Robert Escaffre
Par Nicolas39 le mercredi 9 octobre 2019, 06:17 - Interview - Lien permanent
Une interview, cela faisait bien longtemps que je ne vous en avait pas proposé. C'est chose faite aujourd'hui. Je reçois comme on dit un vrai personnage et c'est peu de le dire. Si vous ne connaissez pas Robert, je vous invite à lire cet entretien et si vous le connaissez déjà bien, vous ne serez pas déçu ! Bonne lecture.
Nicolas : Bonjour Robert, je suis très heureux de te recevoir sur mon blog. Pour les quelques lecteurs qui ne te connaissent pas, peux-tu s’il te plait nous faire une petite présentation.
Robert : Bonjour à tous…Tout d’abord merci à toi Nicolas pour ta considération, j’y suis très sensible. Je m’appelle donc Robert ESCAFFRE, issu de famille paysanne de l’Aubrac où ma mère était la 19ème et la plus jeune de cette fratrie des hauts plateaux ! Je vais fêter en début d’année mon 72ème printemps. Père de 3 enfants et marié aujourd’hui à Véronique, je suis un homme parfaitement heureux !
Mon invité !
Nicolas : J’ai l’impression qu’en suivant tes aventures, la rumeur qui dit que les retraités sont débordés est vraiment fondée ! D’où tires-tu une telle énergie ?
Robert : Alors, c’est une question qui m’est familière. S’il y a une chose que je ne supporte pas, ce sont les « mous », le mot ennuie ne m’a jamais effleuré dans la vie. J’ai fait beaucoup de choses dans mon existence. Après de traire les vaches, je me suis lancé, sang auvergnat aidant, dans le commerce bistrot, j’étais ambitieux et je rêvais d’avoir une affaire avec une tireuse de bière avec 10 « becs verseurs » (comme les auvergnats de Paris). J’y suis arrivé, mais que de travail et mon affaire a pris une telle ampleur que je suis monté à avoir 40 employés. J’étais arrivé à mes fins. A 60 ans j’ai dit stop, j’ai vendu mon affaire à un Parisien et place à mes passions. Je n’ai jamais fumé, je m’étais interdit complètement l’alcool, car avec le boulot que je faisais aucune dérogation n’est possible, sinon c’est une porte ouverte au suicide, l’alcool étant un très mauvais ami. Aujourd’hui à la retraite…par contre je ne crache pas sur un bon vin ou un bon armagnac ! Qu’on se le dise !!! La retraite, c’est souvent la moisson de la vie et quand on a la chance d’avoir une bonne génétique il faut la bouffer avant que ce ne soit elle. Je suis un gagnant, je n’y peux rien c’est ainsi. Je l’ai été dans ma vie professionnelle, je le suis à bientôt 72 ans dans mes passions ! Je fais toujours le maximum dans la mesure de mes possibilités. On ne se refait pas ! Comme il me plait de le dire, j’ai toujours mes 32 dents...pas perdu une !!!
L'affaire de Robert durant son activité.
Nicolas : Avant d’en arriver là, il a fallu un tout début. Justement, comment le jeune Robert est venu à la pêche ?
Robert : La question me plait. D’abord, j’avais un père qui pêchait, il pêchait le blanc, il chassait aussi tout gibier…évolution aidant j’ai suivi mais pêche à la mouche et chasse à la bécasse. Cela remonte très loin…quand j’étais jeune. Sur l’Aubrac, quand le temps était à la pluie, que nous ne pouvions pas faner l’été, j’allais à la pêche à la sauterelle, j’avais 10-12 ans, dans une petite rivière qui s’appelle l’Argence vive et qui était bourrée de truites à la robe noire magnifique avec des points rouges vifs. Quand elles avaient leur cave sur le sable, elles avaient le ventre doré, j’en ai la nostalgie de ces truites qui étaient la souche primaire, disparue aujourd’hui. De temps en temps, je braconnais la nuit, tout jeune avec une lampe électrique, c’était la fin des années 50. J’allais seul à la pêche à la Fourchette, la nuit les truites ne bougent pas à la lampe, il fallait juste faire attention de ne pas se planter la fourchette aiguisée dans la botte…ou le soir je posais des « araignées » espèce de filet de 7 à 8 mètres...Je barrais la rivière en travers et à la pointe du jour avant le travail des champs, j’allais relever, c’était plein de truites, les écrevisses les avaient déjà attaquées ! Souvent aussi des « tarides » dans les prés. Cela consistait dans les petits ruisseaux à les barrer à l’aide de cailloux et de mottes de terre pour virer l’eau par un autre écoulement dans les prés. Et quand l’eau commençait à manquer sur 50 à 80 mètres, les premiers « Fla-fla » se faisaient entendre, ce qui faisait battre la chamade à mon cœur ! Cela changeait l’ordinaire à table, cuites à la crème de lait que l’on prenait le matin dans les bidons mis dans l’eau de la source pour les tenir au frais. C’était simplement une merveille pour les papilles !!! Alors quand on part dans l’aube d’une vie avec de telles expériences, il ne faut pas s’étonner qu’au crépuscule de cette même existence on parte encore avec la même soif ! J’ai commencé à pêcher à la mouche en 1968 !
