, et tu obtiens une bonne catastrophe!
Quand tu vois l'herbe "disparaître" sous le lisier sur certaines parcelles, j'en étais malade d'avance pour les truites!
Et ce ne sont pas les dernières déclarations du président de la chambre d'agriculture du Jura dans la presse locale sur le sujet, qui en gros balaye le "problème" d'un revers de main, qui vont nous rassurer...
Pauvres truites!
Bonjour,
Votre constat est écœurant, ça fait vraiment mal au cœur. Mais tout cela n’est pas surprenant.
Je vis dans le nord de la France et je pêche le massif ardennais côté français et belge. Nous sommes aussi frappés par ces dérèglements climatiques de plus en plus nombreux et violents (qui ne l’est pas). Ce qui nous sauve pour le moment dans le massif ardennais c’est notre situation géographique un peu plus au nord, notre climat et les pollutions agricoles quasi inexistantes. Par contre cette p***n d’année comme vous dite m’a laissé perplexe... Nous avons vu des ruisseaux à sec ou quasiment, chose que nous n’avions jamais vu auparavant. Ces ruisseaux perdaient déjà beaucoup de leur débit à cause d’une politique de gestion forestière dévastatrice qui a asséché nos tourbières et zones humides réservoirs d’eau en été. A chaque région ses problèmes...
Certains de ces ruisseaux se jettent directement dans la Meuse qui ne peut pas servir de zone refuge pour les truites. Donc on peut dore et déjà dire que ces ruisseaux sont morts ou presque. Franchement je suis conscient depuis très longtemps des changements qui nous attendent mais je ne pensais pas les voir arriver si vite et si fort. Certaines rivières s’en sortent mieux que d’autres. Il reste donc de l’espoir. Mais à quoi bon... ce n’est même plus la peine de dire « si nous continuons comme ça... » il est trop tard et nous savons tous, nous qui sommes proches de la nature et témoins des changements, vers où tout ça nous mène à courte voir très courte échéance.
Nicolas, quoi dire de plus ! Je me suis battu depuis tellement d'années avec SOS Loue et TOS ANPER, pêcheur depuis l'âge de 12 ans à la mouche à Lods , Loue, et ensuite surtout sur le Dessoubre, j'ai 77 ans ...Nous nous connaissons et je pense plutôt mon fils Nicolas Ragonneau qui a éditė plusieurs livres sur la pêche à la mouche en autres. Malgrés mon age je soutien tous les combats . Mais la nature meurt ...les hommes suivront rapidement. Cordialement JP.R
bougez vous au lieu de vous plaindre....avec des actions qui dérangent , par exemple louez des panneaux 4 par 4 et montrer à quoi ressemble vos rivières aujourd’hui...Je suis Sos Loue et rivière franc comtoises et j'ai beaucoup de respect pour les gens qui y bossent,mais que se passe t' il depuis tout ce temps....c'est de pire en pire . ..il est tant de changer de stratégie . les études réalisées durant toutes ces années ont démontrées les causes, les conséquences ...;et alors ..;;soyez des Gilets jaunes pour vos rivières....et arrétez d'être bien sage !!!! si vous organisez des manifs un peu costaud !! on sera là avec vous.Thierry de haute savoie
Sujet brûlant abordé une nouvelle fois avec passion et désespoir par Nicolas, et 4 commentaires !!!! Combien de pêcheurs prêts à une éventuelle nouvelle manifestation ? C’ est peut-être à toute la filière Comté de s’adapter et d’intégrer la notion environnementale. Mais nous en sommes encore très loin.
L’avenir de nos rivières est assurément sombre.
l'environnement n' est peut être pas dans les préoccupations de nos dirigeants :
Après l'autorisation d'utilisation du pesticide, surnommé « le tueur d’abeilles » suite à la demande de la FSEA( pour info et rétablir quelques vérités, j'habite une région betteravière lire :https://www.pollinis.org/publicatio...) je vais avoir droit, à quelques centaines de mètres de mon habitation, à une petite ferme usine de 3500 porcs. Je crois que le monde agricole a une oreille très attentive et compréhensive alors qu'ils ne sont que quelques centaines de milliers( moins de 440.000 en 2018 tout compris)
Merci messieurs pour vos retours,commentaires et conseils.