Je reçois aujourd'hui avec grand plaisir, un nouvel invité. Si je devais décrire Laurent, je dirai que c'est un vrai bon gars, un mec que l'on souhaite tous avoir pour ami.Très bon pêcheur et monteur, cet amoureux de pêche à la mouche à bien voulu répondre à mes questions. Il l'a fait avec beaucoup de sincérité et d'humour, j'ai pris énormément de plaisir à le lire, j'espère qu'il en sera pareil pour vous! D'ailleurs de l'humour, il vous en faudra aussi pour apprécier certaines photos Pétard

Nicolas : Salut Laurent, pour ceux qui ne te connaissent pas, fais nous une rapide présentation.
Laurent : J'ai 43 ans et suis dans la peinture depuis pas mal d'années. J'habite le plus beau village de Haute Saône, j’ai nommé « Belmont » et je vis dans une petite maison au bord d'un étang où j'ai l'eau et l'électricité depuis décembre 2008, un délice !

Ah oui !! J'allais oublier, je suis célibataire des fois que…

Laurent en action, pêcheur sobre et très efficace.
noiretblanc

Nicolas : La pêche et toi, c’est une longue histoire, raconte nous tes débuts. Pourquoi et comment en es tu arrivé à embêter les poissons ?
Laurent : Pourquoi je pêche ? Peut-être parce que c'est la seule chose qui ne me lasse jamais. La pêche, c'est un peu comme Obélix et la potion magique, je suis tombé dedans tout petit. Depuis que j'ai été en âge de porter une canne, je crois que j'ai toujours pêché. A 8 ans, ma première carte de pêche, et à 9 ans avec une canne de 3 mètres, j'ai scotché des anneaux et un petit moulinet de pêche au coup avec un réservoir de fil que j'avais rempli de fil à ligature que je trempais dans un verre à goutte rempli d'huile de cuisine pour que ca flotte. Une ou deux mouches et à ma première sortie, j’ai pris 3 ombres sur le Breuchin. Ils n’étaient pas bien gros mais je m'en souviens encore !!
Comment aussi ne pas parler de Papa qui m'a entrainé dans ce fabuleux monde de la pêche et de mon ami Paul Bernard que j'accompagnais souvent.
Ensuite, les premiers déplacements avec mon copain Dominique Viain où nous avons découvert ensemble la Loue, le Doubs et le Dessoubre. Les premières rencontres avec des figures de la pêche de l'époque, tout cela pour en arriver là à 43 balais.

Laurent avec Valentin, son jeune copain de pêche sur l'Ognon, il l'aide à débuter à son tour.
gamin

Nicolas : Tu vis et tu es originaire de Haute-Saône, quelles sont les raisons qui font que tu es attaché à cette région ?
Laurent : Cette région, j'y suis né, c'est la plus belle en plus, alors je ne vais pas la quitter de si tôt. Et pis quand tu regardes bien, on est à 1 heure de la Loue, 1 heure 15 de Goumois, 1 heure 15 de chez toi, donc je suis bien, l'endroit est stratégique. De plus, j'ai la chance d'habiter dans la région dite « des milles étangs ». Vous z’y croyez même pas tellement qu’c'est beau !!!!

Vous serez toujours bien accueillis chez Laurent, y'a qu'a voir le bar!
bar

Nicolas : Tu pêches encore régulièrement par chez toi lorsque tu n’es pas sur la Loue. Parle-nous un peu des rivières de ton pays sur lesquelles tu traines tes guêtres.
Laurent : Chez moi y’a plus rien, les cailloux ont plus de mousse que d'insectes, seul quelques chevesnes hantent encore les trous où jadis il y eu les dernières truites.
Non, plus sérieusement, chez nous il faut absolument que l'on ferme la pêche de l'ombre ! Sur la rivière BREUCHIN, il n'en reste que très peu et je trouve anormal que des AAPPMA dépensent des fortunes en alevins d'ombres lorsqu'il n'y en a plus alors que c'est si facile de laisser la souche locale se repeupler à condition bien sur de ne pas aller jusqu'au dernier.
J'irai donc à l'assemblée générale en espérant que l'on veuille bien m'entendre.
Les rivières de par chez moi ont un vécu, il n'y a qu'à lire le célèbre livre de Vincent Lalu sur le sorcier de Vesoul pour ce rendre compte que ces rivières regorgeaient de poissons il n'y a encore pas si longtemps. Aujourd'hui, on prendra peut-être une truite ou un ombre sur le Breuchin ou l'Ognon avec nécessité de remettre à l'eau. Il aura fallu chez nous trente ans pour mettre la rivière dans l'état où elle est aujourd'hui, je ne pense pas qu'il faudrait autant de temps pour qu'elle retrouve une seconde jeunesse. Simplement une paire de passionnés pour faire des parcours No-Kill qui en vaillent la peine et surtout emmener des jeunes à la pêche en leur expliquant certaines choses. J'ai stoppé le club mouche dont je m’occupais parce que nous n'avions pas de jeunes pêcheurs à l'époque. Maintenant, quand je me promène sur le bord de la rivière, je ne vois à mon grand regret, aucun jeune canne à mouche en main de moins de 15 ans.
Une rivière ne peut vivre sans pêcheur. La nouvelle réglementation visant à supprimer l'alevinage va chez nous faire disparaître bon nombre de pêcheurs du dimanche des cours d'eau. Par exemple, certains ne pêchaient que les 15 jours suivant l'ouverture et je ne suis pas sur que les instances de la pêche puissent se passer de l'argent de ces cartes !? Donc à mon avis, on va encore tourner en rond.

