Une fois encore, EDF tue les habitants de la basse rivière d'Ain. Une fois encore, c'est les pêcheurs qui s'en préoccupent et seulement eux. A tel point que les trois grosses associations de la BRA ainsi que la fédération de pêche du 01 ont porté plainte. J'ai demandé à un de ces bénévoles de répondre à mes questions pour vous aider à comprendre ce qu'il se passe sur cette rivière fantastique.

Nicolas : Plainte a été déposée contre EDF par plusieurs associations de pêche de la basse rivière d’Ain. Quels sont les évènements qui ont déclenché cette procédure ?

Association : Effectivement les 3 associations (PPVA, PLA et AUPRA) qui gèrent la BRA et la FDAAPPMA 01 ont déposé des plaintes en 2017 contre X pour destruction d’habitat d’espèces protégées. Cette procédure fait suite aux nombreuses constatations d’échouages de juvéniles de salmonidés. Ce phénomène arrive quand les barrages ferment brutalement leurs vannes. L’eau de la rivière baisse trop rapidement et les poissons n’ont pas le temps de regagner le lit de la rivière. Ils finissent morts échoués sur la berge. Toute la faune de la rivière subit les conséquences de ces éclusées, les invertébrés paient eux aussi un très lourd tribu.

Ces plaintes ont eu le mérite de faire bouger l'Etat et de faire entendre un peu plus fort la voix des pêcheurs. Malgré les améliorations obtenues, les pêcheurs ont prévenu que les mesures proposées pour 2018 ne seraient pas suffisantes pour éviter la mort des juvéniles de salmonidés. Comme on pouvait malheureusement s'y attendre, en 2018 les AAPPMA ont de nouveau constaté de grosses mortalités. Elles ont décidé de re-porter plainte en 2018, malgré le résultat incertain des procédures de 2017. À ce jour nous savons que le Procureur de la République de l'Ain a commandé une enquête aux services de l'AFB. En 2017 l'AFB a réalisé un travail colossal pour tenter de répertorier toutes les mortalités observées. N'ayant pas de nouvelle de la procédure, la FDAAPPMA 01 a envoyé un courrier de relance auprès du Procureur de la République début 2018. A notre connaissance nous n'avons toujours pas de réponse, mais il semblerait que nos plaintes aient été classées sans suite.



Nicolas : D’un œil extérieur, on pouvait penser que le dialogue était instauré entre les pêcheurs et EDF. Que des accords étaient actés. Ce n’est pas le cas ? EDF ne respecte pas sa parole ?

Association : On va essayer de résumer au maximum, mais c'est une longue histoire. Depuis plus de 30 ans des discussions sont en place avec l'Etat (DDT, DREAL, ONEMA, Agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse), EDF, le syndicat de rivière (SBVA) et les pêcheurs. Une première convention frayère avait été signée dans les années 90. Les mesures de cette convention étaient simples, mais on pouvait constater une certaine efficacité. Ces actions étaient loin d'être suffisantes, mais utiles à la survie de la rivière.

Puis dans les années 2010, EDF a brutalement dénoncé cette convention au motif qu'elle était trop coûteuse et restrictive. Les pêcheurs sont alors montés au créneau pour obtenir une nouvelle convention plus ambitieuse et surtout réellement efficace. En parallèle l'AFB (ONEMA à l'époque) consciente des problèmes sur la basse rivière d'Ain, a mené des campagnes de suivis des frayères et des échouages/piégeages. En 2013 cette agence sort un dossier complet sur l'impact de l'hydroélectricité et surtout tout un panel de mesures pour améliorer le fonctionnement des barrages. À partir de là, l'Etat et EDF ne pouvaient plus dire que les barrages et leur gestion catastrophique n'avaient pas un lourd impact sur la faune. Les pêcheurs se sont alors appuyés sur ce rapport et ses préconisations pour négocier une nouvelle convention.