Robert avait 23 ans sur cette photo (1971).
Nicolas : En un peu plus de 30 ans de pratique, j’ai vu les rivières, les populations de poissons et d’insectes sombrer. Avec ton vécu, cela doit être quelque chose. Quel est ton sentiment sur cette évolution et sur l’avenir ?
Robert : Dans la question précédente, je parle de ma jeunesse, temps révolu où je voyais des myriades d’insectes sur l’eau, où il fallait forcément nettoyer les pares brises après avoir conduit la nuit. Je peux dire que dans les années 70, je pêchais à la mouche sèche dès l’ouverture et quand tout était contre, je rapportais quand même ma dizaine de truites. Aujourd’hui ce n’est même pas la peine d’y penser quand la météo est contraire. Les poissons ont bel et bien changé de comportement, la raison directe est bien entendu la nourriture. Je me dis que si autrefois dans les années 60 on avait connu la nymphe. Non, il valait mieux pas ! L’avenir est inquiétant…Surtout avec ces périodes de sècheresse à répétition, surtout que les scientifiques nous annoncent que le pire est à venir. Même si le poisson a un pouvoir d’adaptation exceptionnel, il faut de l’eau ! On le sait, elle n’est plus de qualité, la pollution agricole avec les pesticides détruisent flore et faune aquatique, ce qui touche autant les oiseaux que les poissons. La pollution même si elle ne se voit pas est présente. S’il n’y a pas de poissons morts, on pourrait croire que tout va bien, hors je pense que c’est la reproduction qui ne se fait pas correctement, si la qualité de l’eau suffit aux « adultes » elle ne suffit pas aux alevins...et là est tout le mal, car cela ne se voit pas !!!
Si rien n’est fait au point de vue pesticides, je pense que dans quelques décades, les rivières hormis peut-être quelques rivières des Pyrénées et des Alpes, ce ne sera que souvenirs ou truites de remise dans une majorité de rivières de moyenne altitude, les rivières de basses altitudes ne seront que poissons blancs !
Robert en action à la pêche.
Nicolas : Pour que l’on ait un aperçu de ce que tu as pu connaitre, as-tu un lointain souvenir de pêche à nous raconter ?
Robert : Dans mes souvenirs, j’ai parlé de ceux de ma première jeunesse plus haut qui étaient des souvenirs plutôt « braconnage » mais à l’époque c’était le jeu. J’oserais presque dire normal en ces hauts plateaux d’altitude. Puis, en 68 la mouche, cela m’a attrapé comme un mal de ventre. J’étais très avant-gardiste dans ma région, personne pour m’apprendre, je ne pêchais bien entendu qu’en sèche ! Mais j’avais le sens de l’eau et j’ai eu tôt fait de comprendre que pour bien faire nager une mouche dans les bordures d’en face ou dans les contre-courants, il fallait 2 fois la canne de bas de ligne. Trois ans après, je prenais 30 truites de moyenne par sortie. A l’époque personne ne pratiquait le No kill et cela n’offusquait personne de ramener 50 truites à la maison ! Je m’étais fait faire un panier en Haute Lozère, on m’avait pris alors le tour de taille pour que sa forme épouse mon dos, c’était un panier « d’optimiste » car il y rentrait 12 kg de truites. Les copains que je prenais à l’époque me disaient : quand on te voyait arriver sur la route avec la main sous le panier pour pas qu’il te scie l’épaule, on avait compris qu’il était plein.
