Le 13 juin le peuple suisse devra voter pour des sujets qui me tiennent à coeur. J'aimerais sincèrement avoir l'opportunité de le faire ici en France. Quelques explications sur ce jour très important avec Benjamin.

Nicolas : Bonjour Benjamin. Merci de nous faire une petite présentation et de nous dévoiler tes engagements dans le monde de la pêche en Suisse.

Benjamin : Salut Nicolas, Voici un bref résumé de mon existence, en tant que pêcheur assidu. J’ai 38 ans, pêcheur depuis l’âge de 4 ans, moucheur depuis l’âge de 13 ans, de nombreux voyages de pêche à mon actif, dont un tour du monde de 2 ans avec ma copine, dont le tracé a souvent été orienté vers des destinations où coulent de belles rivières (Patagonie, Canada, Nouvelle-Zélande, Mongolie, …). J’ai même tenté de créer un petit Fly-shop, aventure à laquelle j’ai mis fin, faute de temps à y consacrer (j’ai déjà un boulot à plein temps et d’autres occupations à côté !).

Depuis un peu plus de 2 ans, je me suis engagé au sein du Comité Directeur de la SVPR (Société Vaudoise des Pêcheurs en Rivière) en tant que caissier. J’espère, par certains engagements de ma part, réussir à faire évoluer certaines mentalités sur la pêche dans le Canton de Vaud, mais ce n’est pas de tout repos et souvent ingrat, tu en sais également quelque chose en tant que membre d’un comité d’APPMA !

Bref, je suis un (doux) taré de la pêche, mais c’est un autre sujet que je souhaite aborder ici, qui touche tous les pêcheurs de Suisse.

Nicolas : Le 13 juin, le peuple Suisse devra s'exprimer sur deux initiatives populaires "Pour une eau potable propre" et "Pour une Suisse libre de pesticides de synthèse". Peux-tu nous expliquer en quoi cela consiste ?

Benjamin : D’abord un bref explicatif pour ceux qui ne seraient pas familiers au système civique suisse : Une initiative populaire peut être lancée par n’importe quel citoyen ou groupement de citoyens. Il s’agit de récolter 100'000 signatures, afin de proposer une modification de la Constitution ou d'une loi fédérale et de la soumettre à la votation populaire. C’est ce qui a été fait pour ces deux textes, lancés par des comités indépendants.

  • La première : « Initiative pour une eau potable propre » propose, notamment que :

La Confédération veille à la sécurité de l’approvisionnement de la population en denrées alimentaires saines et en eau potable propre.

Les paiements directs sont exclus pour les agriculteurs qui emploient des pesticides, des antibiotiques à titre prophylactique ou dont le système de production requiert l’administration régulière d’antibiotiques.

Un délai de 8 ans est prévu pour mettre en place ces pratiques.

Les textes complets de cette initiative figurent ici : https://www.initiative-sauberes-trinkwasser.ch/fr/initiative/

  • La seconde « Pour une Suisse libre de pesticides de synthèse » propose, notamment que :

L’utilisation de tout pesticide de synthèse dans la production agricole, la transformation des produits agricoles et l’entretien du territoire est interdite.

L’importation à des fins commerciales de denrées alimentaires contenant des pesticides de synthèse ou pour la production desquelles des pesticides de synthèse ont été utilisés est interdite.

Un délai de 10 ans est prévu pour mettre en place ces pratiques.

Les textes complets de cette initiative figurent ici : https://lebenstattgift.ch/fr/initiative/#initiativtext

Nicolas : Pour votre Conseil fédéral et le Parlement, les initiatives vont trop loin. D’après eux, si elles sont acceptées, beaucoup d’exploitations agricoles produiront moins de denrées alimentaires. Il faudra donc, toujours d’après eux, en importer davantage, ce qui reviendra à déplacer le problème de la pollution à l’étranger. En face, pour les comités d’initiatives, la politique agricole viole le droit à une eau potable propre, menacée par l’usage massif de pesticides, l’utilisation exagérée d’antibiotiques et l’épandage excessif de lisier. Selon lui, il faut réorienter les subventions, car ces dommages écologiques et ces risques pour la santé sont financés par nos impôts.

Je suppose que les associations de pêcheurs sont plutôt favorable aux comités d’initiatives ?

Benjamin : Dans l’ensemble, les pêcheurs sont favorables à ces deux initiatives. Un comité de soutien aux deux initiatives (https://2xoui.ch/) a d’ailleurs été mis en place par des membres du Comité de la FSP (Fédération Suisse de Pêche).

