Cela faisait pas mal de temps que je n’avais pas refait d’interview. Il me fallait un invité à part entière pour me remotiver et pour écrire ce 100 ème billet depuis la création de ce Blog. J’ai eu la chance que Jean Marc Somaré accepte pour notre plus grand plaisir, de plus il pratique dans le domaine que j’affectionne, la nymphe à vue !!!.
Profitez en bien, c’est de l’inédit

Nicolas Germain : Ma première question sera très simple, peux tu te présenter succinctement ?

Jean Marc Somaré :Je suis originaire du département des Vosges, où vit toujours ma Maman. Je suis âgé de …, mon dieu comme le temps passe vite, 56 ans en fin d’année. Ma formation de base est la mécanique de précision. Métier que j’ai exercé pendant plus de 25 ans comme tourneur, puis comme agent de maîtrise et maintenant comme responsable logistique pour une entreprise américaine.
J’ai deux fils, David et Franck. Et c’est le privilège de l’âge, je suis l’heureux Grand-père d’un petit Noa. Voilà résumé en quelques mots qui je suis.

Jean Marc avec une truite de 87cm
DSC_0605.jpg

NG : Raconte nous un peu ton parcours halieutique et en particulier tes premiers pas, qu’est ce qui t'a emmené à la pêche à la mouche ?

JMS :Dès ma plus tendre enfance, j’ai commencé à pêcher, je devais avoir 12 ou 13 ans. A l’adolescence j’ai laissé « tomber » pour vivre d’autres aventures, d’autres émotions. Après m’être marié, je me suis installé dans une petite bourgade des Vosges, prés de Saint-Dié des Vosges. Là je travaillais avec un homme sympathique, avec qui j’avais lié une amitié solide. Un jour, l’entreprise étant en grève, mon copain me dit : « Viens, allons à la pêche plutôt que de défiler avec les autres ». Sitôt dit, sitôt fait. Arrivés au bord de la Meurthe, mon ami s’habille et monte un engin que je ne connaissais pas, une canne à mouche, me dit-il, tu vas voir c’est une superbe façon de prendre du poisson. Mais c’est à l’ouverture de sa boite à mouches que j’ai ouvert des yeux grands comme cela. J’étais déjà séduit, émerveillé et fasciné par ces hameçons habillés de plumes et de poils. Mon pote me fit une démonstration, car il pêchait avec virtuosité, tout en m’expliquant le comment du pourquoi de cette pêche.
Le lendemain, j’achetais une canne une « Nive » et un moulinet Abeille, une soie Aircel et quelques mouches. Le samedi suivant, nous avions rendez-vous sur les bords du Rabodeau, près de Senones pour mes premiers essais. Pas facile mes débuts de pêcheur à la mouche.
La semaine suivante, c’est du matériel de montage qui vint compléter ma panoplie de parfait « moucheur ». Avec un bon professeur, mes progrès furent rapides. Plusieurs truites finirent au fond de la poêle, pour le bonheur de la petite famille. J’avais alors 24 ans.
J’étais loin de me douter que, 32 années plus tard, cette passion naissante serait toujours aussi vivace. En réalité, elle n’a fait que grandir, malgré les aléas de la Vie.
Prenant de l’assurance, je me suis mis en quête d’autres rivières, d’autres rêves, la Moselle et la Moselotte, m’ont passionnées pendant quelques années. Mais ma soif de découverte me fit aller plus loin, au pays des grosses truites, la Franche-Comté. La Loue, le Dessoubre, l’Ain et enfin le Doubs m’ont apporté tout ce qu’un moucheur exigeant peut demander.
Pour la petite histoire ce n’est pas en Franche-Comté, mais dans les Vosges que j’ai pris ma plus grosse truite en sèche, une mémère de 5 livres prise au coup du soir sur un énorme sedge.
Toujours pour assouvir mes rêves, ce sont les pays étrangers qui m’ont ensuite attiré. L’Autriche fut le premier d’entre eux, puis ce fut au tour de la Slovénie et de l’Irlande et enfin des USA. Malgré des souvenirs extraordinaires, c’est toujours vers les mythiques rivières de l’Est de la France que je me tourne. Rien au monde ne vaut la superbe parure de nos belles zébrées et les lieux magiques où elles vivent. Rien, vraiment rien.

