La Sirène est une magnifique petite rivière jurassienne que je vois chaque jour en allant au boulot. Enfin, lorsque l'eau coule encore...Car cette année, comme un peu partout dans le Jura, la Sirène s'est asséchée. Simon, un jeune de notre club mouche vit près de ce cours d'eau. Avec l'aide de son papa, il a réalisé un article que je vous fais découvrir ci-dessous. Merci encore pour ce partage messieurs.

La Sirène prend sa source sur la commune de Bonlieu et se jette dans le Drouvenant sur la commune de Vertamboz. Ce cours d’eau d’une quinzaine de kilomètres est d’importance car le seul, avec le Rhonay, s’écoulant sur le plateau de Denezières et Uxelles. Au milieu du parcours, la Sirène présente un canyon remarquable en descendant le revers du plateau qui mène au moulin de Combaud sur la commune de Charcier. C’est un site exceptionnel pour la pêche à la truite.

Le Drouvenant et ses affluents, dont la Sirène, sont considérés comme « Réservoirs biologique » par l’agence de l’eau depuis 2013. La Sirène abrite des espaces ou des espèces d’intérêt communautaire Cette rivière a été classé « Bon Etat Ecologique et Bon Etat Chimique » en 2015 par l’agence de l’eau.

Cet été et cet automne jusqu’en novembre, en continu et sur une très longue période, la Sirène a connu un étiage important. Cet événement est exceptionnel autant par sa rareté que par sa durée, longue de plusieurs mois. En effet, le niveau de l’eau a drastiquement baissé à de nombreux endroits. Partout, la rivière atteint un seuil critique. Au lieu-dit « les Chaudières » en amont de Pellier, dans le canyon, la rivière a disparu. Le canyon, sans doute pour la première fois, est vide d’eau.

Ces événements sont dus aux très faibles précipitations depuis fin Mai. Malgré un début d’année pluvieux, les précipitations quasiment nulles au cours de l’été et l’automne expliquent l’assèchement de la rivière. Au début de l’épisode, la Sirène conserve un débit normal pendant environ un mois avant de s’assécher peu à peu en juillet. Ce phénomène est favorisé par la canicule. Au plus fort de celle-ci les températures dépassent les 30°C amplifiant le phénomène d’évaporation. De plus, les fortes chaleurs appauvrissent l’eau en oxygène et favorisent la prolifération d’algues qui referment le milieu et contribuent à la mort des animaux aquatiques. Depuis le milieu du mois de Juillet, le canyon et sa partie amont sont asséchés. Cet événement entraine la disparition d’une grande partie de la faune aquatique dans cette partie de la Sirène, quelques rares poissons et invertébrés subsistant dans des flaques insalubres de la partie amont des Chaudières. Il est à noter que la rivière, en amont et en aval du canyon de la Sirène, a mieux surmonté ce sévère étiage. La source a coulé faiblement mais durablement en amont sur la commune de Saugeot.

En aval, le canyon pour sa part a été alimenté par de petites résurgences en rive droite qui ne se sont visiblement pas taries durant l’été. Une rapide analyse biotique réalisée fin août de la rivière en amont d’Uxelles et en aval du canyon (au niveau de Charcier) a montré qu’une partie des macro-invertébrés (gammares et larves de plécoptère en majorité) avait survécu malgré l’étiage long et sévère. Les eaux étaient fraiches et il n’y avait pas un développement excessif d’algues. Cette rapide analyse, nous apporte deux informations : la rivière a continué de couler au plus fort de la canicule et l’eau est restée d’une qualité suffisante pour permettre à ces macro-invertébrés de vivre dans l’extrême amont et aval de la rivière.

Par contre dans le cours moyen de la rivière, dans sa plus belle partie, dans le canyon, ces événements ont eu un impact extrêmement négatif sur les populations de poissons présentes dans cette portion de la rivière. Les chabots sont visiblement très affectés par ces périodes d’étiage. Leurs populations avaient déjà été sévèrement affectées lors des étiages précédents. Celles de truites avaient mieux résisté lors des récents étiages mais l’assec prolongé les ont fait disparaître cet été du canyon. La Sirène n’ayant jamais eu de rempoissonnement et le canyon étant difficile d’accès pour d’éventuels poissons venant de l’aval. Les populations locales n’étaient donc pas hybridées et totalement sauvages. C’est donc tout un patrimoine halieutique que l’on a perdu dans l’été et l’automne 2018.

Pour conclure, nous sommes légataires d’écosystèmes et d’espèces formidables que nous avons le devoir de préserver. Pour cela, une gestion intelligente de l’eau disponible est donc nécessaire sur le plateau pour éviter l’écocide qu’est cet étiage dramatique de 2018.
Il apparaît indispensable de s’engager dans la protection des zones humides, dans l’économie de la ressource et la protection de la qualité des eaux sur l’ensemble du bassin d’alimentation de la Sirène.

Article à retrouver sur la revue papier des "amis de la rivière d'Ain".