Pas facile de prendre du temps en ce moment de mon côté mais j’ai néanmoins réussi à faire une petite sortie en semaine avant l’arrivée de l’hiver annoncée pour ce week-end. L’histoire de ce poisson est toute nouvelle pour moi, quelque chose que je n’avais encore jamais vécu malgré mes années passées au bord de l’eau.

La journée avait plutôt mal commencée d’ailleurs.  Alors que je venais tout juste  de sortir de la voiture, au premier coup à pêcher, j’ai vu une très belle truite qui boulottait contre la berge sous moi. Suite au lancer arbalète et à l’animation qui a suivi, la truite s’est décalée à la façon d’un juvénile complètement affamé ! Le ferrage fut bon, mais pas la gestion du combat. Je n’ai pas su empêcher cette dame zébrée d’aller trouver refuge sous la racine la plus proche pour casser le fil de ma pointe.  Mes yeux qui étaient encore tout collés du réveil matinal ont eu tôt fait de s’ouvrir entièrement suite à ce démarrage en trombe.  Une centaine de mètres plus loin et quelques minutes de marche, deux nouveaux poissons en maraude, mais le temps de les repérer, que deux pêcheurs aux leurres sont sortis des buis à trente mètres de moi.  Je ne voulais pas bouger de peur de faire fuir mes truites qui étaient collées contre la bordure. Mais je ne suis pas resté, car de voir les deux pêcheurs rentrant au milieu de la rivière dès le petit matin et ainsi « casser » la bordure m’a mis le bourdon.  Chacun fait ce qu’il veut après tout, pas de soucis pour moi, mais ma vision de la pêche tôt le matin est différente.  Elle se veut faite de calme et d’observations dans l’espoir de voir un vieux poisson un peu retard de sa sortie nocturne.  Bref, la rivière est grande, je suis allé ailleurs.

Après quelques hésitations, j’ai finalement trouvé un secteur très joli avec cinq ou six truites de vues sur deux cent mètres de rivière. J’en ferai trois à vue, des poissons entre 40 et 45 centimètres. J’étais déjà très heureux de ma journée finalement, car les conditions étaient toujours aussi compliquées avec une eau glaciale ! Sur les coups de midi, j’avais dans l’idée de trouver une gravière où potentiellement je pouvais trouver un gobage afin de prendre ma première belle truite en sèche de la saison.  J’ai attendu pas loin de deux heures avec, il est vrai, la compagnie d’un fort sympathique pêcheur de Haute-Savoie. Pas un rond, rien, aucune activité malgré les petites grises qui perçaient la surface de l’eau régulièrement.  J’étais très déçu car j’y croyais vraiment très fort. On s’est séparé avec mon camarade d’un instant et je suis revenu sur mes pas pendant que lui a continué sa progression vers l’amont.  Après cinq minutes de marche, j’ai aperçu deux pêcheurs à la mouche, ne voulant pas les gêner, je suis passé à une bonne dizaine de mètres tout en les saluant par politesse.  L’un deux m’a interpellé :

-Vous êtes monsieur Germain ?

-Oui, c’est bien moi.

Je me suis donc approché et nous avons fait connaissance avec le premier pêcheur. Le second pêchait activement un gobage.

-Et bien, vous avez de la chance d’avoir trouvé un gobage ! Elle à l’air très belle en plus.

-Ce poisson gobe depuis plusieurs jours, mais il est situé trop loin, et avec ce débit, difficile d’approcher.

C’est vrai que le coup était on ne peut plus compliqué. Le gobage se trouvait à 50 centimètres de la berge opposée.  La profondeur de l’eau était importante ainsi que le débit. De plus, un sérieux vent de travers venait alourdir la tache du pêcheur pour déployer correctement son bas de ligne.  Nous avons regardé ensemble les multiples tentatives du pêcheur en action qui sont restées sans suite. Pas une fois la mouche n’a pu atteindre son but.  Mes deux nouveaux compagnons m’ont alors très sympathiquement proposé de tenter ma chance. J’avoue que sur le coup, j’étais sûr de moi. Et puis, c’est là que l’on se rend vite compte que c’est plus facile de loin…Une fois en place, une fois que c’était à moi de jouer, j’ai fais la même chose, je n’arrivais pas à atteindre ce maudit gobage ! Plus de 20 minutes  à tenter ma chance en vain !  Mes jambes ne tenaient plus dans le bouillon, j’ai abandonné ! Le deuxième pêcheur à alors pris le relai, mais sur une courte durée, il a vite compris que ça allait être compliqué.

Après ce nouvel échec, j’ai voulu retenter ma chance, il suffisait de passer une fois, une seule fois ! Le gobage donnait la motivation nécessaire, quel remoud !  Une petite passe-partout de ma fabrication attachée à une pointe en 16 centièmes et je suis de nouveau allé au charbon. J’ai progressé dans l’eau très lentement pour essayer de gagner ce mètre qui manquait, les cailloux roulaient sous mes pas, difficile de trouver la stabilité. Mon embonpoint m’a sûrement aidé sur ce coup là ;-) . C’est ce vent qui compliquait les choses, il fouettait la surface de l’eau plein travers, une vraie galère à lancer correctement. J’ai donc tenté à plusieurs reprises un lancer au ras de l’eau avec double traction et un gros shoot pour propulser la mouche au paradis ! Après une bonne vingtaine de lancers supplémentaires, le bas de ligne s’est déroulé comme il le fallait pour que la mouche arrive en terre promise.  Mes deux camarades derrière moi n’avaient aucun doute, dès le poser de la mouche, ils savaient que c’était le bon et me l’on fait savoir.

Malgré 17-18 mètres de distance, on voyait bien la mouche qui dérivait lentement, on l’a également bien vu se faire aspirer par cette grosse gueule qui venait de soulever une petite masse d’eau pour glouglouter sa pitance. Ferrage dans le bon tempo bien appuyé. La truite a de suite sondé le fond et j’avoue qu’avec cette distance de soie dehors, j’ai eu des difficultés à prendre le contrôle du combat.  Une fois sortie de la fosse, j’avais fait le plus dur, la truite avait elle aussi donné ce qu’elle avait de plus fort, l’issue ne faisait plus de doute, j’allais sortir vainqueur. La mise à l’épuisette ne fut qu’une simple formalité. Nous avons pu admirer tous les trois ce poisson qui dépassait les 55 centimètres.  Une robe magnifique pour un poisson en pleine forme. Une joie particulière aussi puisque partagée avec deux pêcheurs qui une heure avant le ferrage étaient de total inconnus pour moi.  Quel plaisir ! Je garderai de ce poisson cette scène fantastique. Merci messieurs pour ce superbe cadeau. Au plaisir de recroiser votre route.


Sympa pour une première en sèche.

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