Pour le retour des interviews sur le Blog, il me fallait quelqu’un d’exceptionnel ! Cela fait longtemps que je souhaitais le faire avec lui, mais je voulais encore plus le connaître. J’avoue ne pas avoir été déçu sur nos dernières rencontres. Fred est un garçon attachant et d’une grande gentillesse. Pour le côté pêcheur, mon copain le gros nez le défini bien mieux que moi en une seule phrase : « A la pêche, il y a Zanella et le reste du monde ! »

Régalez vous !

Nicolas : Je crois que tout le monde te connaît, mais on ne sait jamais, des fois qu’il en reste un ou une dont ce n’est pas le cas, peux-tu nous faire une petite présentation ?

Fred : Salut Nico ! J’habite à Thonon-les-Bains sur les bords du Léman. J’ai 33 ans et je suis paysagiste, J'aime le football et un peu tous les sport en général. Je suis également très près de la nature depuis tout gamin ce qui ma conduit naturellement vers la pêche. Mais ma passion numéro un est bien la traque des grosses truites.

Mon invité!
portrait

Nicolas : Pour bien situer le personnage et se rendre compte à quel point tu es passionné, certain diront que tu es fou, raconte nous un peu tes débuts, la pêche est une histoire de famille avant tout chez toi non ?

Fred : Hahahaha fou, je sais, on me le dit souvent ! Mon père étant pêcheur, je me suis rapidement retrouvé avec des bottes aux pieds à barouder les marais et les cours d’eau à l’affût des sonores lézards, tritons, libellules et tous les autres. Depuis tout gamin, j’ai cet instinct de prédation, poisson rouge rotengle et carpe etc. La suite logique des choses était plus souvent les étangs et ruisseaux que les salles de classe, car aux premières hirondelles qui passaient à raz les fenêtres, il n'y avait plus de Zanel !! Aucun regret (si l’anglais), je pense ne pas avoir brulé d’étape dans ma formation et aujourd’hui je m’éclate !

Avec ses potes, au quartier général de la grosse lacustre!
Bar

Nicolas : Avant de parler pêche et poisson, je voudrais bien qu’on s’arrête un peu sur ta rivière. Tu vas traquer les belles truites un peu partout, mais la Dranse reste de loin ta préférée. Dis nous pourquoi ?

Fred : La Dranse est unique, elle n’est pas considérée comme une rivière mais comme un torrent. La grosse Dranse fait environ 13km du lac jusqu’à la centrale de Bioge. Avec de gros rochers et des trous profonds, elle serpente la route qui monte sur les stations. Après elle se divise en 3, chacune Sa vallée, Brovon, Morzine, Abondance. Je pêche principalement la grosse Dranse, elle est assez importante mais comme partout, il y a EDF qui fait de la casse et met la rivière à l’étiage à différents paliers en fonction des niveaux, des besoins électriques ou des rafts malheureusement. Parfois le palier 0 (3m3 !! L’étiage de la honte !!) les invertébrés et les truitelles en font les frais en permanence. Malgré tout ça, elle a de la chance comparé à d’autres rivières, c’est qu’elle ne monte jamais au-delà des 15 degrés l’été et garde le poisson actif et vigoureux. En 2014, il parait que ça devrait changer, je l’espère !

Sur sa rivière!
pêche

Nicolas : Dans cette rivière, il y a deux sortes de truites, des farios mais aussi des poissons fantastiques, des truites lacustres. Tu es certainement le meilleur spécialiste de ce poisson dans le pays. Quelles sont les principales caractéristiques qui différencient les lacustres aux truites farios que tout le monde connaît.