Jean Marc en action

NG : Tu as beaucoup écrit pour la presse halieutique, avec talent d’ailleurs, qu’est que cette expérience t’a apporté ?

JMS : Ma participation, en temps que pigiste, à plusieurs revues halieutiques est un pur hasard. Ma formation manuelle ne me prédisposait pas à tenir une plume. C’est une rencontre fortuite qui allait précipiter les événements. Dans un premier temps comme correspondant pour Plaisirs de la Pêche, puis c’est dans le Pêcheur de France que je fis mes premiers pas comme pigiste à part entière, d’abord sur le montage puis sur les techniques de pêche proprement dites. Enfin, c’est avec l’équipe de Pêche Mouche que je fis mes plus grands articles tous confondus. Ma carrière professionnelle ayant, entre temps, pris une autre dimension, j’ai du faire un choix. J’ai arrêté d’écrire.
Après plus de dix années d’écriture le temps était venu de laisser la place à d’autres auteurs.
Ce qui m’a le plus plu dans ce métier de pigiste, c’est de pouvoir donner, montrer, expliquer ma passion à travers l’écrit et la photo. Ecrire sur la fabrication des mouches était une véritable source de bonheur, pendant un temps j’ai même pensé écrire un livre sur le sujet. Ce métier m’a fait aussi rencontrer des gens hors du commun, qu’ils soient d’excellents pêcheurs ou non. Des gens vrais, avec une vraie histoire. Je garde, de cette période, des amitiés sincères dont l’origine fut l’écriture.

NG : Tu habites une très belle région : Les Vosges, et pourtant tu es le plus souvent en Franche Comté, tu pêches quand même encore un peu par chez toi ?

JMS :Je suis né dans les Vosges, mais j’habite en Franche-Comté. Bien sur, je pêche encore de temps en temps les belles rivières vosgiennes, quand la Loue, l’Ain ou le Doubs ne sont pas pêchables. En effet, le massif vosgien étant granitique, en cas de crue, le niveau revient très vite à la normale, alors que les cours d’eau calcaires mettent plus de jours, voir des semaines à retrouver un étiage. L’année 2007 en est une parfaite illustration. Mais je dois avouer que la taille des poissons est nettement plus petite dans Les Vosges et attaquer de gros poissons reste une motivation profonde. Ceci expliquant cela.

Jean MArc avec un bel ombre
JMS 6

NG : Quelles sont tes rivières préférées et pour quelles raisons ?

JMS :Ma rivière préférée est la Loue, surtout la moyenne Loue, pour au moins trois raisons. La première est la beauté du cadre de pêche, nulle part ailleurs je n’ai trouvé d’aussi beaux paysages. La deuxième raison est la largeur et la profondeur moyenne de la rivière, ni trop large, ni trop profonde, un profil idéal pour la pratique de notre sport et enfin pour la qualité et la quantité des poissons que l’on y rencontre.
Je mets à égalité le Doubs et l’Ain, malgré un aspect encore plus sauvage que la Loue, ces deux rivières sont des « usines » à gros poissons, truites et ombres. Pour prendre un ombre record c’est sur le Doubs qui faut aller, pour les grosses truites la haute rivière et la basse rivière d’Ain sont excellentes. Mais c’est surtout pour la clarté de leurs eaux qui autorise la pêche à vue que cette trilogie est forte à mon cœur. Je regrette seulement que certains parcours, en particulier sur la Loue, redoublent d’efforts pour évincer les moucheurs et en particulier les nympheurs. Ces personnes qui dirigent les APPMA n’ont rien compris et font un tort considérable à la pêche en général. En France, la pêche devrait être gérée par des professionnels au fait de la question et non par des soi-disant élus qui n’ont qu’un seul but, garder leur rivière pour eux seuls. Il suffit de voyager un peu pour se rendre compte de tout ce qu’une région pourrait attendre des retombées économiques d’une gestion axée sur l’ouverture d’esprit et non sur le fanatisme.

