Comme un bien triste rappel, les fonds actuels des rivières franc-comtoises sont pour la plupart de couleurs noirs. Ceux-ci se sont transformés en quelques semaines. En quelques jours mêmes. Des mortalités parfois non négligeables ont été observées également. C'est le cas sur la Bienne. C'est la rivière la plus pêchée aussi d'où le fait de recevoir un grand nombre de témoignages mais l'Ain à Champagnole n'est pas mieux malheureusement. Les fonds sont complètements colmatés par ces algues filamenteuses brunes/noires. Les cadavres de truites sont régulièrement observés depuis le jour de l'ouverture et même un peu avant à vrai dire.

C'est arrivé vite, très vite. D'après les retours, en quelques jours les gravières de la Bienne se sont tapissés de ces algues qui annoncent la mort. Les photos ci-dessous parlent d'elles-mêmes. Elles ont été prises juste avant le coup d'eau de ce lundi.

Dans les esprits de chacun, après les précipitations hivernales, on ne s'attendait pas vraiment à ça. Il est tombé entre octobre et janvier autour des 900mm d'eau dans le Jura. Les bassins versants de la Bienne et de l'Ain ont été copieusement arrosés. En février, et même si la normale n'a pas été dépassée, c'est encore 80-90mm d'eau supplémentaire. Seule cette première partie de mois de Mars est en déficit en terme de pluie. Les rivières ont donc vu leur niveau baisser. Mais encore une fois, rien de dramatique. Le niveau restait correct. J'ai déjà vu nos rivières plus basses à l'ouverture. Malgré ça, la plus que médiocre qualité de nos eaux est venue nous rappeler à quel point nos rivières survivent sur un fil et qu'à tout moment, la mort peut les submerger.

Ne soyons pas surpris pour autant. Il y a des bonnes volontés un peu partout, mais au final, sur le terrain, mise à part de l'information, qu'est ce qui change en terme de qualité d'eau ? Il y a quelques années, sous la présidence de Charles Varenne, la biennoise avait dénombré près de 130 rejets directs sur 60 kilomètres. Où en sommes-nous aujourd'hui ? De plus, et on ne peut pas le nier, la Bienne possède un immense bassin versant. Les épandages massifs de lisier depuis des semaines ne sont pas pour rien sur la couleur des fonds de la rivière. En 2021 et 22, il y a eu peu ou pas de précipitations durant ces épandages de sortie d'hiver. Pas de fonds noirs. Pas à ce point là. Hasard ? Cette année, pas de grosses pluies, mais régulièrement quelques millimètres ici et là. Assez pour raviner. Là aussi, rien de plus sur ce sujet. On en est à prier qu'il ne pleuve pas lors des épandages, c'est tout.

Encore une fois, je ne jette la pierre à personne. Je suis moi-même président d'AAPPMA depuis 26 ans avec ce résultat plus que négatif en terme de défense de nos rivières. Notre parcours n'a jamais eu aussi peu de poissons. C'est un échec individuel et collectif à tout point de vue.

Mais finalement, quelle autre issue ? Peut-on me lister par exemple sur la Bienne ou l'Ain les communes, les entreprises, les exploitations agricoles et j'en passe qui ont été condamnées pour pollution ? Rien ou presque. Même lorsque les preuves peuvent être accablantes, cela ne va pas au bout. Et le plus souvent, c'est la volonté d'aller en confrontation qui est absente. Du coup, les truites disparaissent...

J'entends le discours comme quoi il ne faut pas aller au charbon contre les collectivités et les élus en place faute de couper le dialogue. Je l'entends depuis 26 ans. Est-ce que ça fonctionne ? Est-ce que nos rivières se portent mieux avec cette politique ? J'ai envie de répondre non et même que c'est de pire en pire. Donc au bout d'un moment, il va peut-être falloir réunir toutes les ressources financières des divers organismes de protection des milieux aquatiques pour faire bouger les choses réellement sans se disperser de partout. Parce qu'on peut mettre en place toutes sortes de choses, réaliser tous les aménagements possibles, faire toutes sortes d'études, si l'eau de la rivière reste pourrie, il n'y aura plus jamais de vie !

https://youtube.com/shorts/ifnqUobO5BU?si=0GTmw3GoaAZdHPgh