C'est un sujet dont j'ai parlé sur quelques lignes dans mon livre, mais je souhaitais mieux le développer ici. Ce n'est pas un article de plus pour donner des leçons ou que sais-je encore, mais ma façon de voir les choses tout en m'aidant de mon vécu.

La remise à l'eau du poisson et de nos truites dans le cas présent est primordiale si l'on souhaite voir perdurer de bonnes populations dans nos rivières. Très souvent, avant de remettre à l'eau, les pêcheurs, dont je fais parti, aiment garder un souvenir par le biais de la photographie. Que cela soit pour le plaisir personnel, pour le partage ou l'archivage, cette pratique est de plus en plus répandue. Il y a, de mon point de vue, certaines règles à respecter pour que ça ne devienne pas fatal au poisson. Car oui, cela arrive bien plus souvent qu'on le pense...J'en ai fait les frais par le passé, j'ai fait des erreurs qui m'ont ouvert les yeux. C'est aussi le pourquoi de cet article, s'il peut vous éviter de répéter les mêmes erreurs que moi, je ne l'aurais pas fait pour rien.

Pour commencer, il faut bien comprendre ce qu'il se passe. La truite vient de glisser dans l'épuisette après un combat bien mené par le pêcheur. Il faut bien se dire que du moment où la truite sent le fer de l'hameçon, elle ne fait plus qu'une chose, sauver sa peau ! Elle va donc donner tout ce qu'elle a dans le ventre pour échapper à ce piège qui pour elle correspond à la mort. Plus le poisson sera gros, plus le combat se transformera en marathon pour la truite. Il parait alors évident qu'une apnée de suite à la sortie d'un tel effort qui plus est sur une longue durée lui serait fatal. En comparaison, je ne pense pas que le meilleur moyen de récupérer pour un athlète de trail par exemple soit de plonger la tête sous l'eau une trentaine de secondes juste derrière la ligne d'arrivée !    

C'est une des premières erreurs que j'ai fait à l'époque avec mes premiers numériques. Je ne me souciais pas de cela et je manipulais la truite à peine décrochée pour la prise photo...Et puis la lumière n'était pas bonne, le poisson avait bougé,etc...Du coup l'apnée durait...10 secondes, 20, 30...Trop longtemps finalement. Un temps qui nous parait peu mais horriblement long pour la truite. Le poisson finissait par repartir avec une oxygénation de plusieurs minutes, mais pour finir comment ? J'ai fini par retrouver un ou deux poissons morts le lendemain de leurs prises. On se retrouve comme un con, je peux vous le dire. La truite était repartie...Mais pas bien loin, pas bien longtemps.

Aujourd'hui, je laisse le poisson dans l'épuisette sans l'embêter pendant quelques minutes après le combat. Qu'il se calme, que son rythme cardiaque baisse, que son stress retombe tranquillement. Il m'est très rare de voir un poisson qui continu à s'exciter dans une épuisette, à moins que le combat eut été fortement écourté pour diverses raisons.

Pour la prise photo en elle même, deux solutions, la meilleure, laisser le poisson dans l'épuisette et dans l'eau, cela coule de source. On peut faire de très belles photos dans ces conditions en plaçant l'épuisette dans peu d'eau. Cela évite un maximum de contacts avec la truite et donc de manipulations. On empêche ainsi tous les risques liés à l’écrasement d'organes par exemple en serrant trop fort le poisson. Dans un deuxième cas, on peut aussi porter le poisson délicatement très peu de temps pour le présenter à l'objectif sans le serrer. J'avoue que cela m'arrive encore de procéder comme ça car c'est, de mon point de vue, la manière où l'on se rend le mieux compte des proportions du poisson. Je procède de cette manière lorsque les conditions sont bonnes, c'est à dire lorsque la température de l'eau reste correcte. Avec une eau supérieure à 16-17°C, pas question de sortir le poisson de l'eau, ça ne serait raisonnable pour sa survie. C'est déjà des conditions plus que limites pour aller à la pêche d'ailleurs.

