Mon deuxième invité n’est autre que Yann Caléri, membre de l’équipe de France de pêche à la mouche depuis de nombreuses années et guide de pêche professionnel. Yann est un ami de longue date, un garçon qui incarne la gentillesse, je vous propose de le découvrir ou de le redécouvrir à travers cette interview. Bonne lecture.

Nicolas Germain : Salut Yann, pour ceux qui ne te connaissent pas mais je pense qu’ils sont peu nombreux, peux tu nous faire une petite présentation s’il te plait ?

Yann Caléri : Salut Nico, c’est avec plaisir que je me prête avec toi à cette petite interview, merci de me la proposer. J’ai 31 ans, je vis à La Tronche (ne rigole pas c’est très connu dans région) tout près de Grenoble. Après avoir pratiqué la truite au toc en torrent de montagne, le poisson blanc en étang, je suis tombé amoureux de pêche à la mouche à l’âge de 14 ans, un peu par hasard, une vraie révélation qui est vite devenue la passion d’une vie, si bien qu’aujourd’hui j’en ai fait mon métier. J’ai toujours fait du sport en club et c’est par curiosité que j’ai participé à ma première compétition mouche, sur le Buech, petite rivière des Hautes-Alpes. Ca m’a tout de suite plû et j’ai continué, j’ai aujourd’hui la chance de faire partie de l’équipe de France.

Copie_de_photo_Vah_M_d13_Yann_manch3_copie.jpg

NG : Je te connais depuis plus de quinze ans et je t’ai toujours vu avec une canne à mouche, pourquoi avoir choisi ce type de pêche et pas une autre ?

YC : Un jour, par hasard, j’ai essayé la canne à mouche de mon père et j’ai tout de suite été emballé par cette gestuelle unique tellement élégante (attention pas au début), l’action de cette canne souple que l’on sent travailler, véritable prolongement de l’avant bras. Par la suite, j’ai été emballé par les immenses possibilités qu’offre cette pêche, tant au niveau du matériel utilisé, de la gestuelle, des techniques, du montage de mouches….. Tout ceci représente un univers passionnant fait d’observations, de recherches, de partages, de découvertes, d’émotions, de souvenirs, de rencontres, de succès et d’échecs….et ça correspond bien à ma relation à la nature, à l’eau et aux poissons, une philosophie de la vie aussi. Pour moi c’est une source inépuisable de progrès et il n’y a pas assez d’une vie pour en faire le tour. Je ne pouvais que me réjouir à l’idée de baigner dans tout ça.

NG : Si je ne me trompe pas « ta rivière » est le Guiers (38), parle nous en un peu s’il te plait ?

YC : Il faut en fait parler des Guiers, le Guiers « vif » et le Guiers « mort » qui se rejoignent après environ 10 km de parcours solo plus ou moins accidenté pour former le Guiers, à l’aval d’Entre-deux-Guiers. Il s’agit d’une rivière calcaire au profil varié, riche en nourriture, on y trouve des truites et une population mixte de truites et d’ombres, à partir d’Entre-deux-Guiers, sur une quinzaine de kilomètres environ. Toutes les techniques sont praticables avec succès. Le Guiers est situé à un carrefour géographique entre Grenoble, Lyon, Chambéry, son potentiel est énorme mais il est loin d’être atteint notamment en raison d’une très forte pression de pêche.

NG : Es tu impliqué dans l’AAPPMA locale et si oui pour quelles raisons ?

YC : Oui depuis 3 ans, je suis aujourd’hui vice-président de l’AAPPMA des riverains du Guiers, nous gérons 4,5 km de rivière en amont des gorges de Chailles.

J’ai eu la chance de rencontrer son président, Francisque Descotte-Genon, une personne formidable, à la retraite depuis quelques années, il ne compte pas son temps pour protéger le Guiers et ses poissons. Il répète qu’une AAPPMA ne doit pas seulement gérer une caisse mais que la priorité doit aller à la qualité de l’eau, de l’habitat piscicole et à la protection du poisson, enfin vient le pêcheur. Je me suis fais un plaisir de le rejoindre quand il me la proposé, pour défendre la vision que l’on a de la pêche. Nous avons cette année fait passer le nombre de captures de 10 à 6 salmonidés (dont un ombre), par jour et par pêcheur, sur le Guiers. C’est encore beaucoup trop compte tenu de l’énorme pression de pêche mais nous ne désespérons pas d’arriver un jour à une véritable réglementation, adaptée, assurant une vraie protection des géniteurs, sur le Guiers mais aussi dans tout le département.

