Une nouvelle série d'histoires va voir le jour sur ce blog. J'ai souhaité revenir sur mes débuts de pêcheur à la mouche. J'en ai souvent parlé ici et là, dans mon livre et sur bien d'autres supports, mais je vais dans cette série revenir plus en détails sur des faits marquants de ma première "vie" de pêcheur, celle que j'ai partagé en autre avec André Terrier. Je sais que les gens de ma génération ainsi que les plus âgés ont toujours en mémoire cet homme extraordinaire. C'est même d'ailleurs à travers leurs retours réguliers que je me rend compte aujourd'hui la chance, le privilège et l'honneur que j'ai eu de cotoyer presque au jour le jour André durant près de dix ans. Pour les plus jeunes, cela sera certainement un moyen de mieux connaitre cet homme qui a tant fait pour la pêche dans notre pays, que cela soit avec ses créations de mouches et de nymphes ou par son émission télévisée, Destination Pêche. Et si toutefois cela n'intéresse personne, c'est déjà pour moi un immense plaisir d'écrire et de me remémorer cette belle période de ma vie de pêcheur et d'homme.

A mes balbutiements de pêcheur en herbe, je connaissais de cette passion naissante uniquement ce dont m'avait appris mon papa. A l'époque, c'était pêche au poser avec de gros vers de terre que l'on allait chercher en bèchant au bord de la rivière. Parfois, on lançait une cuillière, mais la pêche se résumait au poser. C'est comme cela que j'ai pris mes premières truites, c'est comme cela que pêchait mon père. De temps en temps, j'allais aussi avec mon grand-père et mon oncle, eux aussi amateurs de pêche au poser. Pour moi, c'était donc la pêche qu'il fallait pratiquer. J'ai aimé cette période, parce qu'on est dans la contemplation de ce qui se passe autour de nous, à la fois, on a que ça à faire. Assez vite, je me suis posé des questions, car avec cette tenchique, je prenais énormément de petites truites et parfois, cela les abîmait assez sévèrement. J'ai commencé à regarder ce qu'il pouvait se faire de différent pour capturer des truites et des ombres sans les inconvénients de la pêche au poser.

Un soir, alors que j'étais une nouvelle fois bredouille après avoir lancé à de multiples reprises une cuillère blanche à points rouges un peu partout, j'ai fini ma partie de pêche en regardant un autre pêcheur qui lui pêchait à la mouche. Le monsieur en question n'avait rien pris devant moi, mais ces quelques minutes à voir cette soie dans les airs ont allumé en moi cette envie de pêcher à la mouche. J'en ai parlé à mon père dès mon retour de la rivière en bicyclette. Il avait dans son cercle d'amis au village un pêcheur à la mouche. Je ne le connaissais pas...Pas encore du moins.

Les jours ont passé sans que rien ne change. Un vendredi soir de printemps de l'année 1986, mon père m'a dit de monter au foyer rural du village, qu'il y avait une réunion de pêche, une sorte de club.

-Vas là-bas, j'ai prévenu Terrier, il t'attend.

Sans trop comprendre, sans connaitre, je me suis rendu au foyer qui se trouve toujours au même endroit aujourd'hui, soit à 80 mètres de la maison. Il y avait de nombreuses voitures. La porte de la salle de derrière était ouverte, j'entendais des voix. Je suis rentré.

-Bonjour tout le monde.

J'étais très intimidé, je ne connaissais personne.

-Ha ben tiens, voilà le fils à Zébulon s'exclama André. Attendez-moi là 5 minutes les vieux solides, je reviens.

André Terrier cette année là était à peine plus âgé que moi aujourd'hui. C'était un homme avec un sourire permanent. Tout comme sa camel au bord des lèvres ou encore serrée entre ses dents à maltraiter le filtre à la manière d'un bâton de réglisse. Il avait les cheveux long qui couvraient sa nuque. Toujours propre sur lui, il avait un enthousiame débordant et contaminant. Il m'enmena dehors. Il m'a mis en confiance de suite. De sa voiture, son Alfa break à l'époque, il sortit une canne à mouche, une Kunan 9 pieds soie de 5 en 2 brins. Il y avait une soie, un bas de ligne...Il m'a donné une boite à mouches également. Tout était pour moi ! Je n'en revenais pas...Je ne connaissais pas la relation qu'entretenait mon père avec André, mais visiblement, il avait l'air très bon copain.

Alors que tous les autres membres du club continuaient à monter des mouches à l'intérieur de la petite salle que je fréquenterais assidument plus tard, il pris la canne, sorti quelques mètres de soie et se mis à fouetter.

-Tiens, regardes comment on fait. 11 heures, 13 heures...Etc... Tout cela est à toi, entraines-toi un peu demain matin sur l'herbe, je viendrais te prendre après manger pour aller à la pêche. Demain, tu prendras ta première truite à la mouche !

Mes yeux devaient briller comme mille feux. Ce premier contact avait duré si peu de temps et pourtant. J'étais aux anges et avec moi cette impression particulière de connaitre André depuis toujours. J'étais tellement à l'aise avec lui, je crois que dès ces premières minutes, j'aurais pu le suivre n'importe où. Je n'ai pas assisté au reste de la réunion montage de mouches qu'animait André ce soir. Je n'ai donc pas fait la connaissance des autres membres du G.P.S haute rivière d'Ain comme il se nommait auparavant. Je suis rentré à la maison avec mon tout nouveau matériel, fier comme un Pape ! 

-Papa, papa, regardes, j'ai une canne à mouche ! Je ne vais pas à l'école demain matin, André passe me prendre après manger pour aller à la pêche, il faut que je m'entraine.

-Fais comme tu veux répondit mon père.

Il faut dire que mon père n'a jamais été très assidu à suivre mon travail à l'école. Je me suis endormi ce soir là avec des pensées qui partaient dans tous les sens, j'avais tellement hâte d'être au lendemain. Et pas forcément pour la pêche voyez-vous, mais pour être en compagnie de cet homme, André m'avait déjà conquis. Mais ceci est une autre histoire....