Laurent et Thibaut attelés à une carpe au "domaine". Pour avoir observé Laurent avec mon gosse une journée, je peux vous dire que les jeunes pêcheurs du Breuchin ou de l'Ognon auront bien de la chance de le croiser un jour.
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Nicolas : La Loue, c’est la rivière qui te voit le plus souvent, là où tu peux pratiquer la pêche que tu aimes, la nymphe à vue. Mais plus que ça, car tu fais parti de ces pêcheurs qui aiment lancer, qui aiment pêcher à distance. Tu trouve que c’est plus intéressant ?
Laurent : j'ai découvert la Loue avec mon ami Dominique il y a déjà 24 ans. C'était chez Sansonnens et là on pêchait à la mouche en lançant car le parcours le permettait. J'aime les longues dérives avec un long bas de ligne et une petite mouche légère. Mais maintenant, les rives sont de plus en plus encombrées, il devient difficile de lancer depuis le bord, les satanées renouées du Japon prendront bientôt toute les berges de l'Ognon à Melisey donc j'en profite, je lance pendant que l'on peut, car au train où ça va, dans 10 ans on pêche tous à l'arbalète.
Et puis la nymphe à vue, c'est un peu pareil, tant que je vois clair j'en profite, après on s'adaptera.
Sur la Loue, en particulier sur certains parcours, on peut encore lancer, donc pourquoi s'en priver, c'est tellement plus joli. Et si l'on s'applique, comme tu le dis si bien, une bonne dérive et pendu.

Une belle truite d'Ornans accusant les 65 centimètres.
65

Nicolas : Tu aimes tellement lancer, que tu pêches avec une petite canne, parle nous de ton matériel et pourquoi as-tu fais ce choix ?
Laurent : J'ai toujours pêché avec une 8P6 soie 4.5 et puis il y a deux ans j'ai acheté pour pêcher chez nous une 7P6 soie 3. Dernièrement, j'ai monté sur mon moulinet Prudent une soie naturelle DT 3, bas de ligne identique à la 8P6, avec cela, on lance sans problème à distance suffisante et c'est un régal. Mais outre le côté sympathique, le coté discrétion est aussi très Important. Pour exemple, je mesure 1M67 avec ma canne de 7P6, je passe tout de même plus inaperçu que mon grand copain de 1M93 avec sa neuf pieds.
Et puis je vais te dire, je suis passionné autant par les préparatifs d'une partie de pêche que par la partie de pêche elle-même, j'aime quand la journée se passe comme je l'avais imaginé, j'aime le vendredi soir graisser ma soie, faire quelques mouches prometteuses, préparer mon sac et refaire mon bas de ligne rouge. fourire

Il est pas beau là, nu dans l'eau avec sa "petite" canne?
Laurentnu

Nicolas : Sur les rivières que tu pratiques, il y a des truites et des ombres, tu as une préférence ?
Laurent : Les truites !! J'adore la truite et j'adore l'ombre s’il n’y a pas de truite.
Je ne garde jamais de truite ni d'ombre sauf le jour de la fermeture où je sacrifie un ombre pour le faire à la crème au vin jaune de chez toi, c'est la tradition, on appelle cela l'ombre de la fermeture et celui là, crois-moi, on s 'en souvient longtemps. Il a beaucoup « bon goût » mais il fait mal aux cheveux !!

