Aujourd'hui je vous propose de partir à la découverte d'une AAPPMA très dynamique dans le Sud-Est de notre pays. Partons sur le Verdon si vous le voulez bien avec son président que vous connaissez peut-être pour ces articles et livres sur la pêche à la mouche, Jean-Christian Michel.

-Présentation de l’AAPPMA Verdon-Colostre, ses actions et ses projets.

Bonjour Nicolas. L’aappma Verdon-Colostre est située dans le département des Alpes-de-Haute-Provence, sur le cours terminal du Verdon. Quand celui-ci arrive sur notre territoire de gestion il a déjà parcouru près de 120 kilomètres et traversé trois grands barrages (Castillon, Chaudanne, Sainte-Croix). Il lui reste encore 45 kilomètres à parcourir. Sur ce secteur terminal, le Verdon est parfois limitrophe avec le département du Var. L’aappma Verdon-Colostre gère 60% du lac de Montpezat-Quinson (150 hectares) et 80% du lac d’Esparron-de-Verdon (328 hectares). Ces lacs de seconde catégorie piscicole sont le résultat de l’ennoiement des gorges et vallées du Bas-Verdon à partir de la seconde moitié du vingtième siècle. On y pêchait la truite fario et on y voyait des aprons dans des décors de gorges uniques…Aujourd’hui c’est plutôt pédalos, perches, gardons et brochets ! Ainsi va le monde.

En aval du lac d’Esparron-de-Verdon, la rivière ressuscite pendant une petite quinzaine de kilomètres avant de rejoindre les eaux de la Durance. Sur cette portion, l’aappma Verdon-Colostre gère huit kilomètres sur le Verdon vivant en amont et en aval de la station thermale de Gréoux-les-bains. La rivière traverse ensuite les départements du Var et des Bouches-du-Rhône pendant 7 kilomètres avant de terminer son cours.

Situé en rive droite du Verdon, le Colostre est notre plus important affluent de première catégorie. Long de 36 kilomètres, il rejoint le Verdon en amont de la station thermale de Gréoux-les-Bains. Nous gérons également plusieurs ruisseaux et leurs chevelus  ( « adoux », en provençal) dont le linéaire cumulé atteint une cinquantaine de kilomètres. Notre territoire de pêche s’étend sur neuf communes au total. Lacs, rivière, ruisseaux : nous gérons donc des masses d’eau très différentes (de 50 mètres à 5 cm de profondeur !) Et si nous on ajoutons à cela la prise en compte de l’artificialisation des masses d’eau et les altérations anthropiques, tu comprendras que nous ne gérons pas les territoires d’une seule pêche et d’une seule catégorie de pêcheurs… pas facile de contenter tout le monde ! Le Colostre et le Verdon sont en gestion patrimoniale stricte afin de préserver la reproduction de nos superbes truites méditerranéennes mais sur certains plans d’eau nous « bassinons » de la truite arc-en-ciel… Les mentalités évoluent mais nous ne nous adressons ni à un seul public ni à un seul contexte piscicole… Ce serait plus confortable pour nous mais ce n’est pas le cas et nous tentons d’intégrer au mieux cette complexité ! Notre but est que toutes les catégories disparates de pêcheurs que nous touchons se fédèrent en faveur de la cause de la protection des milieux aquatiques.

-Côté gestion et actions, que faisons-nous ?

Commençons par le Verdon sur sa portion où il est encore une rivière : notre première action de gestion a été de porter la taille légale de capture de la truite fario à 30 cm (elle était à 23cm) en commun avec l’aappma voisine ainsi que d’interdire la pêche en marchant dans l’eau jusqu’au 31 avril. Ces deux mesures ont été prises par arrêtés inter-préfectoraux. Je ne me suis pas fait que des amis mais aujourd’hui l’interdiction de marcher dans l’eau est entrée dans les mœurs et même les scientifiques abondent dans notre sens.