Nous avons aussi crée un parcours no-kill toutes techniques d’un kilomètre, avec hameçons simples sans ardillon, nous allons le maintenir pendant 3 à 4 ans à la suite de quoi nous effectuerons une pêche électrique comparative avec les chiffres précédant sa création, et nous en tirerons des enseignements pour la suite.

Nous sommes de plus en plus nombreux à pratiquer la pêche comme un jeu et non pas comme de la cueillette, à vouloir se faire plaisir sur des poissons plus gros et plus nombreux. Les rivières en France, sauf exception sur certains parcours, ne sont pour ainsi dire pas gérées, elles le seront un peu plus le jour où l’on fera un véritable état des lieux par bassin versant, où l’on défendra la qualité de l’eau, de l’habitat, où la réglementation permettra aux poissons de se reproduire au moins 2 ou 3 fois, où l’on aura un vrai contrôle du prélèvement possible de la part des pêcheurs, toute une saison durant, en fonction de la richesse et du potentiel du milieu, de la pression de pêche, etc.…… L’idée n’est pas de tout mettre en no-kill et des parcours plus faciles pourraient trouver leur place sur les secteurs les plus dégradés, et satisfaire les pêcheurs qui ont une autre approche de la pêche.

Il faut absolument que ceux qui partagent cette idée de la pêche, quelle que soit la technique pratiquée, puissent participer à la vie des AAPPMA et donner leur point de vue. On a la chance que la pêche en France soit organisée de façon démocratique et chacun peut rentrer dans un bureau et faire des propositions. Il faut révolutionner la pêche en France mais ça ne se fera pas tout seul, le potentiel est énorme mais les changements ne viendront que si les passionnés que nous sommes s’investissent et sont solidaires.

NG : En parallèle de ton métier de guide ( http://guide.caleri-flyfishing.com/ ) tu viens de créer une boutique en ligne ( http://www.caleri-flyfishing.com/ca... ) Qu’est ce que tu vas apporter de différents pour séduire une clientèle qui n’a déjà que l’embarras du choix ?

YC : J’ai toujours cherché des produits de qualité, concernant le matériel de pêche comme le montage de mouches. Je souhaite que mes produits donnent de l’inspiration et du plaisir aux pêcheurs et monteurs qui les utilisent, je suis sans cesse à la recherche de fournisseurs qui me permettent de proposer les meilleurs produits au meilleur prix. Il faut bien sûr que j’étoffe mon offre mais je ne peux que procéder par étape, très prochainement sera disponible une série de cannes haut de gamme (9, 10, 10’6 pour soie 3 à 5) que j’ai sélectionnée et en partie élaborée. Je vais aussi mettre en ligne une gamme d’hameçons Japonais de grande qualité à des prix très attractifs, dans les références que j’utilise le plus. J’essaie aussi au maximum de renseigner et de conseiller les gens afin qu’ils fassent des choix adaptés à leurs besoins.

NG : Yann, tu es titulaire depuis plusieurs années en équipe de France A de pêche à la mouche, il y a des sponsors officiels pour cette équipe, ne voient ils pas d’un mauvais œil le fait que tu les concurrences ?

YC : Les sponsors des équipes de France sont des passionnés tout comme moi, je les apprécie et les respecte, j’ai pris un risque en me lançant dans cette aventure, j’espère que les valeurs humaines et l’amitié l’emporteront sur l’aspect lucratif qui pourrit déjà tant de choses…. Pour ma part mon choix est fait.

NG : Restons dans le domaine de la compétition, tu es champion du monde et champion de France déjà, quel palmarès !!!! Qu’est ce que la compétition peut encore t’apporter ?

YC : Elle continue à m’apporter du piment, des chalenges, des émotions fortes, des rencontres, des surprises… Tout ceci m’a donné de l’expérience, des souvenirs, des amis, des compétences qui me permettent de me faire plaisir en dehors de la compétition, soit 80% du temps. Du point de vue des techniques de pêche, les évolutions de ces 10 dernières années ont été énormes, et le niveau des pêcheurs s’est considérablement élevé. Je pense toutefois que de nouvelles approches vont émerger et la compétition est un très bon terrain pour tenter de trouver de nouvelles solutions. Je t’avoue, et tu le sais aussi bien que moi, que lors de certaines manches on se demande un peu ce que l’on fait là, le plaisir n’y est pas toujours quand les conditions sont mauvaises mais ça fait partie du jeu. La compétition est une grande école de l’humilité, une remise en question permanente, une source d’inspiration aussi, ainsi qu’un moyen de véhiculer certains messages. Le jour où le plaisir ne sera plus là, j’arrêterai.

photo_Vah_m_d4Yann_manch3_copie.jpg

NG : Ton pire et ton meilleur souvenir en compétition ?

