Je reçois un invité aujourd'hui venu tout droit d'Angleterre. C'est à l'occasion de la sortie de son livre traduit en français sur l'histoire de la pêche à la nymphe que Terry Lawton à bien voulu répondre à mes questions. Terry est un auteur anglais très connu, il écrit notamment des articles pour la revue flyfishing and flytying magazine, le plus célèbre des magazines outre-manche.


Nicolas : Bonjour Terry, avant de parler de votre livre, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur vous ? Je sais que vous êtes connu en Angleterre, mais peu de gens vous connaissent ici malheureusement.

Terry Lawton : J’ai attrapé mon premier poisson quand j'avais cinq ans  sur la rivière qui coulait dans la ferme où j'ai grandi : j'ai continué à la pêcher pendant les 10 années suivantes. Quand j'étais à l'école, j'ai appris à naviguer en bateau et ça a occupé ma vie pour un temps assez long. Mais j'ai toujours su que je pouvais recommencer la pêche : et c'est ce que j'ai fait il y a de cela 30 ans.  Depuis lors, j'ai pêché à la mouche  la truite, l'ombre et le brochet, en Angleterre, en Ecosse, en Laponie suédoise et seulement un ou deux jours  en France ! J'aimerais passer plus de temps à la pêche en France, en particulier sur les chalkstreams de Normandie.

J'ai pêché le saumon une journée en Écosse, et à l'évidence je ne suis pas un pêcheur de saumon. Oui, je voudrais bien en prendre un, mais si cela n'arrive pas alors cela ne me souciera pas le moins du monde. Je suis un pêcheur de truite un point c'est tout.

Je suis le secrétaire d'un club de pêche à la mouche sur la rivière Wensum dans le comté de Norfolk, à l'est de l’Angleterre. C'est la rivière que j'ai pêché quand j'étais garçon, mais plus en amont et plus près de la source. En plus de faire vivre le club, je m'implique avec beaucoup d'attention à la gestion de la rivière, l'entretien et les travaux de restauration. Et avec un ami et membre de l’association, je passe une demi-journée par mois pour observer la vie des insectes dans la rivière. Cela permet de construire un guide des nymphes, des crevettes et des larves et autres mouches de la rivière pour chaque mois de l’année. C'est un travail passionnant et très enrichissant. En voyant la taille, la forme et les couleurs des différentes espèces cela vous permet de choisir le bon modèle et la taille de nymphes pour les poissons. Comme je monte  mes propres mouches, il m'est très utile de voir les spécimens vivants que je tente de représenter avec du matériel tel que de la queue de faisan ou du dubbing d'oreille de lièvre par exemple.

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Nicolas : Pouvez-nous nous expliquer la réglementation de la pêche en Angleterre ?

 Terry Lawton : Pour ce que vous appelez en France la 2nde catégorie, la règle chez nous est que vous devez avoir un permis de pêche que vous achetez auprès de l’Agence de l’environnement. Cette licence vous permet de pêcher les poissons blancs, comme les chabots, vandoises, les gardons, le brochet et ainsi de suite, et la truite brune dans les rivières et la truite arc- en lacs et eaux calmes. Mais la licence ne vous donne pas l'autorisation ou le droit de pêcher sur une rivière ou un lac équivalent à votre 1ère catégorie. Pour cela, en plus de la licence qui est obligatoire à tout le monde, vous devez avoir l'autorisation du propriétaire de la rivière ou d'un lac ou alors acquérir ce droit de pêche. En fait,  Il y a très peu de parcours salmonidés gratuits en Angleterre. Pour la truite de mer et le saumon, Il existe une licence distincte, plus chère, c'est une pêche très réglementée car ce sont des espèces mieux protégés. Nous avons également des périodes de fermeture pour les poissons blancs et  la truite dans les rivières, même si certains lacs et eaux calmes sont ouverts à la pêche toute l'année . La saison de pêche à la truite varie beaucoup d'une rivière à l'autre avec quelques rivières ouvertes en Mars, d'autres en Avril et certaines  aussi tard que mai. Pour la fermeture cela s'étale de la fin de Septembre  jusqu'au 29 Octobre, qui est le dernier jour légal pour la pêche à la truite dans les rivières anglaises. La pêche de l'ombre commence habituellement à la fin de la saison de la truite jusqu'au 15 mars, qui est le premier jour de la période de fermeture pour les poissons blancs.


