Nouvelle tuerie de masse par EDF, Piam témoigne.
Par Nicolas39 le mercredi 3 octobre 2018, 06:18 - Gestion piscicole - Lien permanent
Une fois encore, EDF, qui base son message publicitaire sur une énergie verte en parlant de ses barrages, vient d'anéantir des dizaines de milliers de vies. Une fois de plus, les amoureux de la basse rivière d'Ain ont compté les cadavres après une éclusée mortelle tout à fait évitable ! Ce vendredi 28 septembre, en fin de journée, les bénévoles des AAPPMA n'avaient plus que les yeux pour pleurer et constater le massacre. Après 11 jours où EDF a lâché de l'eau avec des débits entre 80 et 200 m3, les responsables ont fait le choix délibéré de couper les vannes et donc de ramener le débit de la rivière de façon immédiate à 12 m3 ! Autant vous dire que même les poissons adultes se sont fait piéger. Un véritable massacre à ciel ouvert. Regardez par vous-même l'historique de la courbe de niveau.
Vendredi midi, plus de 100m3, 2 heures plus tard, moins de 20 !
Les bénévoles sont bien entendu montés au créneau. La presse écrite et télévisuelle s'est déplacée. EDF doit assumer son rôle de destructeur de la basse rivière d'Ain. Cette énergie est tout sauf verte lorsqu'elle est réalisée de cette manière. Ces éclusées mortelles sont évidemment évitables ! EDF doit changer de discours et surtout de mode de fonctionnement !
Malheureusement, ce combat, et c'est bien le plus triste, ne date pas d'hier. Jean-Pierre Guillemaud, que vous connaissez tous sous le pseudonyme de PIAM a bien voulu témoigner pour les lecteurs de ce blog.
Nicolas : Bonjour Jean-Pierre. Tu fais parti des figures emblématiques de la Basse Rivière d’Ain. Que t’évoque cette nouvelle tragédie subie par cette magnifique rivière ces derniers jours ?
Piam : Bonjour Nico et merci de mettre ton blog à dispo pour cette nouvelle catastrophe infligée à la rivière d’Ain.
Que veux tu que cela m’évoque???
Colère ! tristesse ! Et beaucoup plus encore !
Mais vraiment, cela dure depuis trop longtemps et nous sommes aujourd’hui dans l’obligation de bouger car : plus tard sera trop tard !
Si j’ai eu autrefois des responsabilités officielles sur la basse rivière d’Ain, ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Mais la situation est si dramatique que je me sens l’obligation d’intervenir. Le temps des discordes entre partisans de tel ou tel mode de gestion est révolu.
Il y va aujourd’hui de la survie de la rivière et les fiertés personnelles ou les petites chamailleries ou jalousie entre pêcheurs doivent laisser la place à un seul objectif commun : Faire plier EDF par n’importe quel moyen à notre portée !!!
Le triste résultat d'une telle éclusée.
Nicolas : Pour les plus jeunes qui vont te lire, racontes-nous la rivière d’Ain lors de tes premières saisons de pêche sur cette rivière mythique.
Piam : C’est assez difficile à décrire sans que l’on puisse me taxer d’exagération.
En ces temps là je ne travaillais que le dimanche et donc, je pêchais tous les autres jours de la semaine dans des rivières quasiment absentes d’autres pêcheurs. Le rêve...
Mes journées commençaient à 5 heures du mat et je cherchais alors les grosses truites de l’Ain à la « pique » du jour...
Il était fréquent de capturer 4 à 5 truites avant 8 heures, celles-ci oscillant entre 800 grammes et 4 kilos. Les plus grosses étant rares.
Puis vers 8 heures je me dirigeais vers la Bienne ou la Valouze là où les éclosions permanentes me permettaient de capturer d’innombrables truites sauvages à la nymphe ou en sèche...(il y a 45 années les pesticides n’avaient pas encore décimé 80/100 des éphémères et les truites autochtones étaient nombreuses)
Certains jours les crues m’obligeaient à monter jusque chez toi Nico car souvent l’Ain restait clair vers Syam.
Puis je rentrais vers les 18 heures sauf en juin ou juillet où les coups du soir sur l’Ain permettaient encore la prise de grosses truites au sedge dragué.
Eh oui: En ce temps là, point besoin d’aller en Mongolie pour se régaler !
Nicolas : De souvenir, ce combat avec EDF est permanent depuis des décennies. Les pêcheurs, à ton époque, étaient déjà très remontés contre cette entreprise destructrice de la faune piscicole.
Piam : J’avais la chance de drainer une quantité de pêcheurs derrière moi et tout semblait facile...La confiance était là et rien ne semblait impossible.
J’étais président de la société gérant la basse rivière d’Ain et nous avions réussi à fédérer la plupart des appma du secteur.
De plus, j’avais eu l’idée de créer un mouvement contestataire s’appelant SOS rivière d’Ain...Officiellement, je ne pouvais pas être à l’intérieur, mais les actions menées étaient conjointes, cela va de soi...
Beaucoup d’actions fortes dont je ne peux parler ici ont été menées. Mais je peux cependant citer une énorme manif de pêcheurs (environ 500) sur le pont de Pont d’Ain.
Là on a pu voir les pancartes « EDF assassin »et le président du conseil général de l’époque (J Boyon) fut obligé de nous recevoir.