Jean Marc avec une truite de la Loue
KONICA MINOLTA DIGITAL CAMERA

NG : tu es un passionné de nymphe à vue, qu’est ce que cette technique t’apporte plus que toutes les autres ?

JMS :Pour que les choses soient claires la plus belles des pêches, pour moi, reste la pêche à la mouche sèche à vue, rien ne vaut la montée d’adrénaline procurée par un tel spectacle. Cependant, les éclosions se faisant de plus en plus rares, les habitudes alimentaires des poissons se sont modifiées elles aussi. Ne pas pêcher à la nymphe équivaut à attendre des heures et des heures une hypothétique éclosion qui risque de ne jamais se produire. Ne pouvant pas pratiquer ma passion en tout temps, le peu de temps dont je dispose doit être profitable au maximum. En cela, la pêche à la nymphe remplit pleinement mes besoins. Je peux pêcher du matin au soir.
Un autre aspect de la pêche à la nymphe est dû au fait que cela devient une véritable chasse plutôt que de la pêche, prendre un poisson digne de ce nom se mérite, il faut payer de sa personne pour réussir. Contrairement à ce qui se dit, la pêche à la nymphe n’est pas une pratique aisée, bien au contraire, il faut réfléchir avant d’agir et réussir le coup parfait pour espérer être honoré d’un coup de gueule. Toute erreur, même minime, se paye cash. C’est moins vrai avec les autres techniques.
Et enfin, ce qui me plaît beaucoup dans cette pêche, c’est la fabrication des nymphes. Voilà bien un domaine où la créativité de chacun peut s’exprimer pleinement. Là encore réussir une belle nymphe artificielle demande pas mal de connaissances et beaucoup de goût.

La belle retournera dans la Loue
KONICA MINOLTA DIGITAL CAMERA

NG : Tu es plutôt truite ou ombre, taille ou nombre ?

JMS :Cela dépend des rivières et du moment. Si les truites sont abondantes, ce sont plutôt les ombres qui vont m’intéresser, si c’est les ombres qui abondent ce sont les truites qui feront l’objet de toute ma convoitise. Toutefois, la pêche de la truite ne permet pas de faire d’erreur, c’est l’école de discrétion, de la patience et de l’humilité. Pour l’ombre c’est différent, ce dernier pardonne facilement l’erreur, demande un peu de patience mais peut-être attaqué pendant des heures sans problème. Par contre l’école de l’ombre est une très bonne école pour qui veut devenir un preneur de grosses truites, précision et dérive sont les maîtres mots de la réussite et pour ça l’ombre est un très bon compagnon de jeu.
Maintenant pour ce qui est du nombre, c’est le cadet de mes soucis. Mieux vaut un seul poisson difficile que dix pris sans effort. Je pratique le « no kill » depuis de nombreuses années estimant que l’on ne tue pas le compagnon qui donne tant de plaisir et de joie.
La taille bien entendu est une sorte de quête sans pour autant être une obsession, prendre un gros poisson truite ou ombre fait toujours plaisir surtout si pour le prendre il a fallu se battre avec soi-même.

L'ombre, une des passions de Jean Marc

NG : Bien sur il y a plusieurs façons d’aborder la nymphe à vue, je crois savoir que toi tu aimes pêcher plutôt « léger » non ?

