A quelques jours de l'ouverture mythique sur le Doubs franco-Suisse, j'ai voulu faire la lumière sur la situation à Goumois où bon nombre de passionnés ont l’habitude de se retrouver. Patrice Malavaux étant certainement le mieux placé pour nous informer sur la réalité de terrain. Merci à lui de le faire.

Nicolas : Bonjour Patrice. Je me suis permis de te solliciter pour nous parler de la situation du Doubs à quelques jours de l’ouverture. Rappelle-nous le déroulé des tristes évènements de la fin d’année dernière pour se remettre dans le contexte s’il te plait.

Patrice : Bonjour Nicolas. En effet, après plusieurs années de répit, le Doubs Franco-Suisse a subi une nouvelle vague de mortalités piscicoles due au champignon saprolégnia. Nous nous en sommes rendus compte fin novembre à la fin d’un épisode de fortes eaux et le phénomène s’est prolongé durant une bonne partie de décembre. Janvier aura marqué l’arrêt de l’épisode.

Nicolas : Ces mortalités sont d’autant plus rageantes que les populations se refaisaient une petite santé. J’ai pu le constater de mes yeux.

Patrice : C’était le cas. Les grosses années de mortalités étaient 2010, 2011, 2014. Si la maladie n’a jamais totalement disparu dans les années suivantes, elle était devenue pratiquement anecdotique, ce qui a permis aux populations, les ombres notamment, qui avaient été décimé jusqu’à environ 70%, de bien revenir, aussi bien en nombre qu’en taille. Les truites ont moins fait le yoyo, mais tout le monde était d’accord sur le fait que la population était également très intéressante. C’est rageant, comme tu le dis, mais les pêcheurs qui me croisent savent qu’il y a longtemps que je disais qu’il ne fallait pas fanfaronner, car on se savait avec une épée au-dessus de la tête… Et que ce n’est pas avec les efforts entrepris par nos autorités pour sauver les rivières qu’il fallait s’attendre à des miracles …

Nicolas : Les observations ont vite été impossible avec les niveaux d’eau. Est-il possible d’évaluer un pourcentage de perte à la louche ? Plutôt les gros poissons touchés ou toutes les classes d’âge ?

Patrice : Ce sont essentiellement les truites de belle taille qui ont été touchées, rarement en dessous de 35-40cm. Quant au pourcentage il est très difficile de l’estimer et je ne le ferai pas. Je me souviens de l’épisode ravageur de 2011 où, voyant la quantité de poissons morts (y compris des truites), je me disais qu’il n’allait plus en rester, et pourtant, si les ombres ont effectivement été décimés, l’effectif de truites n’avait pas tant bougé que cela lors des pêches électriques qui avaient suivi l’épisode. On va donc essayer de rester optimistes et on va beaucoup compter sur les résultats des pêcheurs cette saison pour se faire une idée…

Nicolas : On a vu beaucoup d’images passer fin décembre et l’essentiel des poissons touchés étaient des truites. Quant est-il des ombres ? Est-ce qu’ils ont été épargnés par cet épisode ?

Patrice : Oui, pratiquement que des truites, peu d’ombres. Il faut dire que notre expérience en la matière montre que les épisodes de déclenchement de la maladie sont le plus souvent associés à la période de fraye, quand les poissons sont affaiblis. L’hiver pour les truites et le printemps pour les ombres… Du coup on attend de voir ce qui va se passer dans les semaines qui viennent avec beaucoup de prudence… et en croisant les doigts !!!

Nicolas : Une fois de plus, les niveaux n’ont pas dû permettre une bonne observation, mais peux-tu nous parles des frais. Les survivantes ont-elles pu se reproduire ?

Patrice : Ce qu’il y a eu de spécifique cette année, c’est que la maladie s’est déclenchée en même temps que la fraye plutôt qu’à la fin. Ce qui fait qu’un certain nombre de géniteurs n’a probablement pas eu le temps de se reproduire avant de mourir et cela fait partie des signaux qui nous ont le plus inquiétés. Après, les frayères ont malgré tout été bien grattées…. On va rester optimistes, et encore une fois attendre le printemps, pour cette fois se faire une idée lors de l’émergence des truitelles…

Nicolas : Depuis la fin janvier, le Doubs a retrouvé un niveau plus stable. As-tu pu faire de nouvelles observations et si oui, quelles sont-elles jusqu’à ce jour ?

Patrice : en effet, depuis l’éclaircissement des eaux fin janvier on constate que l’épisode s’est arrêté, ou presque. On voit encore quelques cadavres qui n’ont pas encore fini de se décomposer, et pour une info en temps réel, j’ai arpenté hier les bords du Doubs sur une vingtaine de kilomètres pour voir un seul poisson très faiblement malade.

Nicolas : Un dernier mot Patrice pour convaincre les pêcheurs de venir malgré tout sur les berges du Doubs le 1er mars !?

Patrice : Je n’ai pas envie de vendre du rêve dans le contexte actuel, mais les rivières ont besoin de sentinelles et les AAPPMA ont besoin de sociétaires à représenter, face aux administrations, politiques et grands lobbies. Je suis de toutes façons convaincu qu’il reste de belles pêches à réaliser et de bons moments à passer dans notre belle nature… On doit continuer d’y venir !

Nicolas : Merci encore pour le temps passé pour informer les lecteurs de ce blog. Je vous souhaite que le pire soit derrière vous ! Au plaisir de se croiser sur les berges de cette fabuleuse rivière Patrice.

Patrice : Merci Nicolas. Merci pour ton engagement et ton soutien. On reste de toutes façons bien présents, vigilants plus que jamais et toujours prêts à défendre notre rivière et s’en faire le porte-parole… Au plaisir et encore merci !