Parlons des actions de restauration : depuis une dizaine d’année l’aappma Verdon-Colostre et la Fédération de Pêche des Alpes-de-Haute-Provence portent un projet de diversification des habitats du Bas-Verdon dont nous sommes à l’origine. Tout ceci est parti de ce que j’avais observé à Goumois autour du plat de la Verrerie et d’une discussion entre copains…voilà comment essaiment les idées de l’Est au Sud ! Nous avons commencé à élaborer notre projet alors que nous n’étions pas encore à la tête de l’aappma. Nos réunions se déroulaient dans l’ancienne école de Saint-Martin-de-Brômes, non loin du Colostre. Nous étions une poignée de pêcheurs amis des superbes truites du Verdon et nous voulions faire évoluer la gestion dans le sens d’une meilleure préservation de ces superbes truites sauvages. Peu à peu les choses se sont faites : nous avons pris la présidence de l’aappma et appris peu à nous familiariser avec la gestion des milieux aquatiques et la politiques de l’eau française. Ce fut long mais nous avons fait ce que nous avons voulu. Nous avons mis en place une gestion patrimoniale partout où la reproduction des truites sauvages se fait correctement. Nous n’alevinons plus le Colostre et le Verdon. Nous avons procédé à de nombreux aménagements afin d’améliorer la capacité d’accueil de la rivière. Des secteurs où les poissons adultes étaient absents accueillent aujourd’hui de superbes truites. Tout n’est pas rose mais les choses ont évolué dans le bon sens. Nous avons introduit des rochers, créé des berges creuses, implanté des ouvrages en génie végétal, réalisé des tests de recharge sédimentaire (le Verdon en aval du barrage est en déficit). Actuellement un suivi scientifique effectué sur trois ans par la Fédération de pêche des Alpes-de-Haute-Provence est en cours et les premiers résultats sont très positifs. (Merci à nos techniciens et à notre FD !)

-Nous avons beaucoup d’autres projets.

Depuis plusieurs années je fais mon possible auprès du SAGE Verdon (je suis le représentant de la Fédé 04) afin que l’impact des éclusées EDF sur les poissons et les invertébrés soit étudié et je tente de militer pour la prise en compte de la problématique sédimentaire. Une importante étude pilotée par le PNRV et la FD04 a été menée en 2018-2019, j’espère qu’elle va aboutir à l’élaboration de projets sérieux dans les années à venir sur les communes de Castellane et de Gréoux-les-Bains.

L’AAPPMA Verdon-Colostre accompagne à son échelle la politique de rétablissement des continuités écologiques menée par les services de l’État que ce soit sur le Colostre ou le Verdon. La pièce centrale du rétablissement des continuités sera l’arasement du seuil de Gréoux-les-Bains sur le Verdon en 2021. Ce seuil haut de 6 mètres à été « offert » aux riverains du Verdon dans les années soixante en compensation de l’assèchement du lit du Verdon à cette époque d’avant la première loi sur l’eau ou la notion de débit réservé n’existait pas… Un boudin en béton et caoutchouc en travers d’un joyau écologique comme le Verdon : quelle horreur ! La rivière y stagne et s’échauffe sur près d’un kilomètre et les truitelles nées sur les frayères de l’amont ne peuvent pas dévaler. De plus cet ouvrage constitue un danger pour le lotissement situé en rive droite. Nous faisons confiance aux services de l’État mais nous ne manquerons pas de porter le dossier devant les tribunaux si l’affaire traine trop. Il y aurait également à dire sur la STEP de Gréoux-les-Bains, ville membre de la Chaîne Thermale du Soleil, troisième station thermale de France (40 000 curistes par ans) et qui ne respecte pas les exigences de qualité des eaux du Verdon approuvée par le Préfet (SAGE Verdon, paramètre NH4 : valeurs neuf fois au-dessus de la valeur maxi en 2019). C’est très dommage. Le Verdon en aval de Gréoux mérite mieux que ça. Mettre des libellules sur un panneau « ville nature », c’est facile… mais sur le long terme je crois qu’il n’est pas très prudent de prendre les curistes pour des idiots. Le thermalisme et le tourisme doivent apprendre à devenir durables en aval de Gréoux-les-Bains.

-Quelques mots sur le Colostre.

