Zoom sur une AAPPMA : PLA (les Pêcheurs à la Ligne de l’Ain).
Par Nicolas39 le vendredi 23 décembre 2016, 06:31 - Gestion piscicole - Lien permanent
De retour avec cette catégorie qui me tient particulièrement à coeur. Je vous propose aujourd'hui de découvrir une des AAPPMA très active de la basse rivière d'Ain (01). J'en profite d'ailleurs pour féliciter ces bénévoles qui travaillent au jour le jour pour l'ensemble des pêcheurs. Un grand merci à eux. Bonne lecture.
1-Pour que les lecteurs de ce blog puissent bien se situer, merci de nous localiser les lots dont votre AAPPMA a la gestion.
L’AAPPMA PLA (les Pêcheurs à la Ligne de l’Ain) existe depuis le 22 juillet 1904, à l’origine elle était implantée sur la commune de Pont d’Ain, en plus d’un siècle d’existence elle a étendu son territoire. Géographiquement, notre association se trouve au centre du département de l’Ain, au carrefour de 4 territoires emblématiques : la Bresse, le Bugey, la Dombes et le Revermont. Nous avons aujourd’hui des parcours sur les communes d’Ambérieu-en-Bugey, Ambronay, Bettant, Druillat, Jujurieux, Pont d’Ain, Priay, Saint-Denis-en-Bugey, Saint-Jean-le-Vieux et Varambon. Cependant pour certaines de ces communes nos parcours se limitent à quelques mètres et nous partageons leurs territoires avec d’autres structures halieutiques.
Nous avons en gestion des rivières : la BRA (Basse Rivière d’Ain sur les lots B19/B20/B21) et ses annexes (canal d’Oussiat, canaux Convert), le Suran, l’Albarine et le Gardon. A cela, il faut ajouter nos 3 plans d’eau de seconde catégorie : le trou Vogliano (<1 ha) à Pont d’Ain, le lac Concours (3,5 ha) à Pont d’Ain et le plan d’eau de Longeville (33 ha) sur les communes d’Ambronay et Pont d’Ain. Cela représente au total : 18 km de parcours sur des rivières de première catégorie, 4.5 km en seconde catégorie et 37 ha de plans d’eau.
2-Quels sont les droits dont il faut s’acquitter pour avoir le droit de pêche sur vos linéaires ?
Notre AAPPMA est réciprocitaire, malgré ce statut notre parcours possède certaines spécificités. La BRA étant en domaine public, pour y avoir accès avec une canne tenue en main, il suffit de s’être acquitté de la CPMA (Cotisation Pour les Milieux Aquatique). Pour les annexes de la BRA, l’Albarine, le Suran et nos plans d’eau qui sont en domaine privé, il faut une carte réciprocitaire du département de l’Ain, ou une carte interdépartementale d’une fédération affiliée au CHI, EHGO ou URNE. Le Gardon, quant à lui, est géré en ruisseau pépinière et il est classé en réserve de pêche sur ton son linéaire.
Parcours sur la basse rivière d'Ain, les plans d'eau, le Suran.
3-Comment définiriez-vous votre AAPPMA en termes de politique piscicole ?
Historiquement, notre AAPPMA avait une gestion assez traditionnelle, elle n’avait pas réellement tourné la page de l’APP (Association de Pêche et de Pisciculture). Puis au début des années 2010, l’ancien président et une partie des administrateurs ont claqué la porte de l’AAPPMA. Un nouveau président a permis à quelques jeunes de s’investir aux côtés d’anciens administrateurs. La cohabitation ne fut pas toujours facile, mais nous sommes arrivés à faire notre premier petit parcours no-kill de 300 mètres (non sans mal), notre site internet et notre page Facebook.
Puis à la fin de l’année 2015, les élections des conseils d’administrations des AAPPMA ont eu lieu. Cela a permis le remplacement des anciens administrateurs qui étaient usés par plus de 30 ans de bénévolat pour certains. Les quelques jeunes rentrés au CA en 2012, plus d’autres qui nous ont rejoint en 2015 ont repris l’AAPPMA depuis 1 an. Notre philosophie est simple, on protège au mieux nos poissons sauvages et leur milieu, et sur nos eaux closes on essaie de faire plaisir à toutes les catégories de pêcheurs.
Nos rivières ont la particularité d’offrir une croissance record à leurs hôtes. Actuellement en France, la réglementation n’est pas adaptée à nos rivières à forte croissance et elle laisse trop peu de marge de manœuvre pour adopter une gestion pérenne sur les grands cours d’eau salmonicoles. Nous avons la chance d’avoir un territoire de pêche très varié, ce qui nous permet de mettre en place différents types de gestions. On ne souhaite oublier personne, on a conscience qu’il faut protéger à tout prix nos salmonidés sauvages et que les mesures prises dans ce cadre peuvent déconcerter certains pêcheurs. Nous compensons donc avec d’importants alevinages en truites arc-en-ciel (plus d’une tonne par an) dans nos plans d’eau classés en eaux closes. Cette mesure est contestable, mais elle permet de sauver un grand nombre de truites sauvages dans nos rivières. Tous nos parcours de première catégorie sont classés en réservoir biologique, ceci nous a grandement aidé dans la mise en place d’une gestion patrimoniale.