En principe, sur des truites en moyenne de 25 cm, il y en rentrait 50 et cela arrivait très souvent !! Rien de choquant en ces temps. Depuis 1989 début de la compétition, je n’ai plus tué les truites. No kill intégral ! S’il fallait raconter un souvenir, cela serait celui-ci…Dans les années 70, la pêche à la mouche est devenue à la mode, le must de la pêche. Mais dans les têtes la mouche c’était à partir du 1er mai…Avant, même pas la peine d’y penser...Mais cela n’était que dans les têtes ! Voici pourquoi j’avais compris, 3 ans après avoir commencé cette pêche, que les heures chaudes en début de saison étaient favorables aux éclosions et j’avais l’habitude de pêcher au toc une petite rivière pleine de truites qui s’appelle « le Viau » dans les monts de Lacaune à quelques 900 m d’altitude. Je me suis mis à pêcher à la mouche sèche de midi à 15 h au mois de Mars cette rivière…Oh ce n’était pas des robages flagrants mais dans les bordures et les amortis contre les herbes, une simple « bulle » laissait envisager le poisson. Et plus il faisait froid ou neige, meilleur c’était. Je croisais souvent des pêcheurs de toc, qui avaient souvent du mal en ces temps froids à mettre truites dans le panier. Je me rappelle, c’était en 71, le temps était pourri brouillard, flocons...Je contrôlais alors complètement cette pêche dans cette petite rivière pleines d’arbres, c’était vraiment de la pêche très fine et très technique, les truites n’étaient que dans les amortis contre les bordures. Deux fois la canne de bas ligne pour contrôler une petite mouche N° 20 que j’appelais « la manil » qui était une petite araignée grise et corps rouge que j’avais en 3 dimensions, c’était toute ma boite ! Je prenais des truites dans tous les amortis tant et si bien que souvent, mais en particulier cette fois-là, tous les pêcheurs que je rencontrais pliaient leur canne et me suivaient…ce jour-là, j’en avais 3 derrière moi...complètement abasourdis par ma technique de pêche. J’avais commencé à Midi...A 15 h, je m’en souviens comme si cela était hier, j’en avais 33...Inutile de vous dire que j’ai fait école et j’ai mis à mal les croyances de « pas de pêche à la mouche avant mai ». Ces gens-là me posaient alors de multitudes questions quand c’était fini et me prenaient alors pour un extra-terrestre !
Toujours aujourd'hui un immense savoir-faire.
Nicolas : Tu es aujourd’hui encore un compétiteur hors pair. Je suis bluffé à chaque rendez-vous par ta régularité au haut niveau malgré ton âge (promis, je n’en parle plus !). Quand et pourquoi as-tu rejoins le monde de la compétition ?
Robert : Tout d’abord Nicolas, il faut que l’on sache que mon âge ne me pose aucun problème. Partant du principe que l’on a qu’une vie et que l’on ne peut être et avoir été, je vis très bien ma condition de septuagénaire et il arrive un temps où il faut comprendre que le canapé est un très mauvais ami, aussi, il faut l’éviter le plus possible. De par mes passions et mon travail toujours debout, j’ai usé mes genoux. Ces dernières années, j’ai tellement souffert que je ne pouvais plus. Je suis tombé de 1ère division...je me suis fait posé, la fleur au fusil…2 prothèses totales...une, bien entendu à chacun de mes genoux. Ma 2ème a maintenant presque 3 ans, je suis reparti à la pêche et à la chasse comme à 50 ans...c’est tout simplement formidable, pas de rééducation, je suis allé à la pêche et je suis bien mieux en général que les gens qui ont fait 1 mois de rééducation en centre. Les passions ça se nourri et plus on les nourri, plus elles vous donnent du plaisir. Je pars en compétition aujourd’hui comme un enfant à qui on a promis un cadeau avec la même soif d’évoluer. A un moment de sa vie, il faut penser à durer car il y a des âges et beaucoup ne l’ont pas compris...s’arrêter, c’est finir. C’est une philosophie de vie...Sinon, c’est « les feux de l’amour » et « questions pour un champion ».
J’ai commencé la compétition en 1989. C’est la faute aux copains, je prenais tellement de truites qu’ils m’y ont poussé. Seulement, j’étais empêtré dans le travail, je venais d’acheter mon entreprise avec 8 employés que j’avais surpayé en rapport à son emplacement de premier ordre ! Les comptables disaient que j’étais fou, les banquiers m’avaient hypothéqué tous mes biens parce qu’ils hésitaient à me prêter...j’avais emprunté 600 millions de centimes en 87 alors, il ne fallait pas penser qu’à la pêche sinon je me serais retrouvé à la rue vite fait. J’ai travaillé comme un fou, et vite, je suis passé de 8 employés à 34...puis c’est monté à 40. C’était tellement difficile avec les banques que la nuit, je mettais la TV pour ne pas penser ! Mon affaire c’était ouvert 365 jours de l’année 20 h par jour…alors j’ai quand même fais de la compétition, mais j’allais plus m’entrainer et je prenais mon gilet comme je l’avais posé à la dernière compet…En 91, j’étais pourtant N° 2 au PSM rien qu’en sèche. En 3 ans, ma plus mauvaise place était 7ème...en sèche, sur mes acquis, je ne craignais personne…Puis la nymphe est arrivée avec les gens de l’Ain...et n’ayant pas le temps de m’entrainer, j’ai subis jusque dans les années 2000 où j’ai enfin, travail aidant, sorti mon affaire des difficultés financières et après tout a été différent. J’ai alors monté 4 SCI commerciales...banque...supérette, boulangerie, hôtel…etc. 11 magasins en tout.
