J’ai assisté dimanche dernier à l’assemblée générale de la société de pêche de Champagnole (39). J’y vais par habitude « en voisin ». N’étant pas sociétaire, je reste bien à ma place en mode spectateur sans demander la parole même si parfois, je ne vous cache pas que l’envie est très forte.

Champagnole a toujours été connu comme le noyau fort de la population de truites sauvages de la haute rivière d’Ain. Et même aujourd'hui comme le dernier bastion jurassien de cette espèce en danger. Suite à cette assemblée, on est en droit de se poser la question. Pour combien de temps ?

Des chiffres, des analyses et autres graphiques nous ont été présentés par le responsable du pôle technique de la fédération de pêche du Jura lors de cette assemblée. Ceci afin de mieux comprendre les données des dernières pêches électriques effectuées sur le linéaire de l’AAPPMA de Champagnole. Les résultats sont édifiants voir terrifiants à mes yeux.

Que cela soit en terme de juvéniles ou pour les géniteurs, les chiffres sont anormalement bas (pour les connaisseurs, on parle de 65kg/ha pour les truites pour 2017). Le secteur pêché est, au vu des archives chiffrées disponibles, le plus vieux du département. C’est donc très représentatif. On distingue bien sur les courbes une chute inexorable du cheptel piscicole depuis de nombreuses années.

Il parait évident que la mise en place du No Kill sur ce linéaire en 2018 ne suffira pas. Pour autant, c’est une mesure obligatoire pour tenter d’enrayer la chute et conserver un noyau de truites suffisant pour la reproduction. La seule mesure finalement que peuvent mettre en place les pêcheurs. Sur ce sujet, il va d’ailleurs falloir réfléchir au plus vite pour mettre en place un no-kill généralisé sur toute la rivière d’Ain comme cela se fait sur la Loue voisine. Ceci afin de conserver un infime espoir de conserver assez de truites sauvages locales si toutefois la qualité devait s’améliorer dans un avenir proche.

Pour en revenir à cette assemblée, et bien que le maire de Champagnole, présent ce matin-là, m’a paru sensibilisé sur le sujet de la qualité de l’eau, je pense qu’il est très loin d’imaginer l’urgence de la situation. Et ça, c’est notre travail de lui faire comprendre, comme aux autres élus du département. Même si parfois, cela donne l'impression de parler aux murs.

Pour l’année 2018, il faut croiser les doigts pour avoir de l’eau cet été, que l’étiage ne soit pas trop sévère, que la température de l’eau ne monte pas trop. Car les chiffres le montre de façon implacable, quelle que soit la réussite du frai au printemps, si l’étiage est trop sévère, la grande majorité meurt…Comme les adultes d'ailleurs.

Attention, à l'instar du journaliste qui a rédigé un article sur le sujet, il ne faut pas confondre facteur impactant et facteur aggravant. Nos élus ne s’y trompent pas d’ailleurs, ils prennent ce réchauffement climatique comme figure de proue à tous les maux qui touchent la rivière. Non, le facteur impactant n’est autre que la qualité de l’eau et seulement ça. Certes, l’étiage aggrave les choses, mais un étiage avec une eau de qualité, ça se passerait bien autrement. Un étiage avec une eau polluée, c’est la mort qui fait sont apparition de façon récurrente.  

Au final, je n’ai pas été surpris des chiffres que j’ai entendu à cette assemblée. Pour les personnes qui suivent ce blog, pour mes amis que je côtoie tous les jours, vous savez que j’ai alerté tout le monde sur les nombreuses mortalités de truites que j’ai pu observer de mes yeux durant l’année 2016 surtout, et aussi en 2017. Des cadavres de truites par-ci, par-là durant toute l’année…Jamais en nombre conséquent, mais à chaque sortie je voyais au moins un poisson mort. Cela m’avait poussé à demander une fermeture anticipée en août 2016. Fermeture finalement effective en septembre à une semaine du terme règlementaire car tout le monde ne paraissait pas d’accord sur les faits. Alors aujourd'hui, j'ai plusieurs sentiments qui se mêlent parce que je sais très bien ce que j’ai vu, je sais aussi le nombre de jours que je passe au bord de cette rivière. Oui, cela fait deux ans que les truites partent sans fracas, dans un silence de mort, mais elles partent et se font de plus en plus rare. Ceci est un fait, c’est la réalité. Voilà deux ans que j'ai l'impression qu'on minimise nos témoignages, nous pêcheurs qui vivons la rivière au jour le jour...Avec ces chiffres, avec ces conclusions qui recoupent nos dires, est-ce-qu'un jour on nous écoutera vraiment ? Un jour peut-être, mais bien trop tard, c'est certain.

Alors dans un petit mois, le jour de l’ouverture sera là, et nombre de pêcheurs iront sur les berges de cette fabuleuse rivière sans même se soucier de ce triste phénomène. Par ignorance, pas négligence, ou de façon inconsciente. Il y aura aussi ceux qui le savent, ceux qui répètent sans cesse qu’il y a de moins en moins de truites…Mais qui au final s’en contre fiche. S’ils arrivent à prendre une ou deux truites le 10 mars, ils les garderont comme si de rien n’était.

De mon côté, je me suis assez lamenté sur le sort de cette rivière, j’ai assez crié pour elle son malaise, souvent dans le vide. J'ai passé de très mauvais moments à en oublier de prendre du plaisir sur ses berges. Le plus glauque des cauchemars pour moi. Je vais prendre le recul nécessaire pour profiter moi aussi de ce qu’il reste tout en continuant mon travail de président d’AAPPMA consciencieusement, mais en n'oubliant pas de pêcher (ce qu’il reste)…

Je n'ai pas fait cet article dans un esprit défaitiste, non. C'est uniquement pour que chacun soit bien conscient de la réalité. Il y a 2 ans, vous avec été nombreux à penser que j'exagérais, certains sont même allés beaucoup trop loin...Aujourd'hui, la vérité des chiffres ne peut être contredite. La pêche de la truite sauvage dans le Jura est à un tournant de son histoire, et c’est certainement le dernier…Il est urgent que tous les acteurs fassent front pour cette rivière qui est à bout de souffle.

Pour souvenirs, été 2016...