JMS :Nous abordons là un grand sujet, un livre entier ne suffirait pas conclure sur celui-ci. Disons pour faire simple que la méthode utilisée pour réussir compte beaucoup à mes yeux et que je ne trouve des satisfactions que si la prise est en accord avec mes convictions profondes. Cela ne veut pas dire que je rejette les autres méthodes, simplement elles ne correspondent pas à mon idéal de pêche.
Je suis en effet de ceux qui pratiquent la nymphe à vue « light ». A cela plusieurs raisons, la première est que mon meilleur copain de pêche pratique comme cela et que c’est lui qui m’a enseigné cette technique. La seconde, réside dans la finesse du matériel à mettre en œuvre canne, soie, bas de ligne et artificielle sont au sommet de ce qui se fait de mieux, c’est une quasi obligation. La troisième est d’ordre intellectuel, en effet cette technique impose à celui qui la pratique de réfléchir très vite à toutes les situations qui se présentent, choix du poste, choix de la nymphe, choix de la méthode de bagarre en cas de prise, où épuiser le poisson etc.… autant de sujets à traiter à la vitesse grand V. Et enfin, c’est une pêche délicate, sans bruit, sans être obligé de rentrer dans l’eau jusqu’au cou, c’est une pêche « propre ». Derrière un gars qui pêche léger, sans bruit ni vague, la pêche est toujours possible. Quand, je vois certains comportements, il n’est pas étonnant de générer des levées de boucliers contre notre belle passion.

Jean Marc avec une zébrée
KONICA MINOLTA DIGITAL CAMERA

NG : Sans nous dévoiler la fiche de montage (il faut conserver certains mythes ;-) ) peux tu nous parler des nymphes « No Refuse ». Sont-elles vraiment à part ?

JMS :Dans un premier temps, j’ai créé cette artificielle suite à un voyage aux USA en 2004. C’est une adaptation française, assez libre, d’un modèle d’un grand du montage Outre Atlantique. C’est le matériau qui compose le corps qui est original, il permet à la nymphe de couler rapidement sans pour autant « plomber comme un âne ». Mais ce n’est pas tout, ce matériau permet de réaliser des corps très fins et très réalistes. Les premiers exemplaires furent donnés à mon meilleur pote, Didier Perrachon, pour être testés grandeur nature sur les poissons les plus difficiles de France, ceux de Goumois. Entre les mains expertes de Didier, cette nymphe s’est avérée très prenante, avec un rendement très nettement supérieur à la moyenne.
Comme il fallait lui donner un nom Didier la surnomma « No refuse ». Mais l’histoire ne s’arrête pas là, j’ai encore cherché à l’améliorer, en lui adjoignant des pattes. Et là ce fut un franc succès les truites et les ombres sur pêchés du Doubs faisaient des écarts terribles pour la prendre sans hésitation. Un nouveau nom fut vite trouvé à la belle, désormais c’est « l’absolut no refuse » qu’elle porte fièrement.
Une autre qualité de ce modèle est sa solidité, plusieurs dizaines de poissons pris sans altérer son pouvoir et sans se détériorer, c’est assez rare pour être souligné.
Aujourd’hui elle garnit mes boites de mouches et celles de Didier pour notre plus grand plaisir. Une remarque cependant, son efficacité est directement liée à celui qui l’utilise, j’ai donné quelques modèles à un pêcheur, loin de maîtriser son sujet, pour lui cette nymphe ne lui apporte rien de plus qu’une autre. Cherchez l’erreur.
Tous mes amis de pêche « quémandent » sans cesse cette artificielle, et lassé d’en faire pour les autres, j’ai fini par donner la « combine à quelques uns » pour ne pas voir mes boites ressembler à des mornes plaines.
Pour cette année, j’ai mis au point une nouvelle nymphe qui aux dires du Maestro Didier devrait être encore plus efficace, j’attends avec impatience les premiers essais de la nouvelle née.

NG : Restons dans le même domaine, tu es réputé comme un très bon monteur, qu’elle place tiens pour toi le montage de mouche, est ce que c’est indissociable de la pêche ?

JMS :Depuis mes débuts, la fabrication de mouches artificielles à tenu une place importante, prendre un poisson avec un modèle de fabrication maison décuple mon plaisir. C’est aussi une façon de pêcher toute l’année, je suis au bord de l’eau été comme hiver. Je rêve et quoi de plus beau que de pouvoir encore rêver.

