Voilà un article que je voulais faire depuis longtemps. Malheureusement, je n'avais pas les connaissances nécessaires. Mais j'ai dans mon entourage des personnes qui maitrisent le dossier parfaitement. Voici un point complet et précis sur cet oiseau que nous avons tous croisé un jour au bord de l'eau. Bonne lecture et n'hésitez pas à partager autour de vous. Merci.

Nicolas : Pour les personnes qui n’ont jamais croisé ce volatile, pouvez-vous nous le décrire ?

PPVA : De la taille d'un Colvert, les mâles sont blancs avec la tête noire, et les femelles grises avec la tête rousse. Les premiers sont très visibles, contrairement aux secondes qui passent souvent inaperçues.

Cette forte ressemblance (pour les non-initiés !) avec le Colvert combinée à l’extrême discrétion des femelles ont permis à cette espèce de coloniser nos rivières sans attirer l’attention.

Son impressionnante dentition et son bec crochu lui permettent de capturer entre 300 et 700 grammes par jour de poissons de 3 à 40cm, mais aussi reptiles et autres batraciens :

Nicolas : Est-ce que cet oiseau est une espèce autochtone ? Selon la réponse, comment le harle est-il arrivé dans nos régions ?

PPVA : Non, contrairement à une idée mensongère et fausse véhiculée par certains pseudos écolos, cette espèce n'est en rien autochtone, pour preuve cette étude menée par l’INRA, le CNRS et le muséum d’histoire naturelle :

«Les données paléontologiques et archéozoologiques permettent d'avancer que le Harle bièvre ne s'est pas reproduit en France pendant l'Holocène. Allochtone de France, il a colonisé une importante fraction de l'est du pays au cours de la seconde moitié du 20ème siècle. Piscivore, l'impact de ses populations sur ses nouveaux écosystèmes d'accueil n'a pas fait l'objet d'études en France.»

Etude citée à lire ICI.

On sait donc qu'elle ne s'est pas reproduite en France depuis au moins 11000 ans, a été clairement classée comme « allochtone d’apparition récente » par ces chercheurs, dont les travaux sont utilisés dans toutes les fiches descriptives des espèces animales de France. On nous dit également souvent qu’il serait un « migrateur », et ce depuis toujours : On se demande alors pourquoi aucun ancien dans le Jura ou dans l’Ain ne se souvient d’eux, et surtout pourquoi la LPO aurait « introduit » une espèce migratrice dans les lacs alpins (un migrateur ne s’introduit pas !), tout en leur créant des nichoirs, comme indiqué dans ce bulletin de l’association datant de 1985 :

« Sur les conseils de P. GÉROUDET, nous mettons à profit l'arrière-saison pour installer une dizaine de nichoirs et lâcher quelques jeunes issus de nids lémaniques. En 1975, un immature lâché l'année précédente est complètement domestiqué et fréquente les canaux du centre-ville. Le2 mai, deux couples sont présents sur le lac et le 6 juin j'observe une femelle avec deux poussins d'à peine 15 jours. C'est la première preuve de nidification sur le lac d'Annecy »

Bulletin cité à lire ICI.

D’ailleurs, la LPO continue aujourd'hui de leur créer des nichoirs, quand ce ne sont pas certaines communautés de commune, comme celle d’Alby-sur-Chéran, qui le font. Ces preuves factuelles et facilement vérifiables de leur caractère allochtone et des introductions dont il a bénéficié ont tendance à rendre fou de rage les défenseurs de cette espèce. Malheureusement pour eux, les faits sont les faits : le Harle n’est pas la Loutre, le Héron Cendré ou le Martin Pêcheur, que nous devons protéger, c’est une espèce allochtone qui, en plus de perturber des équilibres déjà fragiles, rentre directement en concurrence avec nos véritables espèces autochtones emblématiques citées précédemment.

Nicolas : Que peut-on dire sur ses populations actuelles et leurs évolutions ?