Nicolas : Et qu'en est-il des règles spécifiques pour la pêche à la mouche ?

Terry Lawton :C'est une question intéressante car certaines de nos règles remontent à l'époque de Halford ! À l'exception de la pêche en noyée aval dans le nord de l'Angleterre qui est très traditionnelle, il faut reconnaître  que le pêcheur anglais  pêche toujours en amont, en nymphe ou en sèche. Sur certains cours d'eau vous n'êtes pas autorisé à pêcher avec des nymphes : je pense que c'est stupide et très restrictif et particulièrement quand les poissons se nourrissent sous la surface !  Heureusement ces rivières sont en minorité aujourd'hui. Souvent, là où la pêche à la nymphe n'est pas autorisée pendant toute la saison, les clubs le permettent après le milieu de la saison par exemple. Ces restrictions sont C'est surtout vraies pour les chalkstreams et mois sur les autres rivières du pays : vous l'aurez compris, chez nous il vaut mieux pêcher amont si vous voulez être sûr de ne pas prendre une amende !

 

Nicolas : Justement, pouvez-vous nous donner des nouvelles de ces fameux chalksttreams anglais ?

Terry Lawton : L'un des grands problèmes qui affectent les chalkstreams est que trop d'eau est pompée pour la consommation humaine et pour d'autres utilisations (prélèvement dans les aquifères qui alimentent ces rivières célèbres). Les sources de certaines rivières se sont asséchées à cause de cela. Les  affluents de certains cours d'eau sont ce que nous appelons éphémère et ils ne s'écoulent  que lorsque la nappe phréatique dans les sources souterraines est très élevée. Bref, les Chalkstreams ne prospèrent que lorsque les hivers sont humides et que donc beaucoup de pluie s'infiltre  dans les aquifères crayeux. En dépit de ces problèmes ces rivières offrent encore une pêche fantastique. Quiconque connaît les chalkstreams de Normandie sait à quoi s'attendre de l'autre côté de la Manche.

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Nicolas :  Je vois reçois donc sur mon blog pour parler de votre livre "Nymph fishing : a history of the art and practice" qui vient d'être traduit en français. Pouvez-vous nous parler un peu plus de cet ouvrage ? Qu'est-ce qui a pu vous motiver pour réaliser un travail aussi énorme ?

 

Terry Lawton : En plus d'être un sujet qui me passionne, personne d’autre n’avait écrit à ce sujet avant. La Pêche à la nymphe est devenue une partie si importante et fondamentale de la pêche à la mouche. L'un des vrais plaisirs de la recherche et de la rédaction de ce livre - et d'autres que j'ai écrits depuis - a été de trouver les informations au contact de  toutes sortes de personnes dans le monde. Internet a été une aide énorme c'est vrai, mais rien n'a été plus passionnant que mes découvertes à la bibliothèque du Club des pêcheurs à la mouche à Londres, à celle de l'Université de Cambridge, ainsi qu'aux Archives Nationales de Kew, à Londres. 

Cela va vous étonner mais je pense que bon nombre de pêcheurs à la mouche Anglais ne comprennent pas la pêche à la nymphe - pourquoi et quand pêcher avec une nymphe - et qu'ils ont tendance à penser que ce n'est pas efficace. Parce qu'ils pensent que cela ne fonctionne pas, ou c'est  trop difficile pour eux : ils ne pratiquent donc pas ou très peu  la pêche avec des nymphes.