Cette rivière fait actuellement l’objet d’un projet de restauration hydromorphologique porté par le Parc Naturel Régional du Verdon. Nous en attendons beaucoup car le Colostre était le poumon halieutique du sud de notre département : cette rivière ne produit pas beaucoup de gros sujets mais elle était très poissonneuse par le passé. En 2019 la Fédé 04 a réalisé une étude pour comprendre le phénomène de concrétions calcaire qui fige le lit de la rivière. 2020 verra la mise en place d’un chantier d’enlèvement des embâcles. Notre aappma conduit un projet de restauration des adoux du Colostre, ces petits affluents où les truites remontent frayer sont au nombre d’une dizaine et ils sont tous en assez mauvais état. En 2020 nous allons commencer par restaurer le ruisseau du Pontet à Saint-Martin-de-Brômes, capitale historique de notre aappma qui par le passé se nommait « La gaule saint-martinoise ». Dans le paysage local, ce village, ses habitants et sa municipalité sont un bonheur pour les pêcheurs comme nous ! Dans ce village au moins tout nos dossiers reçoivent un franc soutien !

-Parlons no-kill maintenant.

Il existe un parcours No-kill sur le Verdon en amont de Gréoux-les-Bains : mis en place par mon prédécesseur et allongé sur sa partie des Alpes-de-Haute-Provence par la suite, il mesure désormais 3400 mètres. Le no-kill n’est pas une solution miracle mais un choix de gestion. Nous avons des suivis assez précis des peuplements sur ce parcours. La biomasse n’a pas beaucoup évolué en revanche nous avons 5 fois plus de poissons dont la taille est supérieure à 30 cm. La pêche y est difficile mais les poissons sont beaux !

Nous travaillons depuis une dizaine d’année sur la problématique gestion patrimoniale et restauration des milieux aquatique, je crois que nous avons jeté des bases qui commencent déjà à porter leurs fruits dans la rivière et dans les mentalités. Nous allons donc poursuivre dans cette direction pour les années à venir.

Nous élaborons depuis quelques temps un autre gros projet qui concerne les lacs artificiels d’Esparron-de-Verdon et de Montpezat-Quinson. La rupture des continuités écologiques fait que depuis un demi-siècle les peuplements salmonicoles ont presque totalement disparu sur ces lacs. La pêche des carnassiers et des poissons blancs y est intéressante mais nous trouvons dommage de ne pas exploiter la zone pélagique et profonde de ces plans d’eau. Nos lacs contiennent suffisamment l’oxygène dissous sur toute la colonne d’eau et la température au fond de ces lacs se situe entre 12 et 14 degrés même en été. Une étude destinée à connaître la richesse en zooplancton est en cours et les premiers résultats semblent indiquer que les peuplements sont satisfaisants. Nous avons donc lancé une réflexion sur l’implantation de salmonidés lacustres (corégone, omble chevalier, truite fario). Nous allons mettre en place un dispositif de pacage lacustre en 2020. Il s’agit de cages immergées où sont introduits des alevins. Les juvéniles sont nourris par le phytoplancton et le zooplancton du lac attiré par un dispositif d’éclairage nocturne. Des salmonidés dans les lacs du Bas-Verdon ?  A suivre !

-Pour finir que dire aux pêcheurs ?

D’abord les convaincre de ne pas se tromper de cible. Le vrai combat à mon sens n’est pas de monter les pêcheurs les uns contre les autres mais de les fédérer afin de construire un message politique audible. Sortons la pêche française de son nombrilisme !  Tout est politique : les problèmes comme les solutions. Restaurer les milieux aquatiques, c’est super… mais cette action est un coup d’épée dans l’eau si elle n’est pas relayée politiquement dans le temps. La temporalité politique est électorale. Elle relève du court et du moyen terme alors qu’une action efficace pour restaurer la biodiversité de ce pays demande de se préoccuper du long terme. Mon constat est un peu amer : nos élus n’ont pas toujours (euphémisme...) une conscience environnementale très développée. Nous devons leur rappeler en permanence que l’eau est un bien commun de la nation. Dans certaines régions les rivières sont un trésor mais chez-moi elle sont plutôt considérée comme une part maudite dont on pense seulement à se protéger… J’ai peur que la mise en œuvre de la nouvelle compétence GEMAPI se fasse surtout au profit de la prévention du risque inondation et au détriment des milieux aquatiques ! A nous d’être vigilants et de montrer la beauté de nos cours d’eau à nos concitoyens afin que les milieux aquatiques soient considérés comme un atout à valoriser. Nous devons apprendre à nos élus et à nos concitoyens que vivre au bord de l’eau c’est vivre heureux.

Le site internet de l'AAPPMA => Verdon Colostre