PPVA : Si l’on prend les derniers recensements de la LPO dans le département de l’Ain, il y aurait une 30aine d’oiseaux sur le bassin versant de l’Ain : J’espère que les gens qui habitent dans notre département et lisent ce chiffre ne sont pas en train de s’étouffer, car il y a de quoi… Il suffit pour cela de trainer sur notre secteur en février/mars, lorsque la végétation n’a pas trop démarré et que la visibilité est bonne: impossible de faire quelques dizaines de mètres de rivière ou de s’arrêter sur un pont sans en croiser plusieurs, des groupes souvent composés de 5 à 10 individus, et c’est comme ça sur les 50km de basse rivière d’Ain, mais aussi sur quasiment tous les affluents ... Dans la foulée, au début du printemps, les femelles donnent naissance à des couvées de 8 à 12 canetons, qui ont éclot dans un nid situé à plusieurs mètres de haut bien à l'abri de tout prédateur potentiel :

Vidéo d'un nid de harle à voir ICI.

Pour compléter le tableau de son incroyable capacité de prolifération, en cas de décès de leur mère, les canetons orphelins vont quasi systématiquement être adoptés par une autre femelle :

Les taux de survie sont donc énormes : 80-90% des juvéniles arrivent à l'age adulte. Une fois la rivière atteinte, ils n'ont une fois de plus aucun prédateur connu :

 Ils sont également beaucoup moins farouches que les Cormorans, et n’hésiteront pas à fréquenter le centre des villages ou des villes.

Une autre grosse différence avec le Cormoran : ses capacités d’envol, pour un canard plongeur, sont remarquables : il n’a pas besoin de beaucoup de place pour atterrir ou décoller, et fréquente donc des secteurs plus petits et boisés que les Cormorans. Cerise sur le gâteau, son espérance de vie est de plus de 10 ans, l’une des plus importantes chez les canards. Ce sont tous ces facteurs cumulés qui en font un véritable désastre pour nos poissons, et encore plus pour les autres espèces piscivores autochtones, beaucoup moins prolifiques ou habiles.

Nicolas : A-t-on une idée de l’impact du Harle sur les populations piscicoles de nos rivières à truites et peut-être plus globalement sur la ressource en poisson en générale ?

PPVA : En théorie, c'est un canard qui préfère les lacs aux eaux claires, riches en cyprinidés. Enfin, ça, c'est la belle théorie des fiches descriptives de l'espèce. Dans les faits, ils sont bien plus présents sur les rivières salmonicoles que sur nos lacs, l'exemple le plus criant est leur absence quasi totale de l'ensemble des grandes gravières de l'Ain, pourtant riches en cyprinidés et aux eaux cristallines. Par contre, impossible de ne pas les croiser sur l’Ain et surtout sur nos plus petits affluents, où la seule espèce présente est souvent la truite Fario. Là, toutes les AAPPMA qui ont des Harles sur leurs baux connaissent la suite: un nettoyage en bonne et due forme de toutes les classes d'âge de poissons, de 3 à 40cm. Ce qui ne vous laisse, en pêche scientifique, que quelques truitelles de l'année et autres gros poissons de plus de 40cm pour constater les dégâts.

Idem d’un point de vue halieutique, où les parcours fréquentés par les Harles ont perdu presque tout intérêt pour nos pêcheurs : c’est un véritable désastre, aussi bien biologique qu’économique.

Les études disponibles sont limitées : La seule étude francophone a été commandée par le canton de Genève en 2016, mais n’a (étonnement !) jamais été publiée par les autorités suisses : On ne vexe pas un électorat d’écolo-citadins pro Harle et Cormoran.