Jean Marc à la table de montage

Pour répondre plus précisément à la question, non ce n’est pas une obligation de monter ses propres mouches, les professionnels de la distribution proposent de bons modèles et tous prennent du poisson.
Mais, le montage des mouches reste quand même une activité passionnante. Si j’ai une réputation de très bon monteur, je la dois à trois grands monteurs français. Je veux rendre, ici, hommage a celui sans qui j’aurais cherché longtemps toutes les astuces du montage, ce Monsieur c’est Henri Péthe. Dés mes débuts, j’ai acheté son ouvrage « Traité pratique de montage des mouches artificielles », je l’ai lu et relu jusqu’à l’apprendre par cœur. En suivant mot à mot ses explications claires, j’ai appris chaque phase de montage jusqu’à la maîtrise parfaite du procédé et ce pour toutes les techniques décrites dans ce merveilleux livre. Puis, je me suis à faire de vraies bonnes mouches. Il m’arrive encore d’aller consulter « le Péthe » quand ma mémoire est défaillante ou que je bute sur une difficulté. Je ne saurais trop recommander l’achat de ce livre tout y est décrit de façon claire et compréhensive.
La seconde personne à qui je dois beaucoup est Charles Gaidy, quand ce dernier faisait partie de l’AMS (Association Mouches et Saumon, pour les plus jeunes) la parution de ses dessins était un réel bonheur. Plus tard, c’est dans les colonnes de Connaissance de la Pêche, puis dans celles de Pêche Magazine, que Charles faisait profiter les lecteurs de tout son savoir et enfin à travers plusieurs livres magistraux qui sont venus compléter une œuvre hors du commun. Aujourd’hui j’ai la chance de pouvoir le rencontrer de temps en temps, d’être en face de ce fabuleux monteur et dessinateur m’intimide toujours autant. La dernière personne qui a marqué ma vie dans le domaine du montage c’est Pierre Miramont, j’aime beaucoup le style de l’écriture, vif, chaque mot est choisi pour ce qu’il veux dire, c’est sans déchet, c’est vrai et sincère. Son premier livre « La pêche aux nymphes, mouches et plumes » est rempli d’enseignements aussi bien pour les monteurs que pour ceux qui pêchent.
Trois grands Hommes qui n’ont pas, à mes yeux, toute la reconnaissance qu’ils méritent.
Aujourd’hui, de nouveaux monteurs sont apparus, hélas peu s’expriment dans les revues spécialisées et c’est bien dommage. Je pense en particulier à Jean-Paul Dessaigne qui à pendant quelques temps tenu une rubrique dans Pêche Mouche. Il est, aujourd’hui, devenu la référence dans le domaine du montage et son site Internet est de loin le plus beau et le plus complet. Et enfin, il y a Michel Flénet, comment ne pas parler de Michel, que j’adore, c’est l’imagination faite homme, monteur surdoué capable de faire aussi bien une mouche de pêche redoutable que de faire une mouche de concours sans faille. Un monteur doublé d’un Homme savoureux et délicat.

Jean Paul Dessaigne, Michel Flénet et Laurent Jeudy



NG : Si tu ne devais conserver qu’une nymphe et qu’une mouche, tu choisirai lesquelles et pourquoi ?

JMS :Quel dilemne que cette question, me faire choisir deux mouches, c’est impossible, quatre c’est déjà mieux. Allons-y pour quatre si tu veux bien, deux nymphes et deux sèches. Commençons par les nymphes, en premier je choisirais, sans aucune hésitation, l’Absolut no refuse, c’est une certitude, à cause de sa polyvalence. Pour la seconde, mon choix se porterait sur Pheasant Tail de Sawyer, mais montée à la Sawyer, pas une de ces nymphes abominables qui porte le nom de Pheasant Tail, mais qui sont loin d’en être, je la choisis parce que c’est une mouche sûre qui a pris des milliers de poissons partout dans le monde et qui en prendra encore, beaucoup, pendant longtemps.
Venons-en aux mouches sèches, le choix est tellement grand, c’est un casse tête. Allez, je me jette à l’eau, en premier c’est l’Oreille de Lièvre qui retient mon attention, je la ferais en plusieurs tailles et plusieurs volumes pour pouvoir la faire couler si nécessaire, là aussi nous avons à faire à une mouche d’exception qui n’a plus à faire ses preuves. Je sais, je triche un peu. Et enfin la dernière mouche sera une Mouche d’Ornans revue et corrigée par mon ami Gérard Piquard. Cette version ne change de l’original que par le remplacement du hackle en coq en une collerette en cul de canard qui donne à la mouche une position basse sur l’eau tout en étant visible et surtout ne vrillant plus les pointes de nos bas de ligne.
En fait, que des mouches ternes, ayant déjà une longue expérience derrière elles, mais terriblement efficace.

