Dans le numéro estival du magazine Pêches sportives, Philippe Boisson conte sa rencontre avec Ludovic Delacour. J'en ai profité pour poser quelques questions à Ludo que je connais depuis quelques années.

Il faut savoir que Ludo possède un handicap très sévère. Il a deux dixièmes à chaque œil. Imaginez dans la vie de tous les jours comme cela doit être pesant et pénalisant. Malgré cela, Ludo se lance des défis comme celui d'être un pêcheur à la mouche !

Présentation de l'article

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Nicolas : Salut Ludo, fais nous une petite présentation rapide s’il te plait.

Ludo : J'ai un peu plus de 36 ans, je suis marié et papa d'un petit garçon. Je travail au Camp militaire de La Valbonne dans le 01 au service achats finances et plus particulière à la rédaction des marchés publics. Je pêche à la mouche depuis 2000 mais vraiment depuis 2007. 

Pendu !

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Nicolas : Tu es un passionné de pêche à la mouche, et pourtant, au vu de ton handicap, ce n’était pas gagné d’avance non ? 

Ludo : Effectivement, j'ai découvert la pêche à la mouche en 2000 au bord de la BRA, j'ai été séduit par la gestuelle et puis je me suis lancé dans l'aventure. J'ai très vite compris que tout allait être très compliqué pour moi, voir ma mouche sur l'eau, faire mes nœuds, accrocher ma mouche, voir les gobages.

Mais je suis plutôt têtu et quand je veux quelque chose, je fais tout pour l'avoir. Ma femme me le répète assez souvent, quand je lui parle de futurs achats pour la pêche. Mais c'est surtout du à mon handicap qui m'a fait grandir très vite, peut-être trop vite d'ailleurs, et surtout qui m'a obligé à ne jamais rien lâcher et surtout à ne jamais m'avouer vaincu.

Ludo en pleine concentration.

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Nicolas : Malgré tout, tu as persévéré et aujourd’hui, tu souhaites faire connaître ta réussite à des personnes qui comme toi partent de loin.

Ludo : Oui effectivement, mais je ne parlerai pas de réussite, mais de victoire sur la vie, mon handicap m'a cassé bien des rêves entre autre celui de devenir pilote de rallyes automobiles, mais j'ai appris à approcher mes rêves voir à les réaliser pour certains.

Prendre une truite avec une mouche de 1 cm de long à une quinzaine de mètres, ça se fût un de mes rêves en commençant la pêche à la mouche. A travers cet article, j'aimerais faire prendre conscience qu'il faut se donner les moyens d'approcher ses rêves, qu'il faut pour cela savoir parler de sa différence, de s'ouvrir aux autres et de rester humble.

Je pense que mon humilité à la pêche me permet d'éprouver autant de plaisir d'avoir leurré une truite de 10 cm qu'une de 28 et peut-être plus un jour. J'aimerais aussi que ceux qui côtoient des personnes en situation de handicap apprennent à les regarder comme toute autre personne sans pitié aucune. La différence fait peur,mais elle peut apporter tellement quand on la partage.

Je voulais à travers cet article je voulais montrer à tous ceux qui sont touchés par un handicap quel qu'il soit qu'il y a toujours moyen de pratiquer des activités au premier abord impossible, mais il faut persévérer, être patient et savoir parler des obstacles que l'on rencontre pour les surmonter. Si mes parents avaient écouté les médecins lorsque j'avais un an, je n'aurais pas marché, fait de vélo, courir, écrire etc.

Heureux l'homme !

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Nicolas : Pêches Sportives, par l’intermédiaire de Philippe Boisson, t’as mis en lumière dans un des magazine de pêche les plus lus, c’est une sacrée récompense !


Ludovic: Ma rencontre avec Philippe BOISSON a été possible grâce à Stéphane devenu un ami. Je suis fier que cet article ai été publié par Pêches sportives. Le sujet n'est pas vendeur au premier abord, qu'y a t-il de si exceptionnel que ça dans mon histoire ???

Je suis un moucheur dans la brume comme je le dis sur mon blog, je resterais toujours un pêcheur dans la brume, mais à travers cet article un coup de projecteur a été donné sur une pratique différente de la pêche à la mouche par une personne un tant soit peu différente. Quoi que le soir certain de mes amis pêcheurs me disent que mon handicap n'existe plus car j'arrive à pêcher sur gobage alors qu'il fait quasi nuit. Dans notre société et notre pays, il a été nécessaire de créer une loi pour l'égalité des chances, c'est à dire que pour les personnes en situation de handicap soient un tant soit peu considérées, il a fallu écrire une loi, c'est quand même fort non ?

C'est comme le  handisport qui n'est pas ou très peu médiatisé en France en tout cas, alors que les résultats sont souvent excellents par rapport aux valides. D'ailleurs, la pratique de beaucoup de sports n'est pas accessibles aux personnes en situation de handicap alors que quelques aménagements suffiraient à la rendre possible.

Alors qu'un magazine accepte de parler du handicap à travers mon histoire et par conséquent d'un pêcheur qui n'est pas du tout un grand pêcheur à la mouche, oui effectivement, c'est une récompense pour moi car je n'ai jamais baissé les yeux devant ceux qui me faisaient et qui me font encore remarquer que je ne suis pas comme tout le monde.