Pour le reste, les britanniques ont quelques années d’avance, et estiment entre 50 et 98% de prélèvement par les Harles : plus la rivière est salmonicole, et plus les prélèvements semblent importants (98% des smolts consommés sur certaines rivières !). Ils commencent d’ailleurs à les réguler :

« Harle bièvre : Comme les cormorans, les harles bièvres sont des prédateurs opportunistes qui se regroupent souvent en grand nombre pour tirer parti des fortes densités de proies. La prédation sur les poissons par les harles a été moins étudiée que la prédation par les cormorans, ce qui pose des difficultés pour définir les impacts sur les populations de poissons. Les harles sont perçus comme un problème pour les parcours de pêche sportive, en particulier dans les rivières à salmonidés. Leur régime alimentaire a montré que les salmonidés juvéniles sont un élément important de ce régime dans certaines parties de l'aire de répartition de l'oiseau. Les smolts, par exemple, seraient les cibles privilégiées des harles. Sur certaines rivières, comme la Tweed en Écosse, la prédation par le harle lors de la dévalaison des saumoneaux est citée comme un facteur clé, facteur affectant la valeur économique de la pêche touristique du saumon. »

Articles dont sont issus ces textes à lire ICI et ICI.

« Il y a trente ans, il n'y avait aucun harle sur le Wye. Selon l'enquête du MAFF de 1999, jusqu'à 98% des tacons de saumon produits dans l'Upper Wye sont consommés par ces derniers »

Article à lire ICI.

Nicolas : Nous sommes d'accord pour dire que c'est la qualité de l'eau qui est à l'origine de la baisse des effectifs, mais de toutes évidences, on ne peut pas dire que les prélèvements des harles bièvres soient négligeables pour autant ?

PPVA : Nous ne sommes pas d’accord avec ce constat « globalisateur »: Il est trop facile de mettre toutes les rivières dans le même panier: Oui, bon nombre d’entre elles se dégradent, mais certaines, notamment dans l’Ain, passent (pour l’instant) les années et les différentes sécheresses sans aucun souci thermique ou oxymétrique : Le haut Veyron sur notre parcours, mais aussi la Valserine, le Furans, les contre-canaux du Rhône ou encore la moyenne Albarine (Torcieu) n’ont aucune raison de voir leurs populations de poissons s’effondrer de la sorte : Les eaux restent relativement abondantes, fraiches et oxygénées tout l’été, et la nourriture ne manque pas. Pour vous donner un ordre d’idée, l’état écologique de ces rivières est bien meilleure que celui de vos rivières jurassiennes.  Mais sur ces différents parcours, les populations de poissons ont commencé à décliner proportionnellement à l’apparition et surtout la nidification du Harle Bièvre: Lorsqu’on a vu un groupe de Harle prendre toute la largeur d’un petit cours d’eau et nettoyer de façon systématique chaque cache ou galet de ses habitants, on ne peut pas s’étonner de se retrouver face à de véritables déserts piscicoles. Et ce n’est pas parce que la majorité des rivières se dégradent que nous devons accepter sa présence en nous disant simplement « ben de toute façon, c’est tout pollué ! ». Non, les dernières populations viables de poissons d’eau douce, et notamment les espèces en difficultés comme les salmonidés, doivent être préservées coute que coute, quitte à devoir dénoncer la présence d’un oiseau qui n’apporte aucune plus-value à la biodiversité de nos cours d’eau : le jour où toutes nos espèces piscivores autochtones seront en bonne santé, et notamment la Loutre, là , nous pourrons nous dire « il y a de la place pour un nouvel arrivant », d’ici là, nous devons combattre toutes les espèces invasives comme le Harle.

Nicolas : Pour mieux comprendre l’efficacité terrible de cet oiseau, quels sont ses modes de chasse, qu'est-il capable de faire ou de ne pas faire ?

