Voici une histoire pas comme les autres qui débute au mois de Juin de l’année 2018. Dans les premiers jours de ce mois qui est souvent donné comme un des meilleurs pour la pêche à la mouche des truites sauvages, j’ai capturé un poisson en nymphe à vue. Rien d'extraordinaire me direz-vous. Cette truite qui devait tourner autour des quarante centimètres est venue aspirer ma nymphe cuivre. Ce poisson était reconnaissable de tous les autres. La truite avait derrière la tête une blessure très récente et assez conséquente. De plus, malgré une taille déjà convenable, elle arborait de nombreux points rouges. C’est chose peu commune chez nous car cela est plutôt réservé aux juvéniles. Quoi qu’il en soit, tous ces signes distinctifs ont fait que je me suis souvenu de ce poisson très précisément. Je craignais aussi pour sa survie avec cette vilaine blessure qui, de ce que j'en pensais sur le moment, avait toutes les chances de s’infecter.

Pensez-vous, dame nature fait si bien les choses ! J’ai pu le vérifier par moi-même en capturant de nouveau ce poisson à la fin du même mois de Juin 2018. cette truite était au même endroit à deux mètres près. J'ai ainsi pu constater que la cicatrice était bien résorbée. Une bonne chose pour la suite de la vie de ce poisson.

Au mois de Mai 2019, je suis de nouveau tombé sur ce poisson sans le chercher, mais voilà, et ce malgré des populations en baisse constante, je reste et resterai un pêcheur. Il fallait regarder de près pour retrouver la cicatrice mais elle était visible pour celui qui avait connu ce poisson avant ce jour-là. C’est plus facilement avec la couleur de ses points et leur emplacement que j’étais certain d’avoir pris le même poisson pour la troisième fois. Des truites de cette taille à points rouges, ça ne court pas les radiers chez nous ! J'ai bien entendu, malgré un souvenir photographique, pris un grand soin de ce poisson sans jamais le sortir de l'eau.

2020 est passé et je vous avoue que ce poisson est passé aux oubliettes. Je ne suis pas tombé dessus et pourtant, j’ai pêché comme les autres années le secteur où il vit.

C’est en avril 2021, en compagnie de ma grande fille, que j’ai renoué le contact. Et en sèche s’il vous plait ! Aucun doute possible, c’était ma copine aux points rouges. Et comme si cela ne suffisait pas, j’ai capturé une cinquième fois en trois ans cette truite en nymphe à vue avec un gammare JFD-14. Cela est arrivé deux mois après en Juillet. Juste incroyable !

Cette truite, je l’ai capturé quatre fois exactement au même endroit à 5 mètres près et une fois quatre-vingt mètres en amont (la capture en sèche avec un niveau de rivière plus haut). Elle vit dans un secteur bien précis depuis 2018 sans jamais en bouger. Peut-être en 2020 du coup comme je ne l’ai pas vu ? Ou cette année-là, elle a peut-être été capturée avant moi par un autre pêcheur ? Le mystère demeure pour 2020.

Le bon côté de ces multiples rencontres, c’est que je me rassure dans le fait de remettre mes poissons à l’eau dans les meilleurs conditions. Sans manipulation, sans jamais les sortir de l'eau en les tenant à pleine main, pas d'apnée inutile et néfaste à la survie du poisson. Cette truite vit bien, elle grandit (autour des 55cm cette année), se nourrit malgré les captures à répétition. C'est parfait. Et puis il y a le côté un peu plus sombre. Quand on commence à prendre le même poisson aussi souvent, c’est qu’il ne doit pas en avoir beaucoup autour malheureusement. C’est même certain. La densité devient si faible que ces rencontres multi-captures deviennent la norme.

Je ne sais pas si nous nous recroiserons. Cela me semble compliqué car elle va sans doute grandir encore un peu. Cette truite va donc commencer à être à l’étroit là où elle vit. L’avenir nous le dira. C’est qui est sûr, c’est qu’elle a passé la taille « casse-croûte » pour les harles et autres cormorans…Sans compter les gros brochets qui rodent dans son espace de vie (j'ai vu en fin de saison un 80 sous sa racine !). Elle a fait le plus dur en les évitant toutes ces dernières années. Une vraie guerrière.

Belle et longue vie ma belle aux points rouges !