Fred : Les truites lacustres sont des poissons migrateurs. Les trois-quart d’entre-elles redescendent après le frai, il reste quelques sédentaires à l’année, mais des plus petits sujets. Pour moi, ce qui me les fait différencier, c’est la forme de la queue en hirondelle, il met arrivé de voir des lacustres installées depuis un moment dans des trous à 13km du lac, avec des points rouge et une robe jaune ! Celle de mon pote Alex un soir d’août au pont d’Evian ;-) ,on aurait vraiment pu croire que c’était une autochtone mais sa queue la trahie !! Voilà comment je les distingue, maintenant je laisse aux scientifiques vous dire si elles sont atlantiques ou méditerranéennes ;-)

Une argentée!
argentée

Nicolas : Venons en à ce qui te fait passer pour un extra terrestre de la pêche, tes prises exceptionnelles de lacustres. Ces poissons se pêchent le plus souvent à la « tôle », tu pratiques encore un peu je crois, mais toi, tu les pêches surtout aux appâts naturels à l’aide d’une petite Sempé et d’un cadre !! C’est courant comme technique pour ce genre de poisson ou tu es le seul à pratiquer de la sorte ?

Fred : J’aime les pêcher à la tôle à l’eau haute, mais ce que j’aime le plus, c’est de me sentir à la rupture de casse en permanence ! Traquer les grosses avec les cannes à appât naturelle au cadre, c’est mon trip !! En effet, j’ai été l’un des premiers à les traquer de la sorte. Au premier plan et aux yeux des anciens qui les pêchent en 40 centièmes voir plus et avec des grosses cannes, cela paraissait impossible. Les combats sont parfois très long, 45minutes, 1heure ! Il faut être très réactif dans cette pêche, la moindre erreur sur un démarrage est fatale mais le timing et mes jambes de trente ans m’aident beaucoup. Six cents à un km parfois de dévalaison en fonction du niveau d’eau. Aujourd’hui, beaucoup d’amis et de jeunes pêcheurs s’y sont mit et ce font plaisir.

Matos léger pour gros poissons!
cadre

Nicolas : Pourquoi pêcher au cadre ? C’est par tradition, par plaisir ou tout simplement pour une meilleure efficacité ? Pourquoi ce choix plutôt qu’une canne classique avec un moulinet ?

Fred : Le cadre avec la wist (canne à appât naturelle) là est le secret .Utilisé par les suisses et par chez nous notamment à la dandine par les vielles mains, c’est à l’âge de 12 ans que j’ai découvert le cadre grâce à un pêcheur de brochet exceptionnel, Louis Vexiviere. Voyant que j’étais fasciné par ce type de pêche, il me fit cadeau de l’un de ces cadres. Puis il m’enseigna cette technique et bien plus encore tous au long de mon adolescence. Aujourd’hui, je lui dois donc beaucoup. Dès la sortie des cannes à appât naturel il y a une dizaine d’années, j’ai adapté mon cadre à ce type de canne. J’ai tous de suite compris que c’était la bonne solution et que ce serait dans ce type de pêche que je trouverai le plus de plaisir. De longues dérives, des lancers faciles en revers et en coup droit, le frein dans la main, une sensibilité permanente et accrue au bout des doigts mais jamais sans ma wist.

Et ça marche, ici avec un de ses potes!
pote

Nicolas : Pour les spécialistes de la pêche au toc qui nous lisent, est-ce que tu pêches les lacustres comme les farios, les coulées sont-elles identiques ou il y a un coup de main particulier ?

Fred : Non, pas du tout, les autochtones je les pêche très finement à la petite bête, 10 ou 12 centièmes. Les farios lacustres, je me mets en direct sur mon cadre, 20 ou 22 centièmes et je les traque à la teigne avec un hameçon de 10 ou de 8 à vue quand la rivière est à l’étiage ou à la dérive quand ça turbine. Je change en permanence mes grenailles en fonction des courants et des niveaux d’eau, j’aime les attraper en grande dérive à la devinette plutôt qu’à vue. J’ai fais moite/moite cette année sur mes 19 réalisations.

Petit montage pour toi coco ;-)
montage

Nicolas : On te voit souvent sur des photos avec des poissons hors-normes, mais il y a des heures et des heures de pêche derrière tout ça. Tu estimes en moyenne qu’il faut combien d’heures de pêche sans rien prendre pour toucher un tel poisson ?

Fred : Beaucoup d’heure oui ! Tout dépend des niveaux d’eaux et de la saison. A l’étiage à vue des poissons restent accessibles à tous mais pas évident à leurrer tout de même. Après, avec deux paliers au dessus, ça se complique et à la mise maximum bas, là oui, il en faut beaucoup d’heures !