En 2008, j’ai vendu mon affaire à un Parisien…ce qui m’a mis à jamais à l’abri de tout soucis financier. Alors là, j’ai repris à fond mes passions de jeunesse et j’ai enfin évolué à toutes les pêches parce que j’y ai accordé beaucoup de temps. Voilà ce qu’a été m’a vie ! On dit qu’il n’y peut y avoir de réussite sans à un moment une part d’inconscience…je confirme !!!
Robert en compétition.
Nicolas : J’ai souvenir d’une compétition sur l’Ubaye et l’Ubayette où le contrôleur qui était venu avec moi a eu le plaisir te t’accompagner durant le week-end. Il avait été sidéré par ta technique de pêche en sèche que tu utilisais exclusivement. C’est donc la compétition et le besoin de résultat qui t’ont obligé à passer sous la surface ?
Robert : Quand on fait de la compétition, on y va toujours pour faire le mieux possible, sinon pourquoi faire parfois près de 1700 km aller-retour si ce n’est que pour figurer. Même à un âge certain, évoluer fait encore partie de la personnalité, apprendre, s’améliorer, trouver sont des vecteurs de satisfaction personnelle. J’y suis très sensible…dire je sais est toujours négatif ! J’ai eu la chance de côtoyer tous les meilleurs Français d’aujourd’hui et tous les meilleurs Espagnols. Il y en a 2 qui m’ont fait beaucoup avancer, c’est Sébastien DELCOR et l’espagnol Pablo Castro. Ce sont 2 amis et je leur dois beaucoup ! Si depuis les années 1992 ou 93 on ne pêche pas en nymphe, ce n’est pas la peine de faire de la compétition...alors j’ai mis tout mon possible pour évoluer dans cette pêche et il me reste encore beaucoup à apprendre. La sèche, bien qu’ayant un peu perdu ma superbe parce qu’aujourd’hui on y pêche peu, pas de problème. Le temps dont tu parles, sur l’Ubaye, je m’étonnais parfois moi-même en sèche où j’allais parfois prendre des truites dans les branches à la limite du possible. Je dominais alors complètement cette pêche, mais je le redis, j’ai quand même perdu la haute voltige ! Je me rappelle que jeune, je m’imposais des sorties qu’en revers !
Nicolas : Que t’apporte le monde de la compétition. En tant qu’homme et en tant que pêcheur bien sûr ?
Robert : On est compétiteur ou on ne l’ait pas, c’est comme dans la vie...on a envie de s’investir ou on reste fonctionnaire...c’est un choix qui se respecte autant d’un côté comme de l’autre ! Par contre, les gens qui n’aiment pas la compétition, en grande majorité, si on scanne leur vie, elle reste linéaire et sans surprise. Ceci dit, on ne peut ne pas en faire, mais comprendre...et ce n’est pas pareil ! La compétition en premier lieu, m’a fait comprendre qu’il ne fallait plus tuer notre partenaire de jeu partant sur le bon principe que les joueurs de tennis ne bouffent pas leur balle.ça, les anti compétitions qui sont souvent des « anti tout » ne l’ont pas compris, ils leur semblent que les compétiteurs ne voient que par leur égo...ce qui n’est absolument pas le cas. En compétition, l’égo en prend souvent un coup et il faut le mettre dans sa poche ! Si on ne fait pas de compet, en général, je dis bien en général, (parce que quelques-uns sont différents, je pense à toi Nicolas) prennent leur gilet et leur boite à mouches comme ils l’ont posé...sans chercher à évoluer allant dans la portion de rivière qu’ils connaissent par cœur, à l’heure voulu et souvent se prennent pour des champions...casquette qu’ils ont eux-mêmes vissée sur leur tête ! Combien en 31 ans en ai-je vu venir bombant le torse parce qu’ils se considéraient comme des champions et 3 compétitions après, repartir en ayant pris une dérouillée mémorable…et on ne les a plus vu !
Au montage de mouches.
Nicolas : Au-delà du compétiteur, tu as été le manager de l’équipe de France. Une fonction bien particulière. Quelles sont les qualités requises pour performer à un tel poste ?