Nous avons aussi des parcours de seconde catégorie qui demandent une approche différente. La pêche des carnassiers, de la carpe et des poissons blancs sont les principales pêches pratiquées sur nos plans d’eau, une fois l’euphorie de la pêche à la truite arc-en-ciel passée. Les 2 petits plans d’eau bénéficient d’aménagements piscicoles et halieutiques (frayères artificielles, caches à poissons, ponton pour personnes à mobilité réduite, etc…). Ils sont aussi régulièrement alevinés (gardons, tanches, carpes et carnassiers), on essaie d’y rendre la pêche facile, agréable et accessible à tous.
Mise en place de Frayères.
Notre grand plan d’eau est lui géré d’une façon « patrimoniale ». Sa taille de 33 ha ne nous permet pas financièrement de l’aleviner convenablement. Nous travaillons donc sur le milieu (aménagement de frayères, réserves…), tout en appliquant une gestion adaptée à son biotope et à sa taille. La pression de pêche à la carpe, due à une population exceptionnelle, y est colossale ; des carpistes de la France entière et de toute l’Europe pratiquent le plan d’eau de Longeville. La cohabitation entre les différents utilisateurs n’est donc pas toujours au beau fixe. Mais ces dernières années nous remarquons une très nette amélioration de la situation, grâce notamment au travail de notre garderie et aux échanges engagés pour une meilleure cohabitation des usagers du plan d’eau.
Belle truite de la BRA.
4-Quelles sont les principales actions menées et à venir de l’AAPPMA ?
Notre conseil d’administration est composé de 15 membres sensibles à la protection de l’environnement. Nous avons la chance d’avoir dans notre équipe plusieurs professionnels travaillant dans la gestion d’espaces naturels, le développement du tourisme pêche ou encore la distribution de matériel de pêche. Ces bénévoles mettent à profit leurs connaissances et compétences dans notre gestion et dans les divers projets de notre association.
En 2016 la formule de notre fête de la pêche destinée aux enfants a été modifiée, afin de la rendre plus ludique et en accord avec les convictions de notre AAPPMA. Ils ont pu gratuitement s’initier à différentes techniques de pêches sportives et participer à un atelier de découverte et de sensibilisation au milieu aquatique. Sur tous nos plans d’eau le black-bass est en no-kill, la pêche de la carpe de nuit se pratique aussi en no-kill sur le plan d’eau de Longeville. Nous avons accueilli sur ce dernier, pour la première fois, une manche d’un championnat régional de pêche des carnassiers en float-tube. En plus des actions de panneautage, de nettoyage et d’entretien des berges, les membres de l’association organisent des chantiers visant à créer des frayères et des habitats avec des techniques de génie végétal. Nous avons demandé une réduction des quotas et une augmentation de nos tailles légales de capture pour les carnassiers (brochet 60 cm, sandre 50 cm), la truite (30 cm) et l’ombre (35 cm).
Fête de la pêche.
Notre association a décidé de placer en réserve de pêche le Gardon, notre ruisseau pépinière affluent de l’Albarine. Notre équipe de gardes pêche particuliers s’est renforcée, nous comptons désormais 8 gardes assermentés. Chaque année notre association participe aux pêches de sauvetage sur l’Albarine. L’AAPPMA PLA prend part aux négociations avec les différents acteurs sur la BRA, l’objectif est d’améliorer l’état écologique de la rivière en adaptant les pratiques de chaque utilisateur. Nous avons aussi réalisé un guide pratique pour nos adhérents, il contient la carte de notre parcours, la réglementation et des informations sur la vie de notre association.
Ainsi en 2017, toutes les actions entreprises lors de l’année précédente seront reconduites. Les travaux du trou Vogliano devraient être réalisés grâce à la participation de nombreux partenaires financiers et une partie de l’argent récolté par la vente des cartes de pêche. Ces travaux rendront le plan d’eau plus accessible et permettront de contenir un grand massif de renouée du Japon (plante invasive). Plusieurs études seront lancées en 2017 : l’aménagement des canaux Convert, la remobilisation des bancs de graviers de la BRA et le reméandrement de la Morette (exutoire du plan d’eau de Longeville). Cette année sera celle de la restructuration de notre site web, afin qu’il soit 100% compatible avec les appareils mobiles et plus performant. Nous avons aussi commandé un film de présentation pour notre AAPPMA, il devrait être en ligne à la fin de l’année 2017.
Nous avons un système halieutique associatif en France, il n’est pas parfait, mais il a l’avantage d’être démocratique et accessible à tous, pour peu que l’on s’en donne les moyens. On déplore que si peu de pêcheurs s’investissent dans la gestion et la protection, pourtant on a du pain sur la planche pour défendre nos rivières si mal menées.
Parcours sur l'Albarine et le Gardon.
5-Avez-vous un parcours No-Kill actuellement ? De nouveaux projets dans le domaine ?