Le roi du chat-perché!
perché

Nicolas : Ces poissons atteignent des mensurations de fou ! Proche du mètre pour 10 kilos. Tu penses que la plus grosse lacustre de la Dranse peut faire quelle taille pour combien de kilos ? Et penses-tu pouvoir la sortir avec ta petite Sempé si tu la croise un jour ?

Fred : Hahaha, cette année j’ai attrapé une 12kg pour 95cm à l’étiage, une 10kg pour 93cm à l’eau haute, des 8Kg à la semi-remorque, je suis prêt, je l’attends ;-) Il y a 4 ans, j’en ai perdu une avec mon pote Alex et devant lolo Costa, la Dranse en crue, emporté par le courant sur 400 mètres et après avoir fait le plus dur, elle se décroche !! Je reste sur ma faim avec ce poisson, autrement, la plus grosse que j’ai vu, c’est celle à Costa, une 12kg ! De mes yeux, car je crois que ce que je vois ! Sinon, ça remonte aux années 80 Ferrari, Capeleti, des13kg et 14kg, mais là, c’était un autre monde.

Ça fait gros bon dieu!!
steack

Nicolas : A voir tes vidéos, l’émotion est immense lorsque tu mets au sec un gros poisson, que ressens-tu exactement et n’es tu pas grisé lorsque tu prends une petite truite par la suite ?

Fred : Pas du tout, je prends autant de plaisir avec une zébrée de 40 sur la Bienne en 10 centièmes, je sais relativiser.

Avec une zébrée!
epuisette

Nicolas : Tu n’es pas seulement LE spécialiste des grosses lacustres, mais LE spécialiste des gros poissons tout court. Tu pratiques très peu la nymphe à vue et depuis très peu de temps. Tu as fais connaissance avec des rivières comme la basse rivière d’Ain depuis deux ou trois ans et tu as déjà fait le tour du pays avec cette truite de 81 cm prise cette saison!!! C’est absolument énorme comme coup de ligne ! S’il te plait, prend le temps de nous raconter ce coup de ligne sur cette zébrée venue d’ailleurs. Donne-nous tous les détails !

Fred : Avec Alex ce jour là, j’étais à 95 contre 1 de la sortir, des branches au fond de l’eau et des arbres noyés. A l’affût, j’étais en train d’attaquer une truite plus petite de 60+, je la vois déraper comme une folle alors que je n’avais pas bougé. Je n’ai pas compris quand soudain je vois ce steak qui venait de la chasser et cela l’avait réveillée. (vite un changement ce que j’ai de plus gros, 17 centièmes rio, gammare roux pas trop lesté) Je l’aperçois de nouveau sous les racines, il y a 2 mètres d’eau, j’anticipe sa trajectoire, le temps de remettre mon cœur en place, je lance mon gammare. Il coule lentement, elle sort de dessous mes pieds, se dirige sur sa trajectoire en se doutant de rien. Elle arrive en butée, ralentie et me mâchouille mon gammare !!! Oui, mâchouillé !! Zoobi !!!! Je ferre dans la foulée, des coups de tête à l’arrêt en danse du serpent. Spontanément, je saute avant qu’elle me plante sous la racine ! Quelle sensation bizarre de remonter et ne plus toucher le fond !! Le Loop siffle, je ne sais pas où elle est, je me préoccupe juste de pagayer main gauche pour allez 15 mètres devant moi sur la gravière où j’ai pied !! Ouf, ça sifflait encore, elle avait fais un yoyo sur deux fois trente mètres, vite je fonce plus bas faire de la chirurgie dans les branches, ça va, je reprends contact, elle redémarre, je gueule Alex !! Il arrive, mes waders son plein d’eau, mais il faut que j’y retourne pour faire coulisser la soie qui est passée derrière une pierre !! Je la sens sauter, je fais marche arrière, elle est 40 mètres en amont, 10 mètres plus loin c’est mort, il y a un nid d’arbres. Je monte ma canne et bride extérieure, je la tourne sur la gravière elle y fonce !! Je laisse partir, Alex est là, C’est ma chance, je le sais, je suis plein d’eau, la suite, je l’ai en images. (Vidéo de la fin de ce combat sur le Blog de Fred, en lien dans la colonne de droite)

Un poisson énorme, un très grand bravo!
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Nicolas : Avec une canne à mouche, il me semble que tu préfères pêcher en sèche, tu pratiques en fait un peu tout, c’est indispensable pour toi ?

