Nous sommes dans la première quinzaine d'août...Ce jour là, je décide de proposer à Thibaut et son copain Léo une journée entière à la rivière avec pour menu pêche et casse croûte au bord de l'eau. Bien entendu, mes deux gaillards ont de suite répondu par l'affirmative avec de grand yeux brillants !

Il est un peu près huit heures du matin lorsque Thibaut et moi-même passons prendre Léo à son domicile. Le temps de charger le matériel dans la voiture et nous voilà partis direction Champagnole. La pêche est très compliquée en ce début de mois et il est important de bien choisir son secteur en prenant aussi en considération les meilleures conditions de pêche. L'Ain sur Champagnole était pêchable tout l'été, l'eau est restée assez fraiche et les fonds (mise à part à l'aval de la ville ) corrects. On arrive donc sur un parcours en pleine ville où l'on trouve une très bonne densité de truites avec surtout des représentantes dans toutes les classes d'âge. Cela permettra peut-être à Thibaut et Léo de toucher un peu plus de poisson.

La matinée est très vite passée avec un ou deux poissons pour les jeunes et quatre ou cinq truites pour moi. A l'heure où notre appétit nous appelait à casser la croûte le long de la rivière, j'ai bien compris qu'il fallait trouver un secteur où les truites seraient potentiellement plus sympathiques. Le ventre rempli, nous reprenons la route pour monter un peu plus en amont sur des secteurs où je vais rarement si ce n'est lors de ces périodes d'étiage prononcées.Alors bien sur, en allant là bas, je privilégie les gosses pour qu'ils trouvent du poisson plus facile, ce qui sera le cas d'ailleurs. Thibaut et Léo se sont bien amusés avec une douzaine de poissons et même une perche pour Thibaut à vue qui en est là qu'à son premier poisson exotique des vacances. Pour ma part, malgré mes recherches, je ne trouve pas de gros poisson, malgré tout quelques truites autour des quarante centimètres viendront croquer mes nymphes ce qui me rend heureux comme un môme.

Ce n'est que sur la fin d'après midi que je repère un très gros dormant. La truite est au fond d'une fosse bien connue des pêcheurs. Je pense connaitre ce poisson pour l'avoir pris une ou deux fois les années précédentes...Je peux peut-être me tromper, il y a tellement de mouvements chez les truites, mais les gros poissons ne sont pas légion dans ce coin, et encore moins les fosses pour les accueillir. J'enlève mon dix centièmes pour mettre du douze et bien sur, lui nouer un gammare. Je vais faire ainsi plusieurs tentatives infructueuses pour essayer de la tromper. Certainement trop car la belle se soulève du fond pour se reposer un ou deux mètres plus loin.

Je vais essayer deux autres tailles de gammares, puis la cuivre sans succès. Le poisson devient très nerveux, mais à ma grande surprise, il ne se cache pas ! Ce que je n'ai encore pas compris à ce jour d'ailleurs. Il y a des blocs assez volumineux pour la cacher malgré sa belle taille, mais non, elle préfère à chaque fois se déplacer de quelques mètres. 

Je décide d'arrêter de l'embêter quelques temps et je l'observe. C'est vite vu, elle ne bouge pas d'un poil ! Je laisse passer les minutes pour que son stress redescende tranquillement.  Je remet le premier gammare que j'avais essayé il y a plus d'une heure à mon premier lancer. Je m'applique bien sur le nœud, car bizarrement, j'y crois toujours . Elle est là, devant moi, elle aurait pu se cacher ou même partir, mais non, elle est restée là, à portée de nymphe, à portée de gammare...

Cela fait bien quinze minutes que je n'ai plus lancé ma nymphe dans l'eau, les truites autour d'elles ont repris leur activité comme si je n'étais plus là, mais je ne vois qu'elle ! Les enfants sont juste au dessus de moi, ils pêchent sans se soucier de ce que je fais et de ce trésor qui est immobile sur le fond de la rivière.

Je me dis que c'est encore possible, alors je commence à sortir un peu de soie dans les airs pour régler la distance puis le bas de ligne se pose sur la surface de l'eau avec ma pointe assez longue tout en paquet. Cela permet au gammare de couler rapidement et par chance, avec plus de précision que mes premières tentatives. Bien qu'il y est beaucoup de fond, j'ai l'impression que ma nymphe s'est posée sur le fond de la rivière tout à côté de la grosse gueule de cette belle truite. Alors pourquoi cette fois-ci elle n'a pas bougé? Pourquoi a t-elle accepté le gammare à côté d'elle ? Est ce qu'elle l'a vu ? Est ce que c’est le fait de l'avoir laissé tranquille près d'un quart d'heure ?  Toutes ces questions que je me pose encore aujourd'hui et elles me font croire que l'on a encore tellement à apprendre, même avec plus de vingt cinq ans à embêter ces truites.

Quoi qu'il en soit, la truite est là, mon gammare juste à côté, et moi à la manœuvre. Entre le moment où le gammare arrive au fond et celui ou je déclenche une très vive animation, j'ai laissé volontairement passer quelques minutes. Le fait que courant soit quasiment nul à cet endroit me le permettait. Pareil, je ne sais pas pourquoi, mais j'ai choisi d'animer ma nymphe de façon très vive alors que je fais tout le temps le contraire d’habitude. 

J'ai apparemment pris la bonne décision sur ce coup là...La truite s'est soulevée à la vitesse de l'éclair pour faire un mouvement de côté avec sa gueule, j'ai ferré aussitôt ! Elle était pendue bordel !

Une fois de plus cette truite va me surprendre...Au ferrage, au lieu de visiter les blocs entre elles et moi, ce qui aurait certainement eu pour incidence la fin prématurée du combat, elle va sortir de sa fosse pour monter la rivière comme une folle. Je n'ai d'autre choix que de la suivre . Le profil de la rivière à cet endroit me rend les choses assez faciles. Après quelques dizaines de mètres de rushs en amont sans que je puisse faire grand chose, elle va rester au même endroit en faisant des petits départs puissants successifs que je maîtriserais non sans mal. Les minutes passent, les enfants m'ont bien sur rejoinds et ils assistent à la scène avec excitation. La belle se fatigue, mon douze centièmes aura bien tenu et je sens que la fin est proche. Je décide donc d'aller à sa rencontre assez vite pendant que je l'a maintiens en surface...Le premier essai sera le bon et la voilà dans l'épuisette.

Ce poisson est magnifique, par ses mensurations bien sur, mais surtout par sa robe, ses couleurs, mon Dieu qu'elle est belle. De plus, j'ai pris un poisson similaire au printemps, mais dans un secteur différent...Faire une telle truite autant en amont sur la rivière d'Ain, ce n'est pas tous les ans, loin de là...Cela me rend particulièrement heureux, comme on dit avec les copains, celle là, elle vaut des points !

Alors toujours ces questions en suspend, pourquoi avant ou après le ferrage n'a t-elle jamais cherché à se cacher, c'est fou ça...Elle aurait gagner son combat , c'est sur. Thibaut a voulu absolument prendre un repère sur la canne pour connaitre la taille de ce poisson, ce qui pour moi n'a pas plus d'importance que ça. Arrivé à la maison, il a de suite pris la GLX et m'a annoncé soixante quatre centimètres.

Après quelques photos prises par Thibaut, la belle reprendra possession de sa fosse en espérant qu'elle s'y porte bien encore aujourd'hui et pour bien des années...

Une tête d'acier.

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Une merveille de truite fario de notre Jura

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