Les saisons se suivent mais ne se ressemblent pas…On vit même un début de saison assez conforme à la normale en fin de compte. De bonnes quantités de neige, une pluviométrie bien présente, des températures toujours fraiches. La rivière est depuis le 09 mars toujours bien remplie d’eau. Un débit soutenu, parfois même proche de la crue, fait que la pêche en nymphe à vue est plus que problématique mise à part quelques rares journées.

Mais si l’on regarde un peu en arrière, il n’y a pas à crier au scandale. Lorsque j’ai débuté la pêche au milieu des années 80, on commençait à pêcher à vue à la fin mai, voir au mois de Juin. On passait le printemps à ratafouiller les courants avec André entre deux sorties au vairon manié.Le niveau de la rivière d’Ain était encore plus soutenu en particulier sur la durée. Les crues étaient monnaie courante au mois de mars comme en avril. Je vois encore les vieux pêcheurs pêcher au cordonnet avec leurs gros vers tête noire. Là, ça ne faisait pas semblant. Jamais on n’aurait pu pêcher sans waders dès le mois de mai comme on le fait ces dernières saisons avec une température dans l'eau plus que clémente. L’eau restait glacée de longs mois. L’activité des truites étaient toute autre à cette époque. Les truites se sont adaptées au fil du temps aux modifications de leur habitat. 

Mais ces dernières années, on s’est vite habitué à pêcher à vue dès l’ouverture, les niveaux étant en moyenne beaucoup plus bas, l’eau étant beaucoup plus chaude. C’est là que ça fait flipper, parce que si ça évolue de la même manière sur les prochaines décennies, la rivière n’a pas finie de souffrir et les truites avec...

Suite à ce rapide aparté sur l’évolution de la rivière, j’en viens à l’histoire de ma truite. Oui, LA truite ! Car depuis le 09 mars, je n’avais encore pas eu le plaisir de mettre une zébrée de ma rivière dans l’épuisette. Comme je l’ai dis plus haut, les fenêtres pour pêcher à vue ont été rares et bien souvent je n’ai pas pu m’y rendre.

Ce ne fût par le cas lors d’une matinée la semaine dernière. Arrivé à la rivière vers 8h30 du matin, j’avais une grosse heure devant moi, autant dire que je n’avais pas trop le droit de tergiverser. Je connaissais au caillou près le parcours que j'avais choisi et observais les moindres recoins.Après un échec sur un poisson que j’ai vu trop facile, j’ai repéré le manège d’une truite sur un coup où j’en prend quelques unes tous les ans. La truite n’est pas énorme, mais elle se nourrie, chose que je n’avais pas encore pu voir de l’année ! Le poisson, bien en forme, longe un fond de petits galets en limite d’une minuscule plage de sable. Avec un déplacement digne d’une tortue, elle pioche sur le sable pour engloutir les gammares qui s’y trouvent. Chez nous, les quantités n’ont à rien à voir avec les secteurs de la Basse rivière d’Ain où s’agglutinent ces crustacés, c’est pourquoi les truites sont obligées de se déplacer. Et ma truite le fait vraiment lentement, l’eau est assez claire pour que je la voie bien regarder malicieusement chaque parcelle de sable. Elle ne laissera pas un gammare. Le coup parait très facile et avec les années qui passent, je prend le temps d’observer avant de l'attaquer. Je la laisse passer à côté de moi alors que je suis au sec sur la berge bien camouflé. Elle me passe à tout juste un mètre, c’est plutôt sympa .

Elle finit par redescendre en passant plus au large et recommence le même manège. Il lui reste trois mètres à monter avant d’être de nouveau devant moi. Je prends le temps de mettre au bout de mon 14 centièmes une nymphe JFD en taille 14 également.Je suis près, gammare dans la main gauche et truite dans le champ visuel. C’est le coup parfait pour commencer car très facile, trop justement, donc il faut maintenir un minimum de concentration malgré tout.

La truite est là, ma main gauche fait plier la canne jusqu’à ce que je lâche mon gammare. Il perce la surface de l’eau sans alerter la truite qui continu à manger tranquillement. La nymphe coule mais la truite ne réagit pas…Je décide donc d’animer assez fermement mon imitation ce qui déclenche la curiosité de la truite. Elle se déplace en direction de mon gammare sur le côté de façon à ce que je ne vois pas sa gueule.Comme quoi, un coup facile au départ devient tout de suite plus compliqué. J’ai l’impression que le poisson stoppe son déplacement, je décide donc de ferrer sans avoir pu voir un mouvement de gueule.La truite réagit de suite avec une grande vigueur ,signe d’un poisson en pleine forme et surtout qu'elle est au bout ! Vu que c’est loin d’être le poisson d’une vie, le combat sera assez vite abrégé. Je suis vraiment content, le premier poisson reste un des souvenirs de la saison quoiqu’on en dise.Même après 27 ans , j’ai toujours le même plaisir à ce moment précis.

Il me reste à l’admirer quelques secondes dans l’épuisette sans la sortir de l’eau, à prendre une petite photo souvenir et à la relâcher.

Les températures vont bientôt remonter maintenant, la suite n’en sera que meilleure…

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