Robert : Alors là, je vais dire une chose, finir sa vie et sa passion en étant Manager d’une équipe de France, c’est le graal ! J’ai vécu d’intenses moments avec ceux que j’appelle mes loulous ! Sans jamais avoir une once, une simple virgule de problème avec eux et entre eux !!! Je les adore !
Être manager, c’est tout donner, c’est anticiper, c’est prévoir les problèmes et les résoudre avant qu’ils n’arrivent. C’est faire en sorte que l’équipe n’est que la pêche à penser. C’est se mettre à leur service, c’est mettre de l’ambiance, c’est enlever du stress, c’est rire ensemble…et quand c’est ainsi, comme à su si souvent me le dire Olivier Jarreton...quand l’ambiance est comme ça dans l’équipe, c’est la médaille assurée ! Être Manager, pour moi, c’est aussi penser à la communication à ceux qui veulent savoir en France. C’est leur faire vivre la compétition comme s’ils étaient au stade...mais que c’est dur...pour cela et je le dis tout haut, faut aimer les autres. Communiquer quand il n’y a pas de couverture et se déplacer pour envoyer, communiquer pendant que l’équipe va aux réceptions cocktail ou autres, communiquer en partant tout seul dans le hall de l’hôtel parce que dans la chambre ça ne passe pas et le tout à des heures parfois indues, je vous le dis de suite, c’est un métier et une volonté à part entière. C’est parfois en dehors de ce que l’on peut imaginer. A l’étranger, c’est carrément donner de soi-même. Mais quand on voit qu’à la fin du mondial en Slovaquie, où nous avons été champions du Monde sur 24 nations présentes, que mon dernier post a fait 50808 personnes, et ça que pour de la pêche, croyez-moi, j’ai été payé de mes efforts !
En 4 ans, j’ai 11 médailles internationales...pas si mal pour quelqu’un qui y comprenait rien...vous comprenez de qui je parle !
Le niveau des équipes est aujourd’hui phénoménal. Mon plus mauvais souvenir aura été celui de l’année dernière en Italie où le Mercredi avec les embrouilles de Fédérations, nous ne savions pas encore si nous allions participer. On nous a mis des bâtons dans les roues, l’ambiance était plombée alors avec notre Fédération et avec Olivier, on savait où nous allions, nous avons fini 6ème…encore heureux…plus jamais ça !! J’en suis encore très amer, je dédouane complètement mes garçons, parce que à l’impossible, nul est tenu ! Pour gagner aujourd’hui à un mondial il faut tous les voyants au vert, si un facteur manque, c’est cuit ! Une autre grande récompense a été aussi les mots de Julien Daguillanes sur mes prestations en tant que Manager, lui qui a, à son actif une douzaine de Mondiaux !!! Merci Juju.
L'année du Colorado. Vice-champion par équipe et champion en individuel pour Julien.
Nicolas : Il me semble que tu en gardes des souvenirs merveilleux. Des victoires, des échecs, mais surtout une belle aventure humaine. Si tu devais conserver en mémoire qu’un seul et unique instant de cette période, quel serait-il ?
Robert : Quand la Marseillaise retentit et que l’on te donne une médaille d’or. Quand tu vois le sourire du bonheur sur tous les visages des membres de ton équipe, ça c’est un souvenir merveilleux ! J’ai vécu une aventure humaine hors du commun, avec des personnes merveilleuses, que je ne remercierais jamais assez pour ce qu’ils m’ont apporté !
Nicolas : Tu es toujours manager, mais cette fois-ci des vétérans. Quelle est la prochaine compétition à venir et quel objectif vous êtes-vous fixés ?
Robert : L’année dernière en désaccord complet avec ma fédération, on a essayé de nous mettre sur le dos des fautes qui n’étaient pas nôtres ! J’ai posé ma démission à cette fédération, j’avais jamais démissionné de quoi que ce soit de ma vie tout comme je n’ai jamais porté plainte, ce n’est pas en moi. Mais là, la démission était en la circonstance, ma seule arme de contestation ! Il se trouve que cette Fédération n’a pas eu gain de cause et la majorité des compétiteurs sont allés pour faire de la compétition reconnue jeunesse et sport, à la seule qui se devait par la force des choses compétente. Ma démission prenait donc fin puisque ce n’était plus la même FD. Les loulous m’ont demandé de revenir, mais vu mon âge, pas que je ne m’en sente pas capable, mais cela faisait un peu désordre, un vieux, avec les jeunes trentenaires...et avant que l’on me dise : Hé ! Le Vieux ! Faudrait peut-être laisser ta place, je l’ai laissé...avec un peu de nostalgie, je le reconnais. Mais je l’ai laissé surtout parce je voyais un remplaçant possible ayant toutes les qualités pour ce poste, sinon je serais resté...en la personne de Thierry LELIEVRE. Un homme intelligent, sérieux, parlant parfaitement la langue de Shakespeare et au profil correspondant parfaitement à ce poste. Bon vent Thierry, tu vas te régaler avec tes hommes !!!