Les gros poissons restent très calme dans la plupart des cas pour ce genre de photo.

10333560_922088917808200_1421150588238014152_o.jpg

Pour diminuer le temps d'apnée au maximum, je procède de la façon suivante lorsque je suis seul. Je met mon appareil en mode rafales séquencées, c'est à dire que je le règle pour qu'il me fasse 4 photos toutes les 10 secondes à partir du moment où je clic sur le déclencheur. J'ai tout le temps de trouver un endroit stable pour poser l'appareil en attendant que la truite reprenne ses esprits. Elle est dans l'eau, tranquille. Une fois l'appareil en place, je me positionne devant en restant assez proche. Le manche de l'épuisette entre les jambes, la truite toujours dans l'eau. Je clic sur le déclencheur. La première photo est perdue puisqu'elle se prend de suite. Il me reste à compter jusqu'à 8 en sachant que la photo se prendra à 10 secondes. Il me reste à passer les deux mains sous le poisson délicatement en comptant. A 8 secondes, je le retire de l'épuisette et le présente à l’appareil. Clic ! Je le remet dans l'épuisette et compte de nouveau. Si vous me suivez bien, je fais faire à la truite 3 apnées de 3 ou 4 secondes maximum. Certains trouveront que c'est déjà trop...Mais je le répète, j'aime bien ce genre de photo. Je passerai un jour certainement à autre chose pour ne plus avoir du tout de contact avec la poisson, ce qui est le mieux.

On voit encore le filet d'eau sous la gueule du poisson, signe qu'il sort de l'eau au dernier moment.

7.JPG

Bien évidement, lorsque l'on est deux, la question ne se pose pas, il est très facile de faire un photo de ce genre en minimisant les apnées au plus court et en nombre. Après tout cela a ses propres limites vis à vis de la mentalité de chacun. Au jour d'aujourd'hui, je me tiens à cela, si les photos ne sont pas réussies, tant pis. Il y a quelques années, je vérifiais et il m'arrivait de recommencer. Cette époque est pour moi révolue. Il faut faire des erreurs pour évoluer et surtout les reconnaitre.

Cette année, j'ai croisé quelques pêcheurs. J'ai été le témoin passif de leurs prises photos. Des apnées qui pour moi ont forcément été fatales pour le poisson et le plus souvent pour des bêtises. Les photos ont été prise et reprise pour mieux voir le leurre qui pendouillait de la bouche, pour mieux voir la nymphe plantée dans la mâchoire ou encore parce la casquette avec le sponsor n'apparaissait pas sur la photo. Je n'invente rien, je l'ai vu de mes yeux.

Il m'est très facile d'en parler parce que moi aussi j'ai des mouches à vendre. Je prends les photos sans m'en soucier. Dans la saison, il y en aura forcément une paire où l'on verra très bien la bestiole. Cela est largement suffisant pour aider à la promotion de mes produits. Pareil si je fais le choix par exemple de mettre ma canne à coté du poisson, dans ces cas là, je ne fais pas d'autres photos. Prendre le risque de sacrifier un poisson pour un but commercial est très malsain. Autant le mettre dans une bourriche dans la foulée...Il aura autant de chances de survie à mon avis.

Pratiquer (on va le faire en français ;-) ) la remise du poisson à l'eau vivant est un chose magnifique, prendre des photos permet de communiquer et de sensibiliser sur notre passion commune, il est donc essentiel de le faire du mieux possible. J'ai moi-même des progrès à faire car je m'aperçois que de temps en temps, je manipule encore trop le poisson. Il m'arrive, lorsque je ne veux pas trop perdre de temps, de prendre vite fait une photo en tenant le poisson à pleine main...Il me reste encore du travail pour une remise à l'eau dans les règles de l'art en ayant le plaisir de pourvoir faire une photo souvenir.    

Genre de photo qu'il faut que j'arrive à ne plus faire...La truite posée à côté de la canne dans l'eau aurait été mieux.

IMG_6580.JPG