Cinq heures et vingt minutes, c’est à cet horaire précis que mon réveil a sonné Mercredi matin. Par bonheur, ce n’était pour aller au travail mais bel et bien pour aller à la pêche. Avec cette météo et les niveaux sans cesse fluctuants des derniers mois, je n’avais encore pas posé de jour pour me faire une journée pleine pêche en semaine, le luxe !

Ce mercredi, tout était réuni ou presque…Une rivière magnifique agrémentée d’un soleil radieux pour une visibilité au top. Par contre, on est en Juillet, il fallait donc compter avec les canoës et surtout, un manque d’éclosions de grosses larves, celles là mêmes qui font sortir les gros poissons.

J’avais dans l’idée de faire durant la matinée un parcours où règne une faible densité de poisson mais où l’on peut croiser des truites de belles tailles. Cette pêche est très ingrate, car les occasions d’arriver à son objectif sont très rares. Il faut donc une bonne expérience pour réussir le geste juste au bon moment, car sinon, cela devient vite frustrant de mon point de vue. D’ailleurs, après cette session matinale, j’avais décidé d’aller sur un parcours beaucoup plus poissonneux pour profiter et m’éclater sans me prendre trop la tête à traquer sans rien voir.

J’arrive donc peu après six heures à la rivière, le brouillard n’est pas encore levé, le silence est une douce musique à mes oreilles. Plus je me rapproche de l’eau, plus les signes de vie se font sentir à travers les clapotis du courant et le chant des oiseaux. Une nichée de canards et deux hérons s’envolent à mon arrivée, signe que je suis seul, c’est un bon signe.

Alors que je vais assez vite apercevoir trois poissons dans le premier quart d’heure, le néant total sera mon menu pour la suite…Je suis un peu sur le cul, il faut bien le dire, j’avais un peu près tout imaginé lors de ma courte nuit, mais sûrement pas ce scénario. J’ai beau essayé de regarder partout, près des racines, dans les fosses, sous les vaguelettes des courants faibles ou fort, je ne voie rien, pas une truite digne de ce nom. Après quatre heures de traque sans succès, j’abandonne pour un autre parcours mais toujours avec le sourire.

Après seulement quelques centaines de mètres avalés sur ce nouveau parcours, je localise ma cible ! C’est un poisson de belle taille très clair. Avant toutes choses, j’observe son manège. Elle fait un grand tour en disparaissant quelques secondes dans la fosse devant moi pour venir chasser les truitelles et autres poissons fourrages sur un plateau en bordure dans un mètre d’eau. Le poisson, quand il vient chasser, est positionné en aval de l’endroit où je suis. Je vois de suite que j’ai à faire à un poisson très lourd, on voit bien qu’il est en pleine forme ! Je sais très bien que je n’aurais qu’une chance, c’est un poisson expérimenté. J’ai décidé de l’attaquer lorsqu’elle va remonter dans peu d’eau, c’est à ce moment là qu’elle est la plus attentive à la nourriture qui passe à proximité. Je prends la décision de retirer mon quatorze centièmes pour le remplacer par une pointe en douze centièmes. Le parcours où je suis est pas mal pêché et je crains un refus dans si peu d’eau…Si cela devrait être le cas, il y a de grandes chances que l’échec soit la conclusion de cette histoire, et je n’en n’avais pas du tout envie. Une occasion en six heures de pêche, on met toutes les chances de son côté !

J’opte pour mon gammare fétiche monté sur un tiemco 2488 en taille 14. Je suis près, la truite vient de disparaître dans la fosse…Les secondes sont longues avant qu’elle ne revienne dans mon champ de vision sur le plateau peu profond. J’attends le moment où elle débute sa rotation pour se mettre en position de remonter face à moi pour commencer mon mouvement et sortir la distance de soie idéale. La truite, comme à son habitude remonte tranquillement en observant ce qui passe vers elle.

Je pose mon gammare en retenant mon geste au dernier moment pour que le gammare tomber bien en paquet et qu’il glisse dans la veine d’eau en plein axe de la truite. Je suis obligé de faire cela, car je la pêche cent pour cent aval. Le poser est très bon, puisque le gammare arrive à hauteur de la truite comme dans un rêve…Elle n’a presque d’autre choix que de l’engamer. Je distingue bien ce petit point blanc à quinze mètres de moi qui trahit l’ouverture de sa gueule, le ferrage qui s’en suit est puissant et sans appel. Elle y est !

Étrangement, le poisson et moi-même réalisons tout juste ce qui se passe. Elle remonte sans combattre ou presque dans ma direction et je reste là, tranquille,  à mouliner en récupérant ma soie. C’est seulement une fois la truite arrivée à ma hauteur que l’on a pris la bonne mesure de l’évènement. Elle est partie comme une furie dans la fosse, et moi, j’ai commencé à courir derrière elle comme j’ai pu ! Elle m’a très vite repris vingt mètres de soie. A ce moment là, j’ai eu le bon réflexe de desserrer deux crans au frein du moulinet, car avec cette longueur de soie dans l’eau et mon douze centièmes en pointe, ça allait mal finir. De plus, quasiment aucun danger dans cette fosse si ce n’est la profondeur de l’eau qui faisait faire un angle à ma soie plutôt inquiétant. Je n’ai jamais repris de soie sur elle en fait, j’ai juste raccourcie ma distance entre elle et moi en me déplaçant sur la berge. C’est ainsi que j’ai pu récupérer petit à petit ma soie. Au moment le plus critique, j’apercevais mon backing, chose qui ne m’était pas arrivé depuis bien longtemps malgré des prises encore plus grosses.

Alors que j’ai réduit la distance entre elle et moi à la longueur d’un bas de ligne, cette magnifique truite toute claire ne veut pas se rendre, elle a une puissance incroyable.  Elle continue à se défendre en surface, en alternant des coups de queue rageurs pour s’éloigner de moi et des gros remous qui me font croire à un affaiblissement de sa part. Je vais encore la déséquilibrer quatre à cinq fois, tenter trois approches successives à l’épuisette pour finalement arriver au terme de sa fabuleuse combativité. Si les quantités d’eau du printemps nous ont empêchées de pratiquer la pêche à la mouche comme on le souhaitait, elles ont donné une force spectaculaire à nos poissons, vive l’eau !!

Avant de faire une ou deux photos, je l’admire dans l’épuisette. Ce poisson est un adversaire redoutable, un vrai beau combat dont on se souvient longtemps. Cette truite est magnifique, tant au niveau de la robe que de la corpulence, un vrai joyau, un lingot d’or !

Une truite surpuissante !

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A très bientôt ma belle...

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