L’année dernière, j’ai fait le championnat du Monde Vétérans en tant que Compétiteur. C’était en Espagne dans les Asturies. On n’a fait une chose inédite dans les championnats du Monde, j’avais à la réunion des capitaines tiré le secteur 3 pour commencer. Le parcours que tout le monde voulait dans ce secteur, c’est le 8 ou le 9 qui avaient 2 bras formidables. Je suis monté dans le car le matin et au fur et à mesure que le car s’arrêtait, je n’étais pas cité...puis arriva...France secteur 8...vous imaginez ma joie…hors quand le car s’arrête, moi qui connaissais les lieux je leur dis : ce n’est pas mon parcours…Et là, les responsables, très embarrassés, me disent à demi-mots, car je parle Espagnol : il y a eu une erreur ce matin, les contrôleurs se sont trompés de car et vous faites le secteur 4...impensable en championnat du monde.. Le tirage au sort lors de la réunion des capitaines...c’est la messe ! J’avais 2 solutions. Ou je ne descendais pas du car et je foutais le championnat dans la merde...ou j’acceptais cette supercherie ! Je ne suis pas un fouteur de trouble et je suis descendu...j’ai eu en suivant 2 parcours de merde qui n’auraient pas dû être les miens et bizarrement le parcours du secteur 9 du secteur 3 a gagné...c’était l’espagnol...en plus, le Néo-Zélandais s’est trompé et a fait la moitié de mon parcours…décidément ! Je n’ai pas porté réclamation, ni pour une chose…ni pour l’autre. Heureusement, le lendemain j’ai eu les bons parcours et j’ai fait 3ème et 1er. J’avais tiré à ce championnat Les parcours de gagne, le destin en a voulu autrement. Nous aurions aimé un mot d’excuse à la fin de l’organisation. Nous en avons eu point. L’Espagne avait gagné, bravo à eux...mais…je n’en dirais pas plus !!
Donc en 2020, je vais prendre le capitana des vétérans, car j’estime, là aussi qu’en étant septuagénaire même si je me sens capable de gagner, ce n’est pas moral pour un sport. A l’encadrement ce n’est pas pareil ! Donc nous avons un challenge à relever, j’ai déjà été manager de l’équipe Vétérans au Portugal en 2017 avec 2 médailles d’argent à la clé. Le challenge qui nous attend est d’être champion du monde Vétérans. Nous avons le potentiel et nous allons y penser fortement !
Avec les vétérans.
Nicolas : Pour quitter le temps d’une question le monde de la pêche, je te sais passionné de chasse à la bécasse. Trouves-tu des similitudes entre la pêche et la chasse ?
Robert : Voilà une autre question qui m’intéresse. Il y a de fortes similitudes entre la pêche à la mouche et la chasse à la bécasse, car elles demandent toutes les deux endurance, réflexion et grand savoir pour parfaire. Cela fait 50 ans que je me passionne de cette chasse, je suis le contraire d’un chapeau à plume, je mets ma salopette, la même qu’à la pêche, et je suis comme un sanglier dans les fourrés avec mes 2 adorables setters Francis et Marius. Ma montre est GPS et je fais par sortie entre 10 et 22 km en moyenne hors sentiers battus (avec 2 prothèses aux genoux). La bécasse ça se mérite, c’est une chasse exigeante, qui demande une parfaite connaissance du terrain, de l’oiseau, des mollets de fer, des chiens excellents, des territoires divers en biotopes et altitudes, bien tirer et surtout être en santé parce que l’endurance par tous les temps met le corps parfois à rude épreuve, j’ai la chance d’avoir une force en moi à la pêche comme à la chasse…c’est le mental...je ne lâche jamais rien !!!
C’est une chasse de solitaire, tout comme la pêche à la mouche, sauf qu’à la bécasse il y a un facteur obligatoire, c’est d’avoir d’excellents chiens ! Quand arrive en octobre les premiers frimas, que la nature commence à sentir l’humidité, que les premières grives musiciennes s’entendent la nuit en pleine migration, il se passe quelque chose en moi…que seul les initiés peuvent comprendre...c’est presque de la magie…de l’irréel...de l’abstrait...Mais que c’est fort !!!!
Robert et ses setters !