Le combat est terminé

NG : Durant ta vie de pêcheur tu as rencontré des « tout bons » Je me rappel d’un Passion pêche sur FR3 à l’époque où tu pêchais en compagnie d’André sur la Moselotte, as-tu quelques souvenirs de ce tournage et par la même d’André ?

JMS : J’ai eu ce privilège de rencontrer André ainsi que sa charmante épouse. Je ne peux pas dire que je connais bien André, mais j’ai pu apprécier l’Homme qu’il était. Gentillesse, convivialité, humanité sont les mots qui le caractérisent le mieux à mes yeux. Nous avons ensemble réalisé un petit film sur les rivières vosgiennes et nous nous sommes bien amusés, c’est là l’essentiel. Depuis ce jour, j’avais gardé contact avec lui et sa disparition m’a profondément attristé. Le petit monde de la mouche à perdu beaucoup avec son départ, il avait compris avant tout le monde que les relations humaines sont sources d’énergie et mobilisatrices ; Il a beaucoup œuvré pour faire connaître notre sport et ça nous devons lui en être reconnaissant. Là où il est, il doit y avoir de magnifiques rivières remplies de superbes poissons zébrés et tous ont dus apprendre à leur dépend ce que pêcher efficacement veut dire.

NG : Bien entendu tu as d’autres grands noms de la pêche à la mouche pour amis, parle nous un peu de ces rencontres.

JMS : En écrivant et en faisant de la compétition, j’ai naturellement rencontré beaucoup de moucheurs, des bons et des très bons. Parler de tous ceux que je connais serait bien trop long et les citer tous, bien ennuyeux. Je ne vais vous parler que de deux Hommes, différents, mais sont les meilleurs copains que j’ai. Tous deux pratiquent la pêche à la mouche avec maestria.
Le premier des deux est Didier Perrachon, notre rencontre remonte à 27 ans, c’était sur les bords de la Moselle. Déjà à cette époque, Didier pratiquait la nymphe à vue avec virtuosité, aussi bien sur les ombres que sur les truites, ces dernières étant déjà beaucoup plus délicates a prendre que les ombres. Notre amitié grandissante, nous avons, pendant de nombreuses années, partagé un gîte à Ornans où nous nous retrouvions chaque fin de semaine pour partager des moments de joie, de bonheur et de convivialité autour de notre passion commune, la nymphe à vue. Loin des soucis de la vie quotidienne. Didier est un Maître en matière de pêche à vue. En l’accompagnant très souvent sur le bord des rivières franc comtoises, j’ai assisté à plusieurs de ses exploits. Dans un des numéros de Pêche Mouche, j'avais écrit un article complètement dédié à sa façon de pêcher.
Ce qui surprend le plus chez Didier est sa faculté d’adaptation, suite logique de sa capacité d’analyse. Jamais pris au dépourvu, il gère chaque situation au mieux en adoptant sa façon de faire pour en tirer le maximum. Exigeant envers lui-même, rien n’est laissé au hasard, il met à profit les expériences du passé pour se surpasser encore et toujours. C’est dans la pêche ingrate des gros poissons que Didier excelle le plus. Aucune truite, aucun ombre n’est imprenable, c’est son axiome de base. Seul le pêcheur est coupable de son échec pas le poisson.
Je l’ai vu réaliser tellement de coups extraordinaires qu’un livre entier pourrait lui être consacré.
Pour illustrer mes propos, je vais rapidement vous conter une petite histoire. Cela se passe sur la Loue, sur le miroir d’Ornans, pour être précis. Nous sommes fin août et les truites sont particulièrement éduquées en cette fin de saison. Il y a une belle truite, environ trois livres, je l’essaie pendant plusieurs longues minutes, celle-ci vient voir ma nymphe, mais au dernier moment refuse nettement. Je passe et repasse ma mouche au point de ne plus la faire bouger, ses nageoires trahissent sa méfiance. J’appelle Didier pour lui demander conseil, je réessaie encore plusieurs fois, sans résultat. La truite reste là, mais ne coopère pas. Je finis par baisser les bras, convaincu que ce poisson n’est plus prenable aujourd’hui. Didier prend ma canne, ne change pas de nymphe, ni de bas de ligne et attaque la « belle », au premier posé, la truite méfiante monte sans aucune hésitation sur la nymphe qu’elle me refusait depuis de longues minutes. Comment expliquer cela, si ce n’est par une totale maîtrise du posé et de la dérive, le zéro faute. Je suis persuadé que l’art de la dérive sans draguage est une des armes maîtresses de Didier ; il est capable de déceler la moindre anomalie là où les autres n’y voient que du feu.
Bon nombre de pêcheurs, aujourd’hui réputés, sont venus pendant cette période au gîte pour écouter le Maître prodiguer ses conseils et analyses, et beaucoup d’entre eux lui doivent beaucoup dans la connaissance de cette magnifique pêche.
Mais Didier n’est pas qu’un pêcheur hors pair, c’est aussi un compagnon agréable, toujours prêt à transformer une partie de pêche en rencontre sympathique et conviviale et ce n’est pas la moindre de ses qualités.