Moi, je crois qu'il adore les truites, même crues!!! fourire
mangetruite

Nicolas : Je crois pouvoir dire sans me tromper que tu es un bon vivant, la pêche et les amis vont de pair pour toi non ?
Laurent : Il n'y a pas de pêche sans amis, les amis, c'est ma vie ! Je n'ai pas eu la chance d'avoir d'enfant alors que je les adore, donc j'aime les gens, j'ai des tonnes de copains et ce n'est rien a comparé de ceux que j'aurai dans 10 ans.
A la pêche, je suis souvent avec les mêmes, c'est vrai, Greg, Bruno, Alain, Dom, Youpi sont mes compagnons au jeu de la pêche sans oublié JMS, tu sais, celui qui fait 1M93 !
J'ai aussi de très bon copain que je ne vois que trop peu comme le tonitruant Tony la crevette (bien le jeu de mot non ?) Et pis tout les autres, Pierre Paul Jacques etc ....
Ici, on ne conçoit pas la pêche sans un bon repas, André nous appelaient « les solides ».
J'adore cuisiner, c'est ma troisième passion après la pêche et la chasse. J'adore les soirées au coin du feu à raconter des âneries, j'adore la vie même si quelquefois on vit des périodes dures et tristes, ça vaut la peine de se lever le matin.

Laurent et sa joie vivre, un amoureux de la vie ce haut-saônois!
Laurent

Nicolas : Tu as connu et connais encore de très grands pêcheurs. Je sais que tu as énormément de respect pour André Terrier et Jean-Jacques Cuenin. Raconte-nous un peu ces personnages à travers leur rencontre.
Laurent : André, je l'ai connu à l'époque où à Luxeuil les bains, j'avais créé un club mouche. Disons qu'entre nous il y a eu attirance, qu'est-ce que tu veux, deux pécheurs, un bon verre de vin, un bon saucisson, c'était tout moi, c'était tout lui !! C'était un génie créatif, il est parti trop Vite. Lui qui avait toujours un temps d'avance, aujourd'hui, avec le recul, je le vois à travers toi, la même simplicité, la même gentillesse, ce côté « je dis tout mais j'en garde un peu », j’adore .

Jean-Jacques, je ne sais plus derrière quel verre on s'est rencontré où sous quelle table, mais cet homme là, il est pétillant comme une coupe de champagne, il a un cœur énorme. Et à la pêche me direz-vous ? Ben on n’a jamais eu le temps de pêcher sérieusement ensemble, mais d'après ce qu'on m'a dit, il est très capable fourire

Une photo magnifique prise sur le vif: Laurent accompagné de Jean-Jacques et Greg.
GregJJLaurent

Nicolas : On connaît Laurent le pêcheur, mais moins Laurent le monteur de mouches et pourtant, j’ai pu voir quelques uns de tes montages, c’est de l’orfèvrerie. C’est une passion pour toi ?
Laurent : J'adore monter des mouches et là, je dois tout à ce grand Monsieur de 1M93, Jean-Marc Somaré himself, c'est notre bible du montage de mouche. Je monte principalement l'hiver, le printemps, l'automne et surtout l'été. Je monte quoi. J'ai commencé à monter des nymphes car au début, je ne savais pas qu'on pouvait enrouler une plume. Ensuite, les livres m'ont donné le secret, puis Jean-Marc la passion et la technique. J'en monte au moins cinq à six cent tout les ans et je donne les trois cent moins bonnes…….Euh, meilleures je voulais dire.
Je monte de tout, nymphes, sèches, streamers, mouches de mer, mouches à saumon. Je n'ai jamais pêché le saumon ni vu la mer, mais bon, cela me permet de rêver en les réalisant et si un copain part pêcher le saumon, je lui confie ma boite, comme cela il pourra tester.

Laurent monte de tout, même du réaliste.
Mouches

Nicolas : Pendant que l’on est dans le montage, ça pêche avec quel genre de bestioles un haut-saônois ? Pour le plaisir, si tu devais garder trois mouches et trois nymphes, tu choisirais lesquelles ?
Laurent : Un haut-saônois ça habite en Haute-Saône que l'on appelle aussi la Haute patate ! Donc on pêche au doryphore, il n'y a pas d'autre possibilité et pis un doryphore c'est tout de même plus joli qu'une nymphe à Tony non ?
Bon pour trois sèches je dirais : 1 altière, 1 peute, et une sèche de doryphore hameçon 14. Pour les trois nymphes, 1 cuivre mais je remplace le faisan par un dubbing de lièvre foncé, 1 verte dubbing turall bille inox et une nymphe de doryphore hameçon 14.