Et Puis enfin le préfet dut me recevoir et par la suite nous faisions un dossier auprès d’EDF qui permit une légère avancée
Endormis par ce succès nous avons peut-être manqué de vigilance par la suite..
De plus les têtes gérant la rivière avaient changé...avec des orientations plus conventionnelles et plus consensuelles.
C’était la fin de la guerre contre EDF...
On s’est fait envelopper sagement par des spécialistes de la communication...
Je n’étais plus dans la course pour cela et certaines autres « gentillesses »me suis éloigné...
Une énergie verte qu'ils disaient...
Nicolas : Aujourd’hui encore, il y a des jeunes pêcheurs au sein des AAPPMA concernées, motivés et compétents pour combattre ce fléau. Que souhaites-tu leur faire passer comme message et aussi et surtout, à tous ceux qui finalement ne vont pas plus loin que de s’émouvoir de la situation.
Piam : J’observe aujoud’hui en effet que se dessine un espoir...
Je dirai simplement que face à une puissance comme EDF la diplomatie ne peut être à l’avantage des pêcheurs.
Des subventions sont possibles bien sûr.
De même quelques miettes jetées aux pêcheurs peuvent les calmer momentanément...
Mais pour sauver les rivières menacées par EDF seules des actions fortes peuvent aboutir.
Les pancartes EDF taguées le long des rivières ont longtemps dérangé la puissante EDF qui acceptait mal une contre publicité permanente sur tous ces ouvrages.
Eh oui comme me l’avait avoué un "grand" responsable d’EDF qui m’avait été présenté par TéTé pour essayer d’arranger les choses.
Lorsqu’on a l’argent et la puissance en plus on voudrait qu’on nous aime...
Pour qu’on l’aime, à cette époque, EDF dépensait une fortune pour la pub télé avec le slogan...EDF Les hommes au service des hommes. Les images montraient un coureur olympique transmettant un relais enflammé.
Merci Jean-Pierre d’avoir pris le temps de répondre à mes questions. J’espère sincèrement qu’un jour les pêcheurs auront raison des agissements assassins d’EDF sur cette rivière que tu aimes tant. Je suis convaincu que les bénévoles en place aujourd'hui ne lâcheront pas l'affaire. Il leur faut pour ça un soutien permanent. Donc rejoignez les rangs !
Pour terminer cet article, je vous propose de découvrir l'article de presse et de visionner la vidéo de France 3. A noter la position hallucinante d'EDF qui se demande comment a pu se produire une telle mortalité ! Ils nous prennent vraiment pour des imbéciles !
Commentaires
Super article Nicolas, je fait partie d'une des aappma de la rivière J'essaye de m'investir à mon échelle avec le peu de temps qu'il me reste après le travail pour essayer d'améliorer les choses mais c'est très découragent de voir que le travail de plusieur années peut être anéantie en moins de 2h.. Cela me donne encore plus la rage contre EDF et l'envie de faire bouger les choses. J'espère que ton article va suscité un intérêt commun pour les pêcheur de cette rivière et rajouter des soldat dans les rang.
EDF assass'ain !
Bonjour
Merci pour ce temoignage
Je ne suis pas de l’ain mais ca me fait mal de voir toute cette mortalitè
Comment peut on agir?
Manifestation contre Edf?
Je ne sais pas mais si une action se met en place je suis pret a y participer
Christophe Augier
C'est de l'incompétence ou de la mauvaise fois ce semblant d'explication à 2 balles d'un pompeux "directeur des exploitations hydrauliques EDF Jura-Ain"... Les poissons devaient être fatigués...bin voyons.On en parle bien trop souvent de ces éclusées trop rapides et d'énorme amplitude.
Je ne peux pas croire qu'en 2018 une entreprise comme EDF ne connaisse pas exactement l'impact environnemental de ce qu'elle fait avec de telles éclusées. Je pense qu'on est dans la malhonnêteté, pas dans l'incompétence.
On ne m'ôtera pas de l'idée que les nombreux messages des pêcheurs à l'occasion de la première éclusée a contrarié les responsables d'EDF. La seconde éclusée sent la vengeance à plein nez. Honteux et criminel.
EDF se vante d'être certifié ISO 14001. Cela signifie que l'entreprise a mis en place un Système de Management Environnemental (SME) qui identifie les risques environnementaux liés à son activité et qui propose des plans d'action permettant de diminuer l'impact ou l'occurrence de ces risques.
Il serait vraiment très intéressant que EDF partage en toute transparence les lignes de ce tableau en ce qui concerne les éclusées...
Parmis les propos que tu as recueillis de Piam il y a un passage que j'ai trouvé particulièrement réaliste :
"De plus les têtes gérant la rivière avaient changé...avec des orientations plus conventionnelles et plus consensuelles.
C’était la fin de la guerre contre EDF..."
Je n'ai pas pu assisté à la dernière AG de l'AUPRA mais en 2017 ou 2016 (je me fais vieux), le représentant d'EDF nous a fait un joli discours sur la maitrise des éclusées, sur le gradient du débit en fonction du niveau initial pour éviter les mises à sec...
Et à la fin il a été applaudi !! C'était surréaliste.
Je pense que des avancées ont eu lieu grâce aux nombreux efforts déployés par les AAPPMA du coin, il font je trouve un énorme boulot, mais il semble nécessaire à nouveaux de durcir le discours et les actions.