Au milieu des années 2010 la convention salmonidés voit le jour, un comité de pilotage (COPIL) et un comité technique (COTECH) sont créés. Ces comités sont pilotés par la DREAL Rhône-Alpes Auvergne et la DDT 01. Les participants à ces comités sont la DREAL, les DDT 01 et 39, l'AFB, l'Agence de l'eau, le syndicat de la basse rivière d'Ain, des scientifiques (dont Henri Persat), EDF, un bureau d'études (ECOTEC), la FDAAPPMA 01 et les 3 AAPPMA de la BRA. Lors des COTECH d'autres intervenants ou utilisateurs de la rivière peuvent être sollicités (Micro-centrales, Agriculteurs, filiales spécifiques d'EDF...). Le but de ces comités est de faire un état des lieux de la situation et de trouver des solutions en vue d'améliorer le fonctionnement des ouvrages. EDF joue la montre et demande des études d'études, avec différents scientifiques qui travaillent pour eux à l'appui. Le but de leur démarche est de prouver aux membres des comités que la disparition des salmonidés est de cause multifactorielle, afin de se dédouaner de leur responsabilité. Certes l'hydroélectricité n'est pas le seul facteur qui dégrade la rivière. Mais l'anéantissement de la reproduction des poissons et des invertébrés est bien le fruit d'une mauvaise gestion des ouvrages hydroélectriques de la rivière d'Ain, c'est le gros point noir de la BRA.

Depuis cette nouvelle convention, quelques mesures bénéfiques ont été mises en place, mais on est encore loin du compte. En plus EDF vient régulièrement renégocier les miettes que nous avons si chèrement obtenues. C'est pour cela qu'en 2016 la FDAAPPMA 01 a dénoncé son partenariat avec EDF et que les AAPPMA ont menacé d'engager des procédures judiciaires. Suite à ces événements les AAPPMA ont pris des dispositions en vue de mener des actions judiciaires et de communication.

Nicolas : Qu’attendent les associations de cette plainte ? Qu’est-ce que réellement cela peut apporter ? Pensez-vous arriver un jour à mettre en place avec tous les acteurs un système viable pour la rivière et ses habitants ?

Association : Nous ne sommes pas dupes, on ne compte pas gagner au pénal face à une entreprise comme EDF qui gère des ouvrages appartenant à l'Etat. Mais nous avons bon espoir d'obtenir des mesures efficaces, afin de permettre aux poissons de se reproduire dans des conditions acceptables. Sur d'autres rivières (Dordogne, Doubs...) les pêcheurs ont su faire bouger les lignes et ils ont obtenu des résultats concrets. Nous avons donc contacté les personnes qui ont menées ces actions, afin de comprendre comment ils ont réussi à faire bouger les lignes.

Pendant des années les AAPPMA de la BRA ne se sont pas entendues, ce qui a fait le jeu des fossoyeurs de la rivière. Depuis quelques années les pêcheurs ont compris que pour sauver la rivière, il fallait être soudés coûte que coûte.

Nous effectuons ce travail bénévolement et aux dépens de notre temps de pêche. Si nous ne pensions pas avoir nos chances de faire bouger les choses, nous ne mènerions pas ce combat. Nous sommes lucides, cela fait des dizaines d'années que ça dure, on ne va pas résoudre l'équation en un claquement de doigt. La basse rivière d'Ain a encore un potentiel magnifique, certes elle est malmenée, mais en jouant sur les bons leviers, on a espoir de retrouver un paradis pour la pêche et de transmettre ce patrimoine aux générations à venir.

Nicolas : Un message pour les pêcheurs qui liront ce billet et qui souhaiteraient vous soutenir. Par quel moyen peuvent-ils le faire ?

Association : Le plus simple est de nous suivre sur les réseaux sociaux, de partager nos publications sur ce sujet. Il faut dénoncer cette pseudo énergie qu'on nous vend comme verte et qui fait des ravages sur beaucoup de rivières. Avec nos actions de communication (réseaux sociaux, journaux, télévision), on se rend compte que beaucoup de gens n'avaient pas connaissance du problème; même certains pêcheurs ne se rendaient pas compte du désastre qui a lieu sur les rivières où l'hydroélectricité dicte sa loi. C'est la pression auprès de nos élus qui fera bouger les choses. L'Etat n'aime pas voir en une du journal local qu'une entreprise qui gère ses ouvrages est attaquée en justice pour destruction d'habitat d'espèces protégées. Nos élus locaux commencent à se sentir concernés par ce problème, car leurs administrés leurs en parlent régulièrement.

Là où nous sommes pour le moment très déçus, c'est sur le positionnement des élus du syndicat de rivière local (SR3A), on ne peut pas dire que la démarche des pêcheurs soit très soutenue, espérons que ça change rapidement.

Nicolas : Merci beaucoup pour tous ces éclaircissements. J'espère très sincèrement que vous arriverez à faire bouger les choses. J'ai une pensée pour tous ces bénévoles que vous êtes (Alex, Niko, Marco pour ceux que je connais un peu mieux) qui donnent de leur temps au-delà de ce que peuvent imaginer les gens. Merci pour ça, vous êtes des exemples.

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