Fred : J’aime vraiment toutes les pêches, pour moi c’est important d’être complet. J’adore la pêche à la mouche, c’est clair !!

Trop de photos Coco, donc encore un montage ;-)
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Nicolas : Comme déjà dit plus haut, la famille est très importante pour toi, je te souhaite de pouvoir léguer ton savoir à ton futur fils dans les années à venir, je sais que tu y tiens. Merci d’avoir accepté cette interview Coco, tu seras toujours le bienvenue chez moi !

Fred : Merci à toi Nico !!! J’y pense oui, mais il y a des choses qui font que voila quoi, mais cela viendra ;-) J’aime aller à la pêche avec mon vieux même si ces dernières années ça lui a un peu passé, il doit attendre encore plus que moi un petit fils je pense. A bientôt Nico.

Ce Fred, un sacré mec! On ne va pas déroger à la règle, je reçois maintenant un très bon pote à Fred en la personne d'Alex! Un garçon adorable, j'ai adoré son texte à propos du Zanell! Bravo et merci à vous deux les Cocos ;-)

Chacun dans son entourage connait un pote ,un ami,une relation qui est hors du commun , un personnage atypique, un clown,ou encore un homme de talent.
Moi,ce personnage ,c'est Frédéric Zanella !! Et quel personnage! Homme de talent, farceur,farfelu,mais ami de longue date avant tout,voila quelqu'un qui surprend au premier abord,en bien ou en mal parfois si on ne prend pas la peine de connaître le bonhomme. Car Zanell, ou miton pour les intimes ,est en fait un gars génial a plus d'un titre.
Sa générosité tout d'abord.Il est prêt à tout donner pour faire plaisir (sauf sa Loomis glx) Et n'essayez même pas de payer l'addition au resto, c'est tout simplement impossible!!
Son humour ensuite. Pour faire rire ses potes, il est prêt à tout. Fred ne se prend pas au sérieux et il repousse les limites du possible en terme de situations cocasses.(je vous les épargnerai ,tant certaines sont à peine croyables)!
Mais là où zanell s'exprime le mieux, c'est dans la nature et à la pêche.
Zanell vit nature,respire nature ,je ne connais personne d'autre que lui capable d'imiter le chant de la grenouille si bien qu'il en arrive a faire chanter toutes celles d'un étang, même si aucune ne chantait avant son arrivée!!Mais son domaine de prédilection, c'est bien la pêche.Et là ,quel talent!
C'est incontestablement le meilleur que je connaisse. Capable de prouesses avec son cadre et sa canne appâts naturels,il excelle dans toutes les techniques.Et même si parfois(pas souvent) il pèche un peu niveau technique ,il compense largement par son incroyable connaissance de l eau et du poisson.Pas de fioritures avec lui ,juste de l'efficacité.
Amoureux des gros poissons,il est doté d'une perséverance hors du commun pour trouver comment leurrer une grosse truite. Il est capable de rester sans bouger des heures entières devant un poisson en bordure jusqu'à trouver la faille. J'ai d ailleurs le souvenir d'une partie de pêche sur l'Ain où il était sur un poisson de 70cm, tapi dans l'herbe, quand un serpent lui est passé devant . Je l'ai entendu pousser un gloussement ,vu devenir blanc,mais il n'a pas bougé d'un poil ce miton. Dieu sait s'il en a peur pourtant des serpents! C'est dire sa détermination! Et que dire des truites lacustres,à vue ,peu d'entre elles lui résistent!
Un personnage particulier ,oui ,sans aucun doute,par certains cotés,mais au final d'une simplicité déconcertante,que l'on ne regrette pas d'avoir connu.
J'espère en tout cas pouvoir partager avec lui encore de nombreuses parties de pêche et de vie,mais ça ,ça ne fait aucun doute.

Alex au centre, avec Fred et le Doudou!
alex