Belle, splendide, merveilleuse…C’est les qualificatifs qui me sont venus de suite à la vue du poisson que m’a offert la rivière ce dimanche matin. Je n’étais pas allé à la pêche depuis notre retour de vacances. Pas d’envie, pas de motivation…La rivière d’Ain est vraiment très basse, très sale…Je n’avais aucune envie de me rajouter à cela pour empêcher les truites de passer cette période sans encombre.

D’ailleurs, les quelques messages reçus par des pêcheurs pratiquants la rivière d’Ain allaient malheureusement dans ce sens. Toujours des mortalités ici où là en particulier sur le très fragile parcours en aval de Pont-Du-Navoy jusqu’à Châtillon. Des truites avec des yeux blancs ont été trouvées, des ombres morts. A se demander comment chaque printemps on retrouve une ou deux truites sur ces linéaires. Enfin, de moins en moins.  Ces truites farios sauvages sont décidément hors normes. Il suffit d’additionner tous les maux qui les agressent en permanence pour le comprendre facilement. De toute évidence, nous, pêcheurs, ne voyons pas tous les choses de la même manière. Malgré un énorme déficit dans les populations, la majorité des pêcheurs continue à prélever leur poisson comme la loi les y autorise. Si en tant que bénévole en AAPPMA et en Fédération départementale je me dois de le respecter, en tant que pêcheur passionné de cette rivière d’Ain, je ne le comprends plus. A cela s’ajoute les voyous des berges, qui, à chaque étiage viennent se servir en farfouillant les sous-berges et autres cailloux à la main. Au moins deux fois sur notre AAPPMA cette année. Oui, ces truites pour continuer à vivre dans de telles conditions et être assez nombreuses sur les frayères chaque hiver doivent passer tellement d’épreuves. Plus les années passent et plus je suis en totale admiration devant cet animal sauvage qui me donne tant de bonheur depuis tellement longtemps. Je pourrais comme beaucoup de pêcheurs et même d’amis me consacrer à d’autres poissons et ce même avec ma canne à mouche. Mais je n’arrive pas à m’y résoudre. J’accompagnerais les truites de la rivière d’Ain dans leur lente (bien que de plus en plus rapide) agonie jusqu’à la fin.

Tout cela pour dire que dimanche matin j’ai décidé de laisser les truites de l’Ain tranquilles pour me focaliser sur une autre rivière en tête de bassin avec une eau encore très froide malgré la saison. Plus loin de la maison certes, mais une fois n’est pas coutume. Oui, car mon plaisir ultime reste d’aller à la pêche à pied ! Sans forcément être très regardant de mon bilan carbone de pêcheur (quoi que), j’apprécie à sa juste valeur ce privilège de pouvoir aller à la pêche à pied depuis la maison. Au fil des années, je m’éloigne de moins en moins du cocon familiale, et ce même pour monter sur l’amont de la rivière que j’ai tant pêché par le passé. J’aime traîner mes mouches sur ces linéaires où j’ai pratiqué avec André et mon père. J’aime aujourd’hui prendre plus de temps pour regarder autour de moi. Et puis parcourir les chemins et les prés avant d’atteindre la rivière au petit jour tôt le matin à pied plutôt qu’en voiture me convient bien mieux.

 Je reviens sur le poisson de ce nouveau récit. A mon arrivée sur le lieu de pêche du jour, j’ai donc pris tout mon temps. Fini l’époque où je courrais au bord de l’eau tout droit pour matraquer les truites. J’ai monté ma canne tranquillement, mis mes cuissardes et vissé ma casquette sur la tête. Je suis allé en premier lieu sentir un peu la rivière sans avoir monté une nymphe ou une autre bestiole au bout de ma pointe. Juste voir et observer. La rivière était très basse comme toutes les autres. Quelques poissons étaient sortis mais pas très actifs. Je n’avais pas l’intention de rester bien longtemps donc j’ai jeté mon dévolu sur une belle fosse assez profonde en ayant l’idée d’y camper pour la matinée. Le soleil allait monter gentiment et m’éclairer tout ça. Il fallait donc patienter en choisissant bien sa position au préalable et ne plus bouger. Je me suis calé dans un coin d’ombre vers l’endroit le plus profond de la fosse. J’ai d’ailleurs fait fuir une belle truite en arrivant. Obnubilé à regarder le fond de la rivière, je ne l’ai pas vu de suite collée à la surface à l’abri d’un joli bloc. Un peu plus haut que moi, il y avait une ou deux truites qui rodaient mais vraiment tout au fond.

J’ai vu assez vite qu’il y avait un poisson plus gros que les autres, mais la lumière était vraiment trop médiocre. J’avais du temps devant moi et j’ai patienté pour mieux la voir. Je ne souhaitais pas bouger pour comprendre comment la situation allait évoluer. J’ai donc attendu que le soleil tourne un peu. Cette truite se démarquait des autres. Pas un poisson hors normes, mais plus joli en taille que celles qui étaient autour d’elle. Ce que je ne pouvais pas imaginer, c’est qu’elle l’était aussi en apparence. A cette profondeur, impossible de le déceler. Une fois la truite bien dans mon champ de vision et éclairé de façon plus convenable, j’ai tenté ma chance avec plusieurs nymphes sans succès. Peu ou pas de réaction du poisson. C’était en fait très compliqué de lui emmener proprement devant le nez à la profondeur où elle se trouvait. J’étais un peu frustré pour le coup car au final, je ne sais pas encore si au moins une fois j’ai bien présenté ma nymphe à ce poisson. J’ai donc refait ma pointe avec une idée genre « dernière chance » avec un fil plus important en diamètre pour y nouer un petit streamer noir avec une bille laiton orange en tête. Bien plus lourd à lancer, j’ai malgré tout réussi à lui amener avec une certaine précision. J’ai même vu mon streamer couler doucement jusqu’au fond. Quand la truite l’a vu, elle a fait une volte-face pour finir par faire un 360 degrés et ouvrir sa gueule sur ma bestiole ! Au départ, j’étais persuadé qu’elle se tournait pour prendre la fuite. Très surpris de ce changement de direction au final. Je ne me suis pas fait prier pour autant et je lui ai envoyé un joli ferrage. La bête était furieuse. Elle qui pensait boulotter un petit poisson ! Très gros combat en intensité mais court dans la durée. Une grande puissance avec l’impression que la truite a tout donné au départ. J’avoue que j’ai eu bien des maux à la maîtriser en glissant sur les cailloux lorsque j’ai tenté de la suivre. Après, j’étais vraiment monté costaud, donc aucun soucis et j’ai pu la faire basculer sur le flanc après quelques violents rushs. A partir de là, le combat était terminé. Mais c’est aussi à ce moment précis que j’ai pu apercevoir les couleurs exceptionnelles de ce poisson. Une fois dans l’épuisette, j’ai pris un pied terrible à l’admirer. Quelle belle truite ! Une vraie belle gueule comme j’aime, des couleurs peu communes avec ses superbes flancs jaunes et des gros points noirs un peu partout. Vraiment splendide. Un poisson bien en forme pour une fin d’été qui plus est. Que ça fait plaisir de croiser la route d’un tel poisson.

Et c’est là que j’en reviens au début de mon récit. En connaissant la triste actualité de nos rivières, comment peut-on avoir l’idée ou encore le réflexe d’enlever la vie à une telle truite sans se rendre compte que ce genre de poisson est devenu extrêmement rare. Je ne comprends décidément plus certains pêcheurs…