Il n’empêche qu’il y a parfois conflit d’intérêt de la part de pêcheurs proches des milieux paysans. La fédération valaisanne de pêche ne soutient d’ailleurs pas ces initiatives, car trop de ses membres sont proches des milieux agricoles. Côté SVPR, il aura fallu batailler pour que le Comité Directeur finisse par soutenir le camp du 2xOUI après un vote.

Il n’y a toutefois de loin pas que les pêcheurs qui soutiennent ces initiatives, mais également des médecins, des agriculteurs, des agronomes, biologistes et des associations environnementales.

Nicolas : Le débat doit faire fureur dans votre pays entre tous les acteurs pour ou contre. Peux-tu nous faire un retour sur l’ambiance actuelle s’il te plait.

Benjamin : En effet, la bataille fait rage ! Les agriculteurs (sur lesquels la pression en général est déjà élevée) sont en grande majorité contre. Ils ressentent ces initiatives orientées contre eux, alors que ce n’est pas le cas. Les initiatives visent l’emploi des pesticides, pas le monde agricole. Mais partout en campagne fleurissent des pancartes dans les champs « 2xnon aux initiatives phyto extrêmes ». L’agro pharma, très présente en Suisse, fait du lobbysme pour que ces initiatives ne passent pas.

Du côté des acteurs du pour (et du contre également), comme expliqué plus haut, toutes les organisations concernées n’arrivent pas à s’unir pour un soutien unanime, même si tout le monde est concerné ! BioSuisse (la faîtière du Bio en Suisse) a d’ailleurs d’abord rejeté les deux initiatives avant de se raviser et de soutenir « Pour une Suisse libre de pesticides de synthèse ».

Le sujet est hautement émotionnel, il y a des débats parfois très virulents sur le terrain, les réseaux sociaux et des affiches et pancartes ont été vandalisées (il ne faut pas oublier que nous sommes en démocratie). Certains agriculteurs soutenant ces textes n’osent pas s’afficher, de peur de représailles…

Mais le débat est lancé, on voit régulièrement de nouveaux reportages dans les médias et la campagne bat son plein.

Les résultats du premier sondage officiel montrent une légère avance aux deux initiatives. Mais rien n’est gagné. Souvent, pour les initiatives populaires, les résultats annoncés dans le 1er sondage s’effritent et pour qu’une la loi passe, il faut la double majorité, du peuple et des cantons.

Nicolas : En conclusion, quelle est ta position personnelle et que souhaites tu dire aux suisses (toujours très nombreux) qui vont nous lire en vue de ce vote.

Benjamin : Comme beaucoup de pêcheurs, j’assiste à la lente agonie de nos rivières et de l’environnement en général depuis bien trop longtemps et il est grand temps que les choses évoluent !

Ma position, en tant que pêcheur et amoureux de la nature, est clairement orientée sur le 2xOUI ! Tous les pêcheurs devraient soutenir ces textes car s’ils ne passent pas, l’état de nos rivières ne peut que continuer de s’empirer.

L’entier de la population Suisse doit se sentir concernée. C’est triste à dire, mais bien que considérée comme le château d’eau de l’Europe, la Suisse dispose de 1 million d’habitants dont l’eau du robinet est contaminée par des pesticides ! Ces initiatives vont bien plus loin que de ne défendre (égoïstement) que nos rivières, elles s’attaquent à des problèmes qui concernent la santé de chacun.

Un pays comme la Suisse, qui se veut souvent exemplaire dans beaucoup de domaines se doit d’empoigner le taureau par les cornes face aux problèmes que représentent les pesticides. Il faut voir ces initiatives comme des opportunités pour changer un système de faire qui, à terme, nous mène droit dans le mur.

Si des lecteurs de cet article souhaitent commander des drapeaux, des affiches ou encore soutenir ces initiatives, n’hésitez pas à commander du matériel (gratuit) sur les sites des campagnes :

https://www.initiative-sauberes-trinkwasser.ch/fr/

https://lebenstattgift.ch/fr/

https://2xoui.ch/

ou à partager certaines de leurs publications sur les réseaux sociaux !

Nicolas : Merci beaucoup Benjamin pour ces informations. Bon combat en terres suisses pour la sauvegarde de nos rivières !

Benjamin : Un grand MERCI à toi pour m’avoir accordé un peu de place sur ton blog dans le soutien à ces initiatives ! En effet, bien que tu ne sois pas directement concerné, car n’habitant pas en Suisse, tu vois tous les jours les effets d’une agriculture trop intensive et des pesticides sur tes cours d’eau. Souhaite-moi que ces initiatives soient acceptées le 13 juin, je te souhaite en retour qu’elles fassent des petits, passent de l’autre côté de la frontière et vous permettent également de protéger vos rivières, entre-autres !