Nous avions jusque-là un petit parcours no-kill d’une longueur de 300 mètres sur la BRA (Pont d’Ain). D’une part, les tailles pour la première reproduction des salmonidés sont au-delà de 40 cm sur la BRA. D’autre part cette rivière à de gros problèmes de recrutement naturel, les marnages liés à l’hydroélectricité tuent des milliers de juvéniles et d’insectes chaque saison. Depuis plusieurs années les AAPPMA et la FDAAPPMA 01 essaient d’obtenir des tailles légales de captures adaptées au milieu exceptionnel de cette rivière. A chaque demande, les services de la préfecture de l’Ain nous ont déboutés.
Echouage d'alevins suite à un marnage.
Fort de ce constat et de l’urgence d’agir, au vu de l’effondrement de la population des salmonidés de la BRA, notre AAPPMA a mis sur la table les possibilités légales pour protéger les salmonidés, sur une rivière de domaine public. Aujourd’hui en France une AAPPMA à 3 possibilités sur ce type de parcours : soit une augmentation des TLC à leur maximum (truite 30 cm, ombre 35 cm), dans notre cas c’est encore largement insuffisant ; soit la mise en réserve du parcours, cette mesure est halieutiquement très contestable ; soit la mise en no-kill de l’intégralité de nos lots de première catégorie et c’est cette solution qui a été retenue à l’unanimité.
Nous avons donc monté un dossier démontrant la nécessité de la mise en no-kill des salmonidés, sur les lots B20 et B21. Ce nouveau parcours no-kill de 5560 mètres sur les communes de Pont d’Ain et Varambon est inclus à l’ARP 2017, il récompense le travail des bénévoles de notre AAPPMA et souligne la clairvoyance des services de la préfecture de l’Ain.
La BRA à Varambon.
6-Si vous aviez un ou plusieurs souhaits venant des hautes instances (FNPF, élus locaux, etc…) à exaucer, quels seraient-ils ?
La loi pêche est très restrictive en termes de mesures disponibles, certains plans de gestions pratiqués à l’étranger fonctionnent et sont applicables à certains de nos cours d’eau. Malheureusement il nous est impossible à ce jour de tester des mesures expérimentales (fenêtre de capture, maille inversée, etc…). Certes le décret du 7 avril 2016 est une avancée, il en reste un autre à venir, mais nous savons qu’il laissera trop peu de marge de manœuvre pour des gestions novatrices.
Comme beaucoup d’autres AAPPMA, nous avons de gros problèmes d’eau tant quantitatifs que qualitatifs sur nos rivières. Nous souhaiterions que les élus soient plus sensibles et concernés sur ces domaines, l’eau est un bien universel et vital.
La gestion des débits pratiqués depuis de trop nombreuses années par EDF sur la basse rivière d’Ain, n’est plus acceptable. Il est maintenant reconnu que les marnages sont destructeurs pour la faune de la rivière, d’autres rivières ont bénéficié de mesures plus acceptables (Dordogne, Maronne, Doubs…). Sur la basse rivière d’Ain, les mesures proposées puis au final imposées par EDF, sont très en dessous de nos demandes, des recommandations de l’ONEMA et des exigences du milieu. Dorénavant nous ne tolérons plus aucun échouage de poissons ou destruction de frayères et souhaitons que les services de l’état soient plus responsables et fassent enfin appliquer la loi.
Pêche de sauvetage sur l'Albarine.
7-Pour terminer, un message pour tous les pêcheurs qui pratiquent votre linéaire ?
Sur la basse rivière d’Ain, la période estivale peu vite devenir critique pour la survie des salmonidés avec la hausse des températures. Il faut éviter de pêcher les truites et les ombres lors des journées les plus chaudes et surtout à cette période si vous voyez des salmonidés regroupés, ne les dérangez pas. Ces poissons sont dans de apports phréatiques (eau à 10/12°C), si vous en prenez un, il subira un choc thermique en sortant de cette veine d’eau, ce qui le condamnera. Nous voyons malheureusement trop de pêcheurs déranger les ombres avant l’ouverture, la fermeture a pour but de les laisser se reproduire tranquillement et ainsi garantir vos futures parties de pêche. La pratique du no-kill est efficace uniquement si les pêcheurs mettent en œuvre toutes les mesures nécessaires pour assurer la survie du poisson, pêcher avec des hameçons simples sans ardillon, toujours manipuler les poissons dans l’eau, écourter le combat et les manipulations au maximum, etc...
Ombre de la BRA.
8-Merci d’avoir répondu à mes questions et bonne continuation pour la suite à toute votre équipe de bénévoles. Merci de nous donner les liens de vos médias pour celles et ceux qui veulent continuer à vous suivre.
C’est nous qui te remercions Nicolas, pour nous avoir attribué un article sur ton blog passionnant, l’un des trop rares qui traite de tous les aspects de la pêche (environnement, gestion, bénévolat…).
Pour ceux qui souhaitent nous suivre, voici les liens notre AAPPMA :
Commentaires
bravo pour le boulot réaliser des mesures pas facile a prendre mais qui sont assumer et qui essaie d'assurer un avenir pour la peche sur la bra
merci a tous les bénévoles pour leurs boulot