PPVA : Il faut d’abord se rappeler d’une chose : c’est un oiseau originellement inféodé aux milieux marins et côtiers : Dès lors, sa morphologie est faite pour lutter contre les plus puissants courants, et pourchasser des poissons marins bien plus rapides et endurants que n’importe quel poisson d’eau douce. L’une de leurs techniques favorites pour chasser des poissons grégaires vivant en banc est de taper des ailes et nager très rapidement en zigzag en surface afin de séparer les poissons, puis plonger pour attraper les proies isolées. Une vidéo permet de visualiser cette chasse très particulière et surtout prendre conscience de leurs capacités physiques hors-norme : la taille du poisson engloutit en quelques instant est tout aussi impressionnante que leurs performances physiques :

En plongée, durant des chasses plus « classiques » en lac ou dans plusieurs mètres d’eau, il a les mêmes aptitudes qu’un Cormoran :

L’une de ses autres caractéristiques uniques est sa capacité à chasser dans quelques centimètres d’eau, uniquement la tête sous l’eau, en marchant ou nageant, comme un canard de surface qui cherche des végétaux :

Autre problème de taille, une femelle et sa dizaine de petits se mettent systématiquement en ligne pour chasser en cherchant dans toutes les caches et interstices. Leur efficacité , du plus petit ruisseau à la plus grande rivière n'a aucun équivalent chez les prédateurs piscivores.

Nicolas : Le fait que cet oiseau ne soit pas autochtone et qu’il n’ait pas de prédateur est donc un véritable problème : Quelles sont alors les solutions ?

PPVA : Il n’y a qu’une seule solution envisageable : obtenir des autorisations de tir, que ce soit avec certaines dérogations comme pour le Cormoran ou, dans l’idéal, obtenir son classement en tant que nuisible (car allochtone), au même titre que la Bernache du Canada par exemple. Pour rappel, cette dernière a longtemps été inscrite sur la liste des espèces protégées, bien qu’allochtone comme le Harle, et ce n’est qu’en 2009 qu’un arrêté ministériel a permis de la sortir de cette liste, puis, en avril 2012 de l’inscrire sur la liste des espèces classées nuisibles. Que ce soit de la régulation(Cormoran) ou de la destruction (Bernache du Canada), on peut faire bouger le ministère de l’environnement et la réglementation concernant les oiseaux, avec de la volonté et un argumentaire fort.

Pour en arriver là, nous devons être organisés, et jouer du poids de notre réseau. Pour les « simples » pêcheurs qui croisent régulièrement ces oiseaux : faites des photos ou vidéos, notamment lorsque vous les voyez sur de nouveaux secteurs. Remontez ces photos et informations à l’AAPPMA concernée, et n’hésitez pas à publier sur les réseaux sociaux :

Pour les AAPPMA, il y a un peu plus de boulot : Faire un maximum de photos et vidéos, essayez de communiquer dans la presse locale, où notre réseau est souvent très apprécié, comme l’a fait par exemple l’AAPPMA de Bellegarde sur Valserine : Article à lire ICI.

Sur les réseaux sociaux aussi, partager les articles et autres publications sur cet oiseau. Les AAPPMA doivent également remonter ce problème à leurs fédérations départementales respectives par mail ou courrier avec AR, mais aussi sous forme de vœux à leurs assemblées générales de la fédération. Les fédérations départementales de pêche doivent quant à elle prendre conscience de l’enjeu et, si possible :

Présenter l’espèce durant leur assemblée générale, ou de nombreux acteurs politiques ou institutionnels sont présents, afin de les sensibiliser sur le sujet. Nous souhaitons d’ailleurs rappeler que suite à l’AG de la fédération de pêche de l’Ain, le conseil départemental de l’Ain a officiellement écrit au ministère de l’environnement pour connaitre les modalités réglementaires envisageables afin de pouvoir réguler cette espèce. C’est à notre connaissance la 1iere demande officielle formulée par un département au ministère. Il est important de noter que dans l’Ain, notre conseil départemental a toujours soutenu ses pêcheurs, et nous les en remercions.

Contacter officiellement la FNPF pour lui demander sa position, et qu’elle intervienne également auprès du ministère pour discuter des mesures envisageables.

Nous devons tous ensemble lutter contre la méconnaissance des pêcheurs et plus généralement du grand public autour de cette espèce. Informer sur son caractère allochtone et sur les introductions et autres nichoirs dont il a bénéficié. Formuler par le biais de nos différentes structures des demandes officielles de régulation ou reclassifications de l'espèce.