Le maître, Didier Perrachon

La seconde personne, pour qui j’ai une admiration sans limite, c’est Jean-Marc Chignard. Notre rencontre remonte au temps de ses débuts dans le métier de monteur professionnel, à Saint Germain Laval. Je me souviens encore de Jean-Marc au salon de Saint Etienne, en 1989, tout jeune, entouré de Guy Plas, à sa gauche, et d’Henri Bresson à sa droite, montant des culs de canards, alors que l’assistance n’avait d’yeux que pour les deux stars de la pêche française. Notre amitié pris naissance lors d’un article que je lui ai consacré dans le Pêcheur de France, pour faire cet article nous sommes allés pêcher sur la moyenne Loue et tout de suite notre complicité fut totale. Nous avons partagé les poissons, sans souci de savoir qui en prendrait le plus, c’était à toi, à moi.
Jean-Marc c’est l’élégance du geste, j’ai vu bien des lanceurs, mais aucun n’atteint cette perfection dans le geste, cette parfaite maîtrise de la soie, peu importe la distance. La soie est toujours tendue, la boucle serrée. C’est tellement beau à voir, que cela parait si facile à faire. J’ai eu l’occasion de voir Jean-Marc essayer des cannes aux USA devant le gratin des guides américains et devant le pape du lancer, Mel Kruger en personne. Dès que Jean-Marc s’est mis à lancer, tous sans exception, se sont arrêtés de lancer pour admirer la maîtrise technique. C’était impressionnant à voir.
D’une manière générale, les très très bons lanceurs ne sont pas de grands preneurs, trop occupés qu’ils sont à se regarder lancer. Jean-Marc n’est pas seulement un lanceur d’exception, c’est aussi et avant tout un remarquable moucheur, aussi fort en sèche qu’en nymphe. Sa grande force est le contrôle permanent de la soie et du bas de ligne, le poser et la dérive sont maîtrisés à la perfection et ce quelle que soit la distance. C’est un véritable artiste de la pêche.
Sa passion c’est aussi la traque des gros poissons, les truites de la Basse rivière d’Ain en savent quelque chose. Les poissons record sont nombreux à son tableau de chasse et peu de moucheurs peuvent se vanter d’en avoir pris autant.
Sa passion pour les « grosses » l’a amené à changer d’univers, c’est sur les « flats » les plus réputés du monde entier que Jean-Marc à réussi les coups de ligne les plus extraordinaires, en effet plusieurs grands chelems sont à son actif (tarpon, bonefish et permit pris dans la même journée). Heureusement, la pêche en mer ne l’empêche pas de continuer à taquiner les « mémères » des cours d’eau de l’Est de la France, pour le plus grand bonheur de ses amis pêcheurs.
C’est avec un plaisir non dissimulé, que chaque année nous passons de merveilleuses heures sur les bords de nos rivières préférées suivies de longues soirées amicales où la bonne humeur est toujours présente, loin des tracas de la vie professionnelle.