J'espère qu'il y aura d'autres occasions pour que je puisse faire parler de ma pratique de la pêche à la mouche, j'ai d'ailleurs un ou deux projets en tête.

Mais pour finir, je voudrais juste dire que j'ai voulu donner un peu d'espoir à ceux qui n'osent pas continuer leur chemin parce qu'il est encombré, j'ai voulu aussi montrer que nous devons travailler encore plus que les autres pour essayer d'arriver à nos fins, et si nous n'y arrivons pas, ce n'est pas grave, on aura essayé.

Encore milles merci à Monsieur Philippe BOISSON pour ce qu'il est, et pour l'occasion qu'il m'a donné de faire passer mon message.

Si Ludo en est là, c'est aussi parce qu'il a fait les bonnes rencontres. Il y a un homme qui compte beaucoup pour lui, il se nomme Calou. Il a bien voulu écrire quelques ligne pour Ludo...Et pour notre plaisir également, bonne lecture.

Andy Cap, vous vous souvenez ? Non ?
Mais si, ce petit personnage de BD qu’on lisait dans je ne sais plus quel canard, souvent en trois vignettes burlesquophilosophiques, une casquette à carreaux vissée sur la tête et qui cachait son regard…Non ? C’est pas grave, ça va vous revenir.


En tout cas, quand j’ai vu ça,
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Le nom de Andy m’est revenu à l’esprit d’un coup. Pourtant, à part la casquette et qui n’est pas à carreaux, je ne vois pas beaucoup de ressemblances entre Ludo et Andy ; Si ce n’est qu'handicape, pour l’un des deux c’est un nom et pour l’autre un état.
Ludo, c’est deux 10eme de vision pour chaque œil ! Ce qui fait quatre en tout… Pour moi qui me sens miro comme une taupe, c’est le degré de mon œil le plus faible ; Vous voyez (façon de parler) le tableau ?
Et tenez vous bien, Ce Ludo, il a rien trouvé de mieux que de choisir la pêche à la mouche comme loisir. Vous y croyez vous? Et sèche en plus ! Donc Ludo, c’est quatre 10eme de vision en tout, mais Ludo, c’est surtout trois milles 10eme d’enthousiasme, vingt mille 10eme de cœur et pour ce qui est de la persévérance, je vous la fais pas en 10eme, la page n’y suffirait pas.


Alors voilà, Ando, après une bonne vingtaine d’heures passées à tourner dans son lit plutôt que de dormir, il s’est pointé un vendredi sur la Valse après 1H30 de voiturette, tout excité, tout nerveux même s’il essayait de me la jouer zen au moment du café.

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Juste avant d’attaquer la plate dont je lui avais dit qu’on y ferait certainement du poisson. Il me scie Ando, quand je le vois attacher ses mouches, la piquante bestiole à deux centimètres de son œil, au toucher.

Et c’est parti, gonflé à bloc, plein des espoirs que ses précédentes nuits d’insomnie ont fait naitre…

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-Plus à gauche Ludo, bien contre la berge.

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Tu vois ta mouche ?


Contre la berge, une mouche en H16, même blanche, Ando ne la voit pas. Alors il recommence encore et encore, sans succès, malgré quelques montées trop irrégulières et trop surprenantes ; Car les rares truites encore en appétit que deux ferrailleurs nous ont laissées ont tendance à aller se coucher lorsque le vent se lève…

-Aller, Ludo, même si tu n’y vois que par les côtés, il faut pourtant regarder les choses en face et se tirer d’ici, on va aller un peu plus haut, sur un poste qui doit être plus à l’abri du vent : Le joker…

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Et nous voilà sur le parcours de la dernière chance. Guère moins de vent mais il faut y croire ; Et Ando n’a pas besoin d’encouragements. C’est comme si une nouvelle journée venait de commencer. Mais les truites ne sont toujours pas à table, et au moment ou sans lui dire je me sens prêt à jeter l’éponge, un de ses rêves peut être plus fort que les autres vient de se matérialiser en un magnifique gobage, pleine veine, régulier.

-six mètres devant toi Ludo, un mètre à droite… Là, tu es dessus…

Rien !

-Recommence, au même endroit…

-Gloup, hop, c’est pendu,

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c’est lourd,

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c’est deux mille huit cents 10eme de bonheur sauvage et de reconnaissance.

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C’est aussi une barre placée un peu plus haut pour tes prochains fantasmes…

Ce soir, un peu de la Valse viendra arrondir les bons quatre-vingt-cinq kilos de pure enfance de mon copain Ando. Que ceux qui ne comprennent pas cela relisent les histoires d’indiens traquant des bisons devenus mythiques par leur don à échapper aux chasseurs, ou Moby Dick, ou le vieil homme et la mer.

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Dors bien Ando, et fais de beaux rêves…


Si vous souhaiter lire la suite de l'article, c'est ici et .Pour continuer à suivre les aventures de Ludo, allez par là.

Pour finir, merci à Philippe pour ce petit coup de projecteur et merci à Ludo et Calou, je vous souhaite une amitié éternelle.

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