Je viens de terminer la lecture de l'arpenteur moucheur. Ce livre, écrit par Julien Pouille et édité par La Cheminante, m'a permis de passer un très bon moment. Le thème noir&blanc, les diverses citations d'auteurs, la collaboration frère&soeur, les réflexions de Julien, sa façon d'écrire, tout est réuni pour dévorer ce livre. Je vous le conseille vivement.

Qui de mieux que son auteur pour vous parler de son livre justement. Je laisse la parole à Julien et si vous souhaitez vous procurer son ouvrage, c'est par là => L'arpenteur moucheur.

 

  • Comment est né ce livre ?

Dans le fond, la genèse de ce livre est assez complexe, sa gestation a été longue. Il me faut préciser que je suis pêcheur depuis mon plus jeune âge et que la pêche n’a chez moi jamais seulement constitué un simple passe-temps. Il y a toujours eu quelque chose de plus … essentiel dans ce qu’elle m’offrait, quelque chose de plus nourrissant qu’un simple loisir. Quelque chose reliant ma propre nature intérieure à cette « autre nature » que j’aime, celle qui existe en dehors de moi, dans le lit des rivières, sur les flancs de montagne, dans les airs, sur un rocher, à la surface d’un lisse, sous une souche…La pêche à la mouche, je crois, a rendu ce lien entre moi et le monde naturel plus … saillant … et ce parce que cette discipline fait du pêcheur – c’est ce que je défends dans le livre en fait -, un être plus sensible à ce qui l’environne, à ce qu’il foule et à ce dont il dépend. Ce premier constat est donc la source du livre. Chercher les mots justes pour le cerner est vite devenu une sorte de quête.

Un second constat s’inscrit en creux dans ce livre et auquel je tiens férocement : celui de devoir dire et lutter contre les affres modernes que nous connaissons – consommation, pollution, régression du milieu sauvage, urbanisation, et puis course au temps, performance – et ce afin de préserver ce qui nous a été confié, y compris notre propre identité. Partager tout cela au travers d’un livre est devenu une forme de petit engagement de ce point de vue...

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  • Pourquoi un « traité amoureux » ?

J’ai eu un déclic suite à la lecture des bouquins « écrivains randonneurs » et « marcher, une philosophie ». Ces deux livres mettaient en parallèle la marche du corps et celle de l’esprit, et s’autorisaient à évoquer des sujets plutôt profonds (des questionnements existentiels contemporains par exemple) avec légèreté, et des sujets d’apparence plus superficiels (la marche comme simple sport, autre exemple), avec une forme de profondeur spirituelle cette fois. La pêche à la mouche pouvait, avec cet angle d’attaque, être un excellent sujet d’écriture, et un prisme au travers duquel regarder un grand nombre de sujets! La beauté du lancer, la pratique du monde naturel, le no kill, la drôlerie des premières fois, la solitude…  

La suite : la maison d’édition La Cheminante m’a suivi sur la base d’un projet d’une trentaine de pages avec l’idée de faire de ces pages, une « sorte d’essai » sur la pêche à la mouche qui ne se prendrait pas trop au sérieux. Le terme « traité amoureux » m’allait bien. Le livre est paru deux années après le premier jet. Sont entre temps venus se greffer dessus : un projet photographique, des auteurs et références littéraires qui sont en résonnance avec la pêche à la mouche sinon qui m’ont marqué, des sorties de pêche mémorables, des échanges avec des proches et amis complètement fou de cette discipline (je n’arrive pas à employer le mot sport à son sujet) ou au contraire qui lui sont étrangers, des moments de solitude inspirant, et peut-aussi être quelques idées de joyeux illuminé, des idées pas très conventionnelles …

  • Les photographies.

Dès le départ, je souhaitais insérer des photos dans texte afin de le faire respirer car je savais que l’écriture serait un peu dense, voire même soporifiqueJ. C’est là que ma sœur est venue mettre son grain de sel. Elle suivait un cursus d’étude photographique à Strasbourg. Elle n’avait pas d’atomes crochus avec la pêche à la mouche, mais elle m’a dit « va pour un essai ! ». On est parti sur un cahier des charges simple : noir et blanc pour l’épure, et singularité pour les plans de prises de vue. Pas de photos « trop faciles à aimer ».

Alors que j’attendais des clichés plutôt illustratifs, ces derniers se sont révélés vraiment parlant, créant comme une seconde voix dans le texte, l’interrompant parfois, et surtout le complétant de façon plus spontanée et beaucoup moins intellectualisée. Ce projet photographique est devenu son mémoire de fin d’étude et a donné lieu à une exposition intitulée « le Flirt ». Ses photos ont retenu les yeux des non-pêcheurs lors de cette expo, ce qui était une première victoire avant la sortie de ses clichés dans le livre.

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  • Le titre.

Le titre est un peu sibyllin. Arpenteur, c’est un clin d’œil à Henry David Thoreau, l’auteur de Walden dans les bois, qui gagnait sa vie en tant qu’arpenteur, une sorte de géomètre avant l’heure du satellite, et qui a marqué la littérature de nature writing et inspiré un grand nombre d’auteur naturalistes. Moucheur, c’est plus évident.