Je ne sais pas chez vous, mais ici, sur la haute rivière d’Ain, il y a une pénurie aggravée de ces petits crustacés. Cela fait 3 ou 4 ans que les gammares ont disparu des radars chez nous. Avant 2015, il m’arrivait de d’observer tous les printemps des belles truites venir se risquer à découvert là où les gammares se rassemblaient pour s’en gaver. Et si sur la basse rivière d’Ain ces scènes sont toujours visibles, ici, c’est terminé. La faute à l’absence quasi-totale de ces bestioles. Même en soulevant ici et là les cailloux sur le fond de la rivière, on en trouve vraiment très peu voir pas du tout. Absolument plus rien à voir avec les quantités que je pouvais observées. Je ne parle pas là du siècle dernier hein, mais bien d'il y a 5 ans.

J’ai des souvenirs bien marqués avec des quantités telles que les truites faisaient un festin durant quelques jours en avril. La pêche en devenait presque facile sur certains secteurs. J’ai vu des truites avec le dos sorti de l’eau pour venir se coller au maximum à la berge pour aspirer les petites crevettes à leur passage. C’était fantastique à voir. Je repérais les poissons par les vagues que provoquait leur repas en cours. De toutes évidences, cet apport de nourriture incroyable doit terriblement manquer aux truites aujourd’hui. Cela a changé leurs habitudes également. Si les gammares ont disparu, je pense qu’ils ne sont pas les seuls à subir les conséquences de la mauvaise qualité de l’eau. Car je ne vois pas une autre raison de leur disparition puisque une fois les barrages en aval passés, on retrouve les gammares en nombre dans la même rivière.

D’ailleurs, si on a un peu de mémoire et qu’on observe les poissons, on peut très vite se rendre compte que les truites font bien plus d’efforts aujourd’hui pour se nourrir qu’il y a quelques années. Elles sont tout le temps en mouvement et mangent à des fréquences bien plus espacées lors de leurs déplacements. En tous les cas, c’est évident pour moi. Mise à part quelques spécimens bien gras, les truites dans leur majorité sont déficitaires en poids. J’ai cette terrible impression qu’elles ne mangent pas à leur faim. Après, ce n'est que le résultat d'observations d'un pêcheur, rien de scientifique.

J’ai un exemple concret pour vous faire mieux comprendre mon ressenti. Lundi dernier, alors que j’étais en affût sur la berge dans l’attente d’une truite, un ombre est passé devant moi. Il avait un barbillon abîmé côté droit qui le rendait facilement reconnaissable. J’avais vu ce poisson quelques minutes avant 80 mètres plus en amont. Bref, rien d’anormal (si ce n’est le barbillon abîmé !). Je le voyais perdre une énergie folle à chercher sa pitance sans trouver grand chose au final. Comme je ne voyais aucune truite et qu’il est passé plusieurs fois devant moi, j’ai voulu m’amuser en lui faisant prendre ma nymphe sans le ferrer bien entendu. Juste pour voir s'il allait la prendre. Même avec le recul, j’ai du mal à croire ce que j’ai vécu ensuite ! Ce poisson, qui devait faire 32-33cm, a pris ma nymphe 16 fois de suite avant de la refuser ! 16 fois la même nymphe, 16 fois en tirant le fil et en sentant la résistance ! Pas juste du bout des lèvres, non, à chaque fois en insistant et en tirant le fil. Il a parfois garder la nymphe en bouche 3-4 secondes avant de la recracher. La première fois que j’ai testé le truc, il a pris le gammare 2 fois à la descente, et il est revenu le prendre au fond ! Je veux bien que le gammare JFD soit une imitation super efficace, mais là faut pas abuser, ce poisson devait crever de faim pour insister de la sorte ! Je n’ai jamais vu ça de ma vie de pêcheur sur l’Ain. 16 fois !

Et puis, là où j’ai pris vraiment une claque, c’est lors de ma sortie sur la Loue, le contraste est effrayant. J’ai compris pourquoi je n'avais pris qu’une seule truite en sèche à ce jour sur ma rivière…Les mouches sur l’eau ! Il n'y en a plus ici ! Pourtant, j’ai passé du temps à la rivière cette année, vraiment beaucoup. Mais je n’ai pas vu une seule belle éclosion de petites olives. Rien. On ne peut pas avoir de gobage comme ça, forcément.

Alors je ne sais pas comment se débrouillent les truites, mais elles doivent avoir de sacrées carences qui je l’espère, sont compensées en parties autrement, mais j’avoue ne pas savoir comment...

Photo d'illustration (2015).