YC : Il y en a beaucoup, des bons et quelques un moins bons. Le meilleur était peut-être lors de la 2ème manche du championnat de France 1ère division 1993 sur les Nives, dans les Pyrénées Atlantiques ; je me rappelle de cette unique truite prise à vue dans la dernière demi-heure de la manche du dimanche après-midi. Elle était belle et nymphait le long d’un gros rocher, quand j’ai fini par lui faire refermer la gueule sur ma nymphe j’ai été surpris par sa défense et quand elle est partie sous cette grosse branche immergée j’ai cru que c’était la fin, pourtant j’ai maintenu le contact pendant presqu’une minute est elle s’est finalement dégagée, quand je l’ai mise à l’épuisette, c’était un énorme moment de plaisir, ce poisson me permettait de me maintenir en 1ère division et de finir 3ème de la manche. Je me souviens d’ailleurs qu’à ce même moment sur le secteur au dessus tu cassais sur une grosse truitasse qui écourtait la bagôrre en coinçant ta potence sous un bloc L

Le pire souvenir,… c’est chaque fois que je fais un capot en compétition, ça me met vraiment les boules mais quand on est en pleine galère, on ne peut pas dire : « bon ben je rentre c’est vraiment la M…..ici ».

NG : Une question un peu plus intimiste (je te chambre un peu) que tout le monde ne comprendra pas forcément mais qui en fera sourire d’autres, pourquoi lors des manches de championnat de France tu es souvent (voire tout le temps) le dernier à rendre ta feuille de marque !!!!!?

YC : La dernière fois c’était le fait d’un autre Nico qui avait laissé la feuille de marque sur le toit de la voiture, on s’en est aperçu 20 km plus loin, il a fallu y retourner, là je tiens l’excuse « béton ». Les autres fois, c’est pour moi, parce qu’après certaines manches éprouvantes je décompresse un peu trop longtemps avant de rentrer.

NG : La pêche au fil est la technique la plus utilisée lors des compétitions et tu fais certainement partie des tous meilleurs sur cette technique, il y a une expression qui te caractérise et que tu aimes à répéter : « pêcher propre », explique nous ce que cela veut dire ?

YC : C’est d’abord l’importance de pêcher où il faut, où l’on pense qu’il y a un poisson alors qu’on ne le voit pas, certains postes sont évidents d’autres moins. C’est le fait d’être bien positionné, d’utiliser le bon poids, à la bonne profondeur, de soigner la présentation de la nymphe au poisson, toute l’importance d’une approche discrète et d’une dérive naturelle de la mouche. Le modèle de mouche a aussi de l’importance, notamment quand le poisson est éduqué, ou à certains moments de la saison, il peut alors être installé sur des insectes bien particuliers. Enfin, être concentré et avoir un bon contrôle de la dérive pour voir le moindre arrêt et ferrer avec efficacité.

NG : Avec des conditions normales, si tu devais choisir une seule nymphe et une seule mouche (sèche) pour partir en compétition, ça serait lesquelles et pourquoi ?

YC :Pour ce qui est de la nymphe, un modèle à bille cuivre, corps en dubbing brun olive clair thorax en poils de lièvre et petit tag orange fluo derrière la bille, c’est également un modèle d’ensemble qui peut séduire truites et ombres, en nymphe au fil comme en nymphe à vue en petite taille. Pour ce qui est de la sèche, une oreille de lièvre cerclée or parce que c’est un modèle d’ensemble qui imite une grande variété d’insectes. En plus elle peut flotter « haut » si on la graisse, elle sera alors bien visible, ou au contraire flotter « bas » en la mouillant avec de la salive, elle sera alors une parfaite émergente voire une nymphe légère. Ces deux modèles sont universels.

NG : Pour tes fonctions de guide est même pour le plaisir tu viens le plus souvent possible sur nos belles rivières de Franche Comté pour pratiquer la nymphe à vue, qu’est ce que cette technique t’apporte de différent par rapport aux autres et que penses tu de nos rivières ?