Nicolas : Pour revenir à la pêche et précisément sur les différentes techniques possibles avec une canne à mouche. Laquelle a ta préférence et si elle est différente, laquelle reste la plus productive d’après toi en termes de poissons capturés ?
Robert : Je pense pratiquer aujourd’hui toutes les pêches, j’en ai même mise une au point qui s’appelle la frisque que je pratique beaucoup en loisir...que pour le plaisir...mais en compétition, je pratique suivant le profil de la rivière, du temps qu’il fait ou de l’heure, différents modes de pêche. La nymphe est certes pas la plus belle à regarder mais souvent la plus productive, la pêche à l’Espagnole m’est de loin préférable à « la roulette » mais ma préférée aujourd’hui en dehors de la sèche est la sèche-nymphe à l’espagnole parce qu’elle peut être meurtrière quand le poisson est actif...c’est une pêche plus technique qu’il n’y parait, une pêche où on prospecte beaucoup et vite. Une pêche précise, très efficace. Ceci dit, il faut que ce soit une petite ou moyenne rivière. Une pêche aussi qui doit être reine, c’est la pêche à vue...mais nos rivières du Sud-Ouest n’ont pas la réputation d’être faite pour cette pêche ! Sauf la pêche en sèche à vue.
Il est pas heureux notre homme !
Nicolas : Quelles sont pour toi les principales qualités qu’un compétiteur doit avoir pour réussir de façon régulière et sur la durée ?
Robert : La principale qualité du compétiteur est d’abord le mental...le physique et surtout la soif de s’améliorer et d’apprendre…de ne jamais se contenter de ses acquis. Aujourd’hui on ne pêche plus comme dans les années 90. L’évolution a aussi touché la pêche. Beaucoup sont en retard. Un compétiteur se doit d’être humble même si des fois il faut féliciter son égo !
Nicolas : Je suis la compétition internationale depuis mes années André Terrier. J’ai vu une évolution au niveau des nations dominatrices. L’Espagne en particulier. Peux-tu nous parler un peu de cette nation et pourquoi d’après toi sont-ils devenus aussi redoutables ?
Robert : Dans les années 90, L’Espagne ne pêchait pas en lac et peu pêchaient à bon niveau la nymphe. Aujourd’hui ils sont pratiquement devenus les rois du Monde dans cette discipline. Je vais vous expliquer car peut-être que je suis le mieux placé...car connaissant très bien tous les membres de l’équipe d’Espagne comme de France d’ailleurs. Ne comparons pas nos 2 pays question pêche...en Espagne, la pêche revêt un caractère social...alors que chez nous, c’est du 2ème degré pour le commun des mortels ! Le nombre de licenciés chez nous est carrément dérisoire en rapport à l’Espagne. Ils ont l’avantage d’avoir toujours la règlementation des cotos depuis le Franquisme...et cela facilite énormément les choses. Celui qui veut faire une complétion, il réserve les cotos qu’il lui faut 7 à 8 mois à l’avance et le jour « J » il a les cotos libre de tout pêcheur...facile !!! Tous les membres de l’équipe d’Espagne « Monde » pêchent minimum 3 à 4 jours par semaine mais c’est souvent 5 ou 6 jours. En France, s’ils font 2 ou 3 sorties par mois et pas toujours c’est déjà bien. Les Espagnols sont au niveau « Pro », nous au niveau « loisirs » pourtant nos hommes sont là, ils les accrochent, et font mieux parfois. Ils ont des rivières poissonneuses un peu partout de Catalogne à la Galice…et chez eux, la sèche à pignon sur rue, puisque il y a beaucoup plus d’activité de surface que chez nous. Aujourd’hui, toutes les nations arrivent avec le même matériel performant. Toutes pêchent le lac et tous ont toutes les pêches. Autrefois nos équipes avaient une telle avance en nymphe, qu’ils pouvaient se permettre de louper une manche. Dans les mondiaux aujourd’hui, pas de droit à l’erreur !!! Les Espagnols sont avant-gardistes en tout sport et cela se retrouve à la pêche !
Une équipe de France championne du monde !
Nicolas : Quand Robert veut pêcher pour lui, uniquement pour le plaisir. Dans quelle région as-tu tes préférences pour t’évader ?
Robert : J’ai pêché un peu autour du Monde mais celle qui m’a laissé le meilleur souvenir c’est la pêche au « réo » (truite de mer) dans les Asturies, sur les rios Cares, Sella et Narcea. J’ai d’ailleurs gagné en 2008 le championnat international de la truite mer à Cornellana sur le rio Narcea. C’est l’ami Guy Roques qui m’a introduit en Espagne dans les années 80 et je ne saurais jamais assez le remercier, car l’Espagne m’a beaucoup apporté en matière pêche. Je connais un peu tout le monde de la compétition là-bas et j’y suis très bien introduit, j’y ai de nombreux amis. J’adore ce pays et c’est là-bas outre Pyrénées que je trouve mon bonheur quand je m’évade !
