Aujourd’hui est la date anniversaire de la mort d’André Terrier. Le 03 avril 1996, il nous quittait à jamais des suites d’un cancer. Les années passent, et malgré cela, les souvenirs restent. Les bons moments comme les plus mauvais. En ce jour si particulier, j’ai souhaité revenir sur la dernière partie de pêche d’André. J’ai eu le privilège d’être avec lui ce jour-là.

C’était une magnifique journée de début d’automne lors de la première quinzaine du mois d’octobre 1995. Nous avions décidé comme tous les ans d’aller faire la fermeture de plan d’eau du Chatelet dans le Morvan. Ce réservoir fédéral, situé dans le département de la Nièvre, est toujours en activité aujourd’hui. C’est l’ami Serge Chopin qui avait fait connaitre le Chatelet à André. A l’époque, on y était très souvent, surtout après la fermeture de la truite en rivière. Nous adorions cet endroit pour de multiples raisons. Nous avons connu les premières années où encore nous pouvions manger chez la petite mamie en face dans une petite bicoque. André qui était avant tout un bon vivant, adorait ce genre d’ambiance. Ces vrais instants de vie sans paillettes avec des personnages remarquables. Qu’est-ce qu’on a passé de bons moments là-bas.

Par la suite, André fera connaitre le réservoir du Chatelet par le biais de son émission Destination Pêche. Le succès ne s’est pas fait attendre après la diffusion de l’émission. De nombreux pêcheurs venaient profiter de ce cadre magnifique et pêcher sous la surveillance des gros charolais qui venaient pâturer en bordure du plan d’eau.

C’est donc là-bas que j’ai pêché pour la dernière fois avec André. C’est en ce lieu, qu’il a pris ses dernières truites…J’ai le souvenir d’une belle journée où les truites furent nombreuses. Nous pêchions comme souvent à l’époque au fil avec « les mégots ». Technique peu ou pas utilisée à l’époque par les autres pêcheurs ce qui avait pour conséquence de nous offrir des pêches miraculeuses. Malgré cela, j’ai compris qu’André n’était pas dans un bon jour. Ses lancers n’étaient pas aussi fluides. Sa distance de shoot restait modeste et ses exclamations après ferrage discrètes. Tout le contraire du pêcheur d’exception qui l’était et de l’homme joviale que j’avais l’habitude d’accompagner. D’ailleurs, j’en ai eu la preuve sur le chemin du retour où pour la première fois, il s’est arrêté à mi-chemin pour me demander de prendre le volant. Epuisé qu’il était. La maladie était là, elle débutait son travail macabre.  

André est rentré à l’hôpital peu de temps après cette sortie. A part une ou deux permissions qui lui ont permis de rejoindre son domicile entouré de sa famille, il n’en est pas revenu. Durant la période de fin d’année 1995, il a profité de sa dernière permission à son domicile. Je suis allé le voir de nombreuses fois car j’étais moi aussi en « vacances ». J’attendais en fait de partir pour mon service militaire à Belfort. Il était déjà très diminué, mais nous avions de belles conversations. C’est anecdotique aujourd’hui, donc je peux le raconter. André me demandait d’aller lui acheter des cigarettes en cachette chez madame Annie, le bistrot du village. On avait convenu d’une « planque » pour que son épouse et ses filles ne tombent pas dessus. Il me disait qu’il n’en avait pas besoin, mais qu’il en avait envie ! C’est cette merde qui l’a emmené là où il est aujourd’hui ! A tous les jeunes et moins jeunes pêcheurs qui me liront, faites tout pour stopper cette saloperie s’il vous plait.

J’ai toujours connu André fumeur, il fumait énormément. Avec cette façon bien à lui de mâchouiller son mégot de blonde en racontant ses histoires. Il est parti très vite durant le printemps 1996. Si je devais avoir un seul regret dans ma vie, c’est celui d’avoir été absent à ses côtés les dernières semaines. J’étais à Belfort en train de faire mes classes et donc, j’avais des permissions très limitées. De plus, je profitais de celles-ci pour passer du temps avec une jolie blonde que je venais de rencontrer et qui est devenue la femme de ma vie ainsi que la mère de mes enfants quelques années plus tard.

Je me souviens encore de mon adjudant-chef venant m’annoncer le décès d’André dans les couloirs de la caserne du 74ème R.A de Belfort. J’étais totalement effondré. Bien sûr que je le savais très malade, mais jamais je n’avais imaginé cette issue. Ce fut en fait la première fois de ma vie où j’étais confronté à la maladie et au décès par la suite d’un proche encore jeune. André n’avait que 52 ans. C’était pour moi impossible qu’André me quitte, nous quitte. Je suis donc rentré à la maison le cœur détruit. Mon père a fait ce qu’il a pu, mais nous étions très pudiques entre nous. J’ai vécu mon chagrin seul.

Mireille, l’épouse d’André, m’a demandé de faire parti des personnes pour porter le cercueil lors de l’enterrement. Cela m’a marqué à vie. Je n’ai plus assisté à un seul enterrement famille ou ami depuis ce jour-là jusqu’à il y a quelques mois où je me suis décidé de nouveau à aller accompagner un ami d’André justement lors de son dernier voyage. Je garde un souvenir si douloureux de cet enterrement.

Pour les personnes qui le souhaitent, André repose depuis 21 ans dans le cimetière de notre village, Crotenay.