YC : J’adore pêcher (les) tes rivières Franc-comtoises en nymphe à vue et en sèche, techniques que l’on pratique tranquillement, où l’on prend le temps d’observer. On est en immersion totale si bien que l’on ne pense à rien d’autre qu’au poisson à son approche, à la présentation de sa mouche. C’est pour moi la meilleure façon de me ressourcer, de reprendre de l’énergie au bord de l’eau. La Franche-Comté est une région magnifique pour le pêcheur, les paysages sont verdoyants, les rivières offrent des profils variés, des truites et des ombres, les eaux y sont claires, riches, les poissons grossissent vite et souvent on peut les observer….

NG : Quel est pour l’instant la rivière ou le lac en France ou à l’étranger qui t’as donné le plus de plaisir ?

YC : En 17 ans de pêche, j’ai passé mes plus belles journées au bord de la Loue, en juillet-août, sur un célèbre parcours que j’ai pêché pour la première fois en 1992. J’y pêche exclusivement à vue ou en sèche sur de magnifiques poissons sauvages, dans un cadre de rêve, au calme. La pêche n’y est pas facile mais c’est aussi tout l’intérêt, à chaque fois que j’y retourne je ressens la même émotion et je sais que je vais passer une super journée. J’adore aussi le parcours du Doubs Franco-suisse et la haute rivière d’Ain qui t’est si chère. Je conseille aussi d’aller se balader du côté des lacs du Carlit, merveilleux.


Carlit

NG : L’interview est terminée, j’espère que tu as pris autant de plaisir que moi. Je ne te souhaite que du bonheur pour la suite dans tous les domaines, tu le mérites. A Bientôt mon ami

YC : Ce fut un plaisir mon cher Nico, je te souhaite beaucoup de plaisir avec tes prochains invités et j’espère te voir prochainement au bord de l’eau.

Nous quittons Yann pour retrouver un de ses proches amis , j'ai nommé David Ruiz. Pour ceux qui fréquentent le salon des pêches sportives de la Roche sur Foron, David est le beau jeune homme qui monte des mouches sur le stand des mouches Devaux.

NG : Alors David , toi qui connais très bien mon invité du jour, peux tu nous en dire un peu plus sur lui s'il te plait?

David : Bonjour à tous, je me présente Ruiz David, je suis de Grenoble et je vais vous parler de mon pote Yann Caléri.

Avant d’être le super pêcheur que tout le monde connaît, il faut savoir que Yann a été un très bon joueur de tennis, parmi les meilleurs de la région à son époque.

J’ai connu Yann il y a environ 15 ans, dans le magasin de pêche où je travaillais, à l’époque Yann avait déjà une solide réputation dans la région Grenobloise et il n’avait que 17 ans, il a été pendant des années le plus jeune pêcheur de D1.

Très rapidement le courant est passé entre nous, et à l’époque il n’était déjà pas avare de conseils, qui m’ont aidé à progresser, j’ai beaucoup appris grâce à lui , merci yann ! La preuve il est devenue un formidable guide de pêche ! Je me souviens à l’époque de nos nombreuses parties de pêche sur la Loue, le Doubs et la Sorgue, Yann était toujours en avance sur la vision de la pêche, surtout sur la pêche des ombres en nymphe à vue.

Pour moi les qualités de pêcheur de Yann sont immenses, il excelle dans toutes les méthodes, il est très fin et patient et il a une vue d’aigle, mais ces dernières années, il a amélioré sa technique de pêche au fil, qui est devenue à mon sens très fine et pointue, combinée à son sens de l’eau, quand les conditions sont au RDV c’est magnifique à voir.

Parlons de la personne, il est très intelligent mais parfois il fait des choses sans réfléchir, il lui manque un peu de maturité, il possède un caractère bien trempé, quand il à un truc à dire il le dit, il est fidèle en amitié, et c’est un super compagnon de fête, il aime les bons vins comme moi, c’est la faute à BOYKO !...

Il ne manque plus qu’une chose à Yann, cette bête de compétition, c’est d’être sacré champion du monde individuel, mais la patience va finir par payer car je sais qu’il a le niveau pour le faire, il faut juste attendre le championnat idéal.

Allez bise yannou lapin !

Merci David pour ta participation et cette magnifique photo de Yann tout gamin à Goumois !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

Yann Gamin

A bîentôt avec mon prochain invité............