La dernière histoire de la série « Mes années André Terrier » que j’ai publié sur ce blog n’était pas la plus joyeuse de toutes malheureusement. Je souhaitais donc revenir sur une période beaucoup plus gai de ma décennie vécue aux côtés d’André Terrier : La belle et grande époque des stages de pêche d’André à l’hôtel du Cerf de Pont-Du-Navoy. A la fin des années 80 et au début des années 90, André organisait tous les étés des stages de pêche à la mouche sur la haute rivière d’Ain.

Le camp de base était comme dit plus haut l’hôtel du Cerf, situé sur les bords de la rivière d’Ain à Pont-Du-Navoy. Village distant de seulement trois kilomètres du notre (André et moi). D’ailleurs, à l’époque, l’établissement vivait en permanence dans une ambiance pêche durant la saison. De mars à septembre, nombreux étaient les clients pêcheurs de l’Hubert, le maître des lieux. C’est parfois ce qui me fait doucement rire quand je lis ici ou là que le nombre de pêcheurs sur la rivière est trop élevé aujourd’hui, qu’Internet fait trop de « pub » à la rivière…Suffit de se souvenir un peu de ce qui se passait dans un passé pas si lointain et le tout sans internet.

Pour en revenir à l’Hubert, c’était un personnage ! Et un grand ami d’André. Je m’entendais aussi très bien avec lui. Il a quitté l’hôtel depuis bien longtemps mais il vit toujours dans le coin.

Dans ces années là, le diplôme de guide de pêche n’existait pas, on pouvait pratiquer un peu comme on voulait. J’ai d’ailleurs pas mal profité de cette situation moi-même étant ado. J’y reviendrais.

André, à travers sa réputation de pêcheur hors normes et de pédagogue remarquable, avait un succès fou. Tout le monde voulait pêcher avec lui, apprendre de ses paroles et de ses gestes ou encore faire connaissance de ce pêcheur de renom. Les dates se remplissaient très vite et les pêcheurs qui souhaitaient apprendre avec lui pendant quelques jours venaient parfois de très loin. Tout ce qui se passait lors de cette période m’a fait prendre consicence du privilège que j’avais de côtoyer André au jour le jour.  André était très apprécié et ce n’était pas rare de voir des pêcheurs venir plusieurs années de suite pour le plaisir de passer du temps avec lui au bord de l’eau où autour d’un bon repas servi par l’Hubert après la pêche. Oui, car André était un bon vivant, vraiment…Il aimait par-dessus tout passer du temps avec des amis autour d’une bonne table. Et avec l’Hubert, on n’était jamais déçu. Il avait une spécialité à l’époque. Je m’en souviens comme si c’était hier !

Souvent, lors du stage, André proposait aux pêcheurs qui l’accompagnaient de garder quelques poissons pour les déguster le dernier soir au restaurant de l’hôtel. Et si les pêcheurs avaient du mal à les capturer, André s’en chargeait à lui seul. La plupart du temps, c’était des ombres qui étaient conservés. Car Hubert savait les cuisiner comme personne. Il nous préparait les ombres en meurette. De souvenir, c’était une cuisson genre court-bouillon à base de vin rouge. Je vois encore nos ombres arriver tous violets dans un plat dresser par l’ami Hubert. Quel délice. J’espère que ces propos ne choqueront pas les plus jeunes pêcheurs adeptes du no-kill car je le sais quand je vois la réaction de mon propre fils, il est difficile pour vous de croire que l’on pouvait conserver autant de poisson. Et pourtant, les populations de la rivière le permettaient aisément. Ce n’est bien sûr plus le cas aujourd’hui.