Laurent ici avec un pro du montage, Michel Flénet.
Avecmichel

Nicolas : Tu es adeptes des voyages de pêche, quel est le pays pour l’instant qui t’as le plus marqué ?
Laurent : L'Ognon dans sa partie supérieure, j'adore ce voyage, il est tout de même à 6 kms de chez moi. Sinon la Mongolie, mais c'est un peu plus loin.
Plus sérieusement, je ne peux guère partir à cause de mon travail je peux prendre 5 à 6 jours par an. Forcément, cela limite et puis tu sais cela m'arrange, car partir plus de 5 jours alors là, ce n’est pas simple pour moi, la nostalgie du pays revient au galop. Mes copains savent bien quand je dis « on ne va pas tarder » on tarde jamais.
Depuis deux ans maintenant, je suis allé en Slovénie au même endroit à des périodes différentes. J'ai adoré celui de cet été fin août, la pêche se rapprochait de celle de chez nous avec des pointes fines et longues. Je n'aime pas trop l'artillerie lourde, donc je n'irai en voyage que dans des endroits où l'on peu pêcher light, sauf pour le saumon, car il faut absolument qu'un jour y'en ai un qui gigote au bout de ma ligne.

Laurent et un groupe de copain chez Branko en Slovénie
Slovénie

Un taimen prit en Mongolie!
taimen

Nicolas : Pour finir, lorsque septembre arrive, tu ranges les cannes pour ton autre passion : La chasse. Tu as besoin de cette coupure pour mieux repartir en mars ?
Laurent : Non, absolument pas, c'est simplement que mes amis avec qui je pêche ne sont pas les mêmes que ceux avec qui je chasse, donc au bout d'un moment, j'ai besoin de les revoir, je ne pense pas que le degré d'amitié est proportionnel à la fréquence à laquelle tu vois tes amis (Putain, c'est vachement beau ce que je viens de dire non ?).
J'aime la pêche et j'aime la chasse, peut-être que la pêche a plus d'importance dans mon cœur parce que cela ne fait qu'une dizaine d'années que je chasse, mais il faut bien laisser un peu de repos à nos poissons pour qu'ils continuent à nous faire plein de petits.

Nicolas : Merci Laurent d’avoir accepté de faire cette interview, je te souhaite que des bonnes choses et à très bientôt.
Laurent : Merci Nicolas, je fais plein de gros bisous à ceux qui auront eu le courage de lire ce papier jusqu'au bout, à tous mes amis et futurs amis, surtout ne changé rien, je suis heureux comme je suis, à très bientôt.

On ne change pas une équipe qui gagne! Donc comme souvent dans mes interviews, il y a un "invité surprise" qui va intervenir et parler de mon hôte du jour. Laurent a beaucoup de très bons copains, le choix à été difficile, mais il y a en un qui me semblait mieux placé que les autres , je laisse la parole à Grégory Treille!

Laurent et Greg en pleine discussion.
LaurentGreg

Laurent Jeudy, je le connais bien.Cela fait plus de vingt ans que je traine mes guêtres au bord des rivières avec lui .Laurent est avant tout un amoureux de la nature. C'est un pêcheur de haut niveau capable de pratiquer n'importe quels types de pêche ,il a un véritable sens de l'eau que peu de pêcheurs peuvent se vanter d'avoir. C'est un grand pêcheur mais aussi un chasseur qui traque non loin de chez lui en Haute-Saône sur les terres du domaine. Laurent a la vue de l'aigle pêcheur, la discrétion du sanglier qui rentre dans un taillis. Au delà de son talent de pêcheur, c'est un monteur de mouches à l'imagination débordante, un véritable artiste du montage, innovant et génial car dans tous les cas ,il s'agit de mouches de pêche faites pour les poissons, pas pour les concours de montage. Laurent Jeudy c'est aussi et surtout un personnage hors du commun car s'il n'avait pas été un pêcheur à la mouche, il aurait pu écrire des pièces de théatre comique ou faire les petites annonces avec Eli Semoune et Franck Dubosque. C'est un comique de situation, généreux avec ses amis, toujours prêt à faire rire son entourage. Dans une autre vie, il aurait pu aussi être un trappeur dans les montagnes rocheuses car sa maison ressemble un peu à l'époque des premiers chercheurs d'or américains. Le "domaine" façon saloon à Belmont City. J'ai pêché un peu partout avec Laurent, de la Mongolie à la Slovénie en passant par chez Sanso et à chaque fois nous avons bien rigolé car la pêche ça ne doit jamais être bien sérieux, en tout cas, pas pour nous. J'espère que nous passerons encore de belles journées d'automne au domaine à traquer les brochets et que l'hiver ne sera pas trop rude car quand tout semble fini et bien ça recommence car le temps n'a pas d'emprise sur mon ami Laurent Jeudy, le dernier trappeur de Haute-Saône.

Et bien merci à vous deux, que votre amitié perdure à jamais et à très bientôt au domaine ;-)