 
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Nicolas :  La préface de ce livre est écrite par Pierre Miramont, un grand nom de la pêche à la mouche en france : comment l'avez-vous connu ? Et que pensez-vous de son travail ?

 

Terry Lawton : En fait, je dois remercier Jérôme Esbelin qui s'est proposé de contacter Pierre Miramont et de lui faire livre l'épreuve traduite. Je ne lis pas plus  le français qu'il ne comprend l'anglais malheureusement, et comme ses livres et articles n'ont pas été traduits, je ne connais cet homme qu'au travers de ce que les quelques français que je côtoie ont pu m'en dire ! A vrai dire, sans la barrière de la langue, j'ai bien l'impression que c'est un homme avec qui je pourrais m’entendre ! A ce qu'on m'a dit c'est un fin observateur de la nature, un esthète aux idées originales et avec une approche très philosophique de la pêche. Je suis très honoré qu'il ait accepté d'écrire quelques lignes pour mon livre.  Je dois aussi remercier jérôme sans qui cette aventure n'aurait pas abouti : il a su me convaincre de traduire ce livre et m'accompagner tout au long, jusqu'à la parution du livre, merci à lui.

 

Nicolas : Plus généralement, pour les moucheurs anglais existe-t-il une pêche à la mouche "française" ? Connaissez-vous les grands noms de la pêche à la mouche ici, comme Henri Bresson ou Aimée Devaux ? Et les mouches  françaises?

 Terry Lawton : Je pense que les pêcheurs à la mouche anglais qui sont intéressés par l'histoire et le développement du sport connaissent les noms d'Aimé Devaux et d'Henri Bresson ,  surtout que pour ce dernier ses fameuses "cul de canard"  sont devenues très populaires ici.  Sinon la grande contribution des pêcheurs à la mouche français est très contemporaine : c'est ce que l'on appelle chez nous " french nymphing " qui a été rendu populaire grâce à la compétition.

 

Nicolas : Pour finir sur le sujet, quelles sont les différences d'approche de la pêche à la mouche entre nos deux pays ?

Terry Lawton :C’est une question difficile et dangereuse ! Je ne suis pas sûr que je connaisse assez bien la pêche à la mouche en France et l'attitude des pêcheurs français pour y répondre. Malgré tout, J'ai l'impression que les  français sont plus ouverts d'esprit et prêts à essayer différentes méthodes et techniques, nous sommes bien plus conservateurs ! ce que j'espère c'est que nous serons tous préoccupés par la protection  de nos ruisseaux et rivières à truites pour que nous puissions  profiter de  la pêche à la mouche encore longtemps, pensons aux générations futures !

 

Nicolas : En plus de ce livre magnifique (et des autres qui ne sont pas encore traduits ! ), on peut vous lire dans la fameuse revue " flyfishing and flytying magazine" : donc, la passion pour la pêche à la mouche et l'écriture sont pour vous indissociables ? 

Terry Lawton : Comme je l'ai dit plus tôt, j’aime les recherches sur l'histoire des différents aspects de la pêche à la mouche. Vous ne savez jamais ce que vous trouverez. Et il est intéressant de lire des livres écrits peut-être il y a 100 ans ou plus et qui fourmillent encore de bons conseils ou de réponses à des problèmes encore actuelles. J'aime tout aussi écrire des articles : la plupart de mes articles pour cette revue sont assez appréciés m'a-t-on dit ... !

 

Nicolas : Merci beaucoup Terry ! 

Terry Lawton : Merci à vous pour l'intérêt porté à mon livre : j'espère que les pêcheurs et pêcheuses à la mouche français apprécieront cette lecture ! C’est un grand plaisir de répondre à vos questions. J’espère qu'un jour, si cela n'est pas déjà fait, vous aurez le loisir de venir pêcher en Angleterre.

Pour finir, le lien pour vous procurez le livre de Terry => L'art de la pêche à la nymphe.

Et un autre pour continuer à suivre l'actualité de Terry => Fly Fishing & Writing