L’ouverture de la pêche approchant, cela me remémore mes jeunes années de pêcheurs, celles de mes débuts. Je pêchais à cette époque durant les premières semaines plus souvent avec mon papa ou mon grand-père qu’avec André Terrier. Mais j’ai néanmoins de très bons souvenirs des débuts de saison où, lorsque l’on pêchait la rivière d’Ain, les cannes à mouche étaient systématiquement laissées à la maison.

André était connu comme un pêcheur à la mouche hors normes, mais peu de monde sait à quel point il était doué dans la technique du vairon manié. Technique de pêche redoutable en début de saison et certainement la plus productive chez nous. Il m’a là aussi beaucoup appris puisqu’il nous arrivait régulièrement de faire des sorties ensemble avec nos lancers. André organisait même des journées au sein du club qui à l’époque se nommait le G.P.S Haute rivière d’Ain. D’ailleurs, durant l’une de ces sorties en groupe, André nous avait gratifié d’un superbe plongeon bien involontaire dans la Bienne. Glaciale la sortie ! Un très bon souvenir pour nous car il nous avait bien fait rire. 

Comme pour la pêche à la mouche, André avait une longueur d’avance dans la pêche au vairon. C’est le premier pêcheur que je voyais évoluer sur la haute rivière d'Ain avec des grands lancers alors que la plupart des autres pratiquants évoluaient avec des modèles beaucoup plus petits. André pêchait avec des cannes de 2.40 à 2.80m. Cela lui permettait de mieux maîtriser et contrôler la dérive de son vairon dans les différentes veines d’eau qu’il prospectait dans l’espoir de déclencher une attaque de dame fario. Il nous avait initié avec ses montures où il utilisait un « clou » armé d’un triple et d’un hameçon à mouche pour maintenir le vairon sur la monture. Le plus dur finalement dans cette pêche était de trouver des vairons avant l’ouverture étant donné qu’il est interdit d’aller les chercher en 1ère catégorie avant cette date. Je crois même que quelques années avant de connaître André, il avait eu des soucis avec la garderie fédérale pour une pêche de vairons un peu trop précoce ;-) . C’est ce que les rumeurs du village racontent en tous les cas…

Même dans ce domaine, il excellait. De part sa précision, mais aussi sa connaissance de la rivière. Il faisait des pêches miraculeuses régulièrement en pêchant aux vairons. A chaque sortie ensemble ou avec d’autres amis, on pouvait voir à quel point il aimait pêcher ainsi. Je ne pense pas que cela le passionnait autant que la pêche à la mouche, mais il y passait assez de temps pour nous faire croire qu’il adorait ça. Sur les toutes premières émissions de Passion Pêche diffusées sur France3, on peut le voir pêcher de cette façon, notamment sur la Seille, la rivière de son enfance.

Le gros pourcentage de sorties s’effectuaient le soir après le boulot pour lui, et après l’école pour moi. On se retrouvait sur le parcours du village pour lancer nos vairons dans les moindres recoins jusqu’à la nuit. Les touches à la nuit tombée voire un peu plus étaient celles qui nous approtaient le plus de sensations ! On finissait par rentrer très tard car le plus souvent, on vidait les truites à la nuit noire. C’était une autre époque ;-)

Même après la mort d’André, j’ai continué encore longtemps à pêcher ainsi les premières semaines de chaque saison de pêche. J’ai moi aussi finit par aimer ça. Et puis, je me suis lassé. Cela fait bien 5-6 ans que je n’ai plus repris le lancer pour y accrocher un vairon. Malgré tout, cette technique de pêche m’a énormément apporté dans la connaissance du milieu et le comportement des truites. Elle permet de tout ratisser et de comprendre où et quand se tiennent les truites selon les différents profils prospectés et les conditions rencontrées. C’est très répétable d’années en années qui plus est. Avec un peu d’expérience, on arrivait à prendre ou du moins avoir des touches très régulièrement.

Pour terminer sur le sujet, je vais vous raconter une anecdote d’ouverture. André n’était déjà plus de ce monde malheureusement et Thibaut n’était pas encore apte à m’accompagner. C’était un matin où la rivière avait bon niveau mais les touches étaient totalement absentes. C’était même difficilement compréhensible vu la beauté de la rivière ce jour là. Après avoir fait tous mes coups favoris, je me suis résolu à aller voir les copains au feu en étant bredouille. A l’époque, ça faisait mal au ventre !  

Et puis zut, je suis passé devant le feu eu leur disant que j’allais donner un dernier coup plus haut avant de venir manger la saucisse. C’est un coup où l’on trouve une grande fosse. J’ai lancé mon vairon en amont en le laissant couler jusqu’au moment où j’ai senti le fond. Le courant était assez important pour que je puisse le laisser rouler au fond tout en restant concentré sur ma dérive mais sans animer le vairon. La touche ! Ferrage et combat rapide, on pêchait gros ! La truite devait faire un peu plus de cinquante centimètres, ce qui était conséquent pour moi à ce moment là. Je prenais très rarement de tel poisson. Il faut dire aussi que la taille moyenne des poissons n’a cessé d’augmenter ces dernières années. J’étais très heureux d’avoir enfin décapoté. J’ai glissé ce merveilleux poisson après l’avoir assommé dans mon panier en osier fait par mes petites mains. Quelques instants plus tard, un autre pêcheur du village passa vers moi, il venait du coup en amont.

-Alors, tu en touches ?

-Ha ben je viens de faire une très belle là oui !

- Hop, je ne te crois pas !

-Ben si, regarde, je vais te montrer.  

J’ai alors sorti ma truite du panier pour la montrer fièrement. Et là, alors qu’elle n’avait plus bougé d’un poil depuis 6-7 minutes et le moment où je l’avais mise dans le panier, la truite s’est contorsionnée dans tous les sens au point qu’elle a finit par m’échapper ! Plouf, dans l’eau !

-Bordel, elle repartit !

Ha ben je peux vous dire que j’étais en colère ! Parce que même avec le témoignage du pêcheur au feu, je n’avais rien dans le panier, donc j’étais bredouille, et ça, le jour de l’ouverture, c’était inacceptable !

Promis, la prochaine fois, je reviens avec des histoires de « mouches » avec André, mais l’ouverture approchant, je me suis souvenu de ces instants avec ou sans lui qui ont aussi marqué mon enfance. De plus, peu de personnes connaissent ce côté là d'André Terrier. Bonne ouverture à tous.