Les deux Jean Marc

Ces deux personnes sont mes amis et ont un point en commun celui de considérer la pêche à la mouche comme un loisir, ni l'un ni l’autre ne joue sa réputation, je connais leur vraie valeur. Nos parties de pêche sont le prétexte de se retrouver entre « potes » pour le simple plaisir d’être ensemble, nous passons des heures de pur bonheur et de grande amitié.

NG : Quittons le domaine de la pêche à la mouche, tu as une autre passion qui t’occupe durant la morte saison : la danse. Peux tu nous en parler ?

JMS :Bien sur, c’est une passion que je « traîne » depuis de nombreuses années et qui, comme la pêche, ne me lâche pas. J’y trouve un équilibre à mon travail et à la pêche et il est amusant de constater que comme la pêche à la mouche il faut faire preuve de beaucoup de patience et d’humilité pour être un bon danseur et que quelque part voir un couple qui danse bien semble facile, détrompez-vous cela demande beaucoup d’entraînement surtout si vous pratiquez toutes les danses dites retro, tango, paso, valse ou rock. A la pêche c’est pareil, cela semble si facile quand c’est exécuté avec talent et pourtant que de travail pour en arriver là.

NG : et bien voilà j’ai été heureux que tu acceptes cette interview, et à bientôt sur les berges de la Haute !!!

JMS :Merci à toi Nico, cela a été un réel plaisir pour moi que de converser avec toi et bien sur je te donne rendez-vous sur les bords de ta Haute pour partager un moment de convivialité.
Bien entendu, tous ceux qui liront ces quelques lignes sont aussi les bienvenus. Mais n’oubliez pas, si notre rencontre est essentiellement basée sur l’amitié et la passion je saurai vous accueillir, mais si c’est, comme bien souvent, pour se mesurer à moi, voir qui est le plus fort, alors passez votre chemin, le temps passe trop vite pour que je le gâche. Je n’ai plus rien à prouver depuis de nombreuses années.

Voilà nous allons quitter avec regrets Jean Marc , j’ai pris une fois de plus beaucoup de plaisir à faire cet interview. Bien entendu, et comme de coutume sur ce Blog, une personne proche de lui va nous dire un petit mot. Pour Jean Marc le choix était difficile tant il a d’ami dans le monde la pêche à la mouche, mais il y en a un qui je pense est au dessus des autres.
Je laisse la parole à Didier Perrachon, la suite et pour toi Jean Marc

Après 25 ans de vie halieutique commune , il m'est difficile de parler de jm sans paraître lèche bottes.Que ce soit à la pêche ou sur un étau ce qui le caractérise le plus c'est sa précision et son perfectionnisme; il est rarement satisfait de lui ce qui le pousse à toujours s'améliorer.
J'ai toujours dis que jm est le meilleur monteur de mouches amateur que je connaisse ; les truite et ombres des ponts Franc-comtois vous le confirmeront volontiers car s'il vous arrive de le croiser à ces endroits ,vous le verrez régulièrement vider ses boites à nymphes juste pour tester ses nouveaux modèles et également nous faire "un peu" baver...

Toute mon amitié à toi jm

Didier et Jean Marc à Saulxures
DSC_0638r.jpg

J’ai reçu deux invités qui se font rares sur le net alors profitez bien de cet interview ;-) , et je vous dis à bientôt sur les berges de la Haute rivière d’Ain à tous les deux pour partager quelques instants comme on a pu le faire l'an passé.