Nicolas : Les années défilent, mais je suis certain qu’elles vont te donner encore des tonnes de moments merveilleux en compétition ou ailleurs. Je te souhaite tout le meilleur Robert et j’espère te croiser de nouveau. Merci d’avoir répondu à mes questions. Pour mon plaisir, mais aussi pour celui de mes lecteurs.
Robert : Il est certain que tant que le destin me donnera la force de participer, je serais là, je reste toutefois conscient que mes années sont comptées. Alors je ne laisse rien, je ne lâche rien… je me régale !
Merci à toi Nicolas, je suis ton profil par l’intermédiaire de Facebook, tu as une excellente presse et tu es très apprécié dans le milieu de la pêche et c’est très justifié, tu es un vaillant, tu es de ceux qui ont compris que rien ne tombe cuit…et qu’il faut aller le chercher...tu es sur le bon chemin…foi d’un ancien. Si d’aventure, je passe un jour avec mon épouse et le camping-car pas loin de chez toi, ce serait pour moi un grand plaisir de t’accompagner même sans canne quelques heures sur ta rivière.
Merci Robert et conserves cette joie de vivre !
Nicolas : Je vais laisser maintenant la parole à mon copain Julien Daguillannes qui connait très bien Robert. La tradition de mes interviews veut qu’un ami de l’invité dise un petit mot. Merci Juju pour ces quelques lignes.
Julien : Comment parler de Robert simplement ? Je le connais depuis des années et il me semble que sa motivation n’a jamais faiblit, c’est incroyable, une vrai leçon de vie !!!
Nous avons été ensemble dans la même équipe lors de 2 championnats du Monde, l’un dans le Colorado et l’autre en Slovaquie, que de bons souvenirs (enfin presque….lol) Ce qui est bien, c’est qu’avec sa « grande gueule » et sa motivation, tout est possible. Après, sa grande gueule, ça passe ou ça ne passe pas, mais au moins c’est direct et c’est dit.
Il a durant ces 2 années, organisé et managé ces championnats de main de maitre, rien n’était laissé au hasard, du jour du départ jusqu’au retour, tout était pensé bien à l’avance. Il a été aux petits soins pour nous, petit déjeuner, repas, permis de pêche, comme si on était ses enfants. Nous avions plus qu’à penser à la pêche.
En dehors des championnats du Monde, il m’a ouvert les portes de l’Espagne pour faire des compétitions et rencontrer des gens formidables. Par contre, je pense être la seule personne (peut être au monde) à avoir réussi à le faire taire pendant de très longues et interminables minutes !!! Ahhhh cette partie de belote, certains s’en souviendrons longtemps !!
En tout cas, j’aimerai bien être aussi en forme à son âge, et pour cela, comme il dit, il faut avoir eu toute sa vie une hygiène de vie correcte. Quand on l’écoute parler (fort), on se dit qu'il faudrait vraiment qu'il écrive un livre recensant toutes ses paroles, anecdotes et bien d'autres choses.
En tout cas c’est toujours un plaisir de le côtoyer et d’écouter ses paroles et sa façon de voir la vie.
Julien et Robert.
Commentaires
Une bien belle interview avec un sacré personnage. Robert est avant tout un battant, un meneur et surtout un passionné dans tout ce qu'il entreprend. Il le fait à fond ou il ne le fait pas, mais s'il décide de se lancer alors plus rien ne l'arrête. C'est le genre de personne que l'on a envie de rencontrer et qui vous permette de vous surpasser. Bravo à Robert pour l'ensemble de son oeuvre et merci à toi, Nicolas, pour ce récit.
Ps, comme le préconise Julien, j'aimerai bien voir naître un livre de Robert sur tout son parcours halieutique.
On l'attendait tous l'interview de Robert le plus grand pêcheur du monde! Un titre qu'on ne peut pas lui enlever, celui de champion du monde de la prétention et de l'arrogance!
@Cyril : La moindre des choses lorsque l'on publie un tel commentaire est de le signer de son nom. Que vous pensiez ce que vous voulez de Robert, peu importe finalement, mais le dire sous fond d'anonymat est ridiculement petit.
salut Nico généralement j'aime lire tes interviews de pêcheurs,mais celui de Robert Escaffre je l'ai trouvé sans intérêt..
joseph Pignon.
Je ne connais pas cette personne mais il est vrai que cette interview ne respire pas trop l'humilité....