Parfois, André avait trop de monde à gérer. Alors j’allais avec lui et les stagiaires à la pêche. J’étais à des années lumières d’avoir son niveau mais j’arrivais malgré tout à l’aider en passant un peu de temps avec un ou deux pêcheurs pendant qu’il s’occupait des autres. Ou encore à prendre quelques ombres pour faire le quota du repas de fin de séjour. Lors des stages, il n’y avait pas que de la pêche, il y avait aussi le montage des mouches, des bas de ligne. On faisait ça à l’hôtel. Je donnais aussi souvent la main ou je profitais tout simplement  moi aussi des explications d’André. Bref, j’étais toujours là, près de lui. Avec le temps, j’ai même commencé à emmener des pêcheurs sans lui à la demande de l’Hubert et avec l’aval d’André. C’est devenu une habitude estivale avec les années. André ensuite avait tout son temps pris par ses émissions TV sur la 3ème chaîne et ne pouvait plus être sur tous les fronts. Mais les clients revenaient chaque année à l’hôtel. Et au final, l’Hubert me téléphonait régulièrement en me disant qu’il avait des pêcheurs, qu’il fallait les emmener à la pêche.

Je devais avoir 16-17 ans, et c’était pour moi une façon « plaisante » de gagner un peu d’argent. Voir beaucoup selon les saisons, en tous les cas pour un môme de cet âge là. J’ai fait de très belles rencontres d’ailleurs avec ce job d’été. Dont certaines m’ont marqué. D’autres moins joyeuses. Mais ces multiples expériences m’ont permis de comprendre que le métier de guide de pêche n’était pas fait pour moi. Il ne faut jamais dire jamais, j’en suis bien conscient, mais cela semble bien compromis. Il m’est arrivé en particulier une fois, de passer un très mauvais moment avec un pêcheur que je guidais sur le parcours de Champagnole, dans la ville pour être plus précis. Cette impression terrible m’a vacciné à jamais. Ce fut la première fois de ma vie de pêcheur où je venais de passer une sale journée au bord de ma rivière. Cette rivière qui à part ces quelques rares fois où j’accompagnais des pêcheurs à l’esprit disons différent m’a toujours apporté du bonheur, du plaisir et la dose de sérénité dont j’ai besoin au jour le jour.

 Je vous avoue que je n’ai plus jamais voulu revivre ces mauvais moments-là à la rivière et c’est pour cette raison que je n’ai pas insisté dans cette voie. Je me suis posé la question bien entendu, encore récemment, mais j’ai toujours fini par renoncer en souvenir de ces sales journées.  J’ai pour habitude de dire que la rivière est ma meilleure amie, qu’elle ne m’a jamais trahi et qu’elle m’apporte en permanence ma dose de bonheur. Pour rien au monde je ne souhaite changer cela.

Bien entendu, la majorité des guidages que j’ai pu faire à cette époque se sont très bien déroulés. Pour l’anecdote, j’ai le souvenir d’un pêcheur arrivé à l’hôtel un matin en plein été. Il voulait d’abord apprendre à faire des mouches. Je l’avais mis au défi de réaliser seul sa première mouche avant la mi-journée et de prendre une truite avec avant le soir de la même journée. Défi que nous avions relevé ensemble brillamment. La joie du pêcheur fut immense. C’est un super souvenir oui ! J’en ai pas mal de ce genre là. L’aventure a duré quelques étés puis les guides « pro » se sont installés en étant eux dans les règles. J’ai donc tout stoppé malgré la demande qui est encore existante. André lui a arrêté à cause de la TV et de ses émissions "Destination Pêche".

Mais sincèrement, on a passé des supers bons moments à Pont-Du-Navoy. Comme encore la fois où je me suis fait attraper par l’Hubert en rentrant de la pêche. « Vient m’aider en cuisine, j’ai des grenouilles à préparer ! ». Et puis ces soirées entières à écouter André conter ses aventures vécues ici ou là. Je n’étais pas le seul à l’écouter, tout le monde le faisait en étant comme hypnotisé par cet homme plein d’énergie et de passion. Il avait une façon bien à lui pour décrire cette passion qu’il avait pour la pêche, pour le milieu rivière et pour la nature en générale. Ce fut une époque charnière pour moi, où j'ai passé un temps fou en sa compagnie. J'ai beaucoup appris dans bien des domaines.

Lors d'un stage à l'hôtel du Cerf de Pont-Du-Navoy au début des années 90 .