L’histoire de ce poisson n’est pas vraiment banale et j’avoue avoir eu un peu de chance sur ce coup là.  La chance, il en faut à la pêche, et je pense ne pas en voir beaucoup depuis le début de saison. Alors, j’entends par là que je suis souvent au bord de l’eau, mais par forcément quand il faut y être, je pense être passé à côté des gros pics d’activité. J’ai une chance inouïe d’être où je suis au niveau géographique, mais ça ne fait pas tout. J’ai eu des retours de plusieurs copains qui sont venus seulement une ou deux fois et qui sont tombés sur des conditions de rêve, des jours où la plupart des gros poissons sont dehors, des jours où les truites mangent sans trop se méfier.Malgré ma présence assidue à la rivière je n’ai pas connu ces moments fastes cette saison. C’est dans ce sens là où je pense n’avoir pas été chanceux ces dernières semaines.

Me voici donc de bon matin à la rivière en ayant l’idée première d’aller voir un poisson que Thibaut et Hugo ont tenté la veille au soir et l’avant-veille sans succès. Par contre, ils m’ont bien localisé la bête, et c’est forcément un sérieux avantage. Pendant que je m’engage dans le chemin qui longe le petit bout de rivière où ce trouve ce poisson, et alors que j’ai à peine posé mes yeux sur la zone indiquée par les enfants, je vois cette truite. Elle est en train de descendre le goulet dans la zone plus profonde tout en se nourrissant.   

J’observe quelques secondes la scène ainsi que le profil de la zone. Du coup, je décide de descendre assez bas pour contourner le poisson et l’attaquer de l’autre côté, comme me l’a conseillé Thibaut.

Je mets quelques minutes à me mettre en place. Le poisson est devant moi, à portée d’arbalète. Je ne me fais pas prier etlui présente un gammare monté sur hameçon de 14.La truite, d’une très bonne taille, se déplace facilement mais refuse aussi très sûre d’elle mon imitation. Je change de suite pensant que le gosse l’avait essayé avec la même bestiole. Je noue à mon 14 centièmes une cuivre sur hameçon de 16, mais même sanction, la truite se déplace à l’animation pour refuser ma nymphe. J’aurais pu tenter de descendre en 12 centièmes, mais l’endroit est bien trop scabreux avec des caches constituées de grosses racines un peu partout.

Tant pis, je la laisse m’oublier un peu et je reviendrai après avoir fait un petit tour sur la gravière plus en amont. Je tombe nez à nez avec un poisson avoisinant les 65 centimètres  sur ce nouveau poste. Le poisson est magnifique, il se nourrit en prenant des larves au fond, en basculant sur le côté lors de leurs captures. Le spectacle est magnifique. La hauteur d’eau est assez conséquence avec un courant non négligeable. Je remets donc mon gammare sur H14. Mais là, il faut sortir au moins 12 à 15 mètres de soie pour atteindre la truite. Je commence donc à fouetter pour sortir une longueur de soie suffisante et je réalise ma première dérive…Arrivé près du poisson, j’anime légèrement, la truite se soulève et bascule sur le côté en refusant le gammare ! La dérive était en fait très moyenne, je m’en suis rendu compte assez vite. La deuxième le sera aussi avec la même sanction du poisson. Je ne le reverrai pas…

Avec toutes ces grandes eaux, j’ai très peu pêché à distance cette année, et je l’ai payé sur ce poisson avec des approximations, ce qui ne pardonne pas surtout avec des poissons un peu plus âgés comme celui-ci.La pêche à l’arbalète c’est très bien, mais techniquement, ça fait régresser, c’est certain. Je viens encore d’en avoir la preuve. Si j’avais tenté ce poisson avec un mois complet derrière moi d’eau basse et donc une pêche à distance intensive, je pense que la conclusion de la rencontre avec cette truite aurait été tout autre. Je sais ce qu’il me reste à faire pour retrouver un niveau qui permettra de réussir dès la première dérive pour les prochaines fois.

C’est avec ce gros poisson dans la tête que je retourne sur la première zone où j’espère revoir cette autre belle truite qui vit dans un petit bras de rivière. Pas facile d’essuyer un échec comme celui que je viens de vivre, mais le meilleur moyen de l’oublier, c’est de nouveau rencontrer le succès.

Je me positionne comme le matin, mais cette fois-ci, pas de poisson ! J’ai beau regarder dans le profond, rien, la truite n‘y est pas. C’est donc dépité que je contourne le saule en descendant le braspour le traverser et retourner à la voiture.

Alors que je mets un pied dans l’eau, puis deux, je vois ma truite tout en haut du bras, à environ douze mètres de moi ! Ma première réaction est de regarder les ondulations que j’ai provoqué en rentrant dans l’eau…Elles sont présentes, mais minimes, je n’ai pas fait mon éléphant ! La truite ne les capte pas apparemment. Elle est vraiment en amont, dans tout juste 50cm d’eau en train de vagabonder très lentement. C’est à ce moment là que je me suis dit avoir eu un sacré bol de ne pas lui avoir marché dessus, quel couillon quand même ! Le pire, c’est que je savais très bien qu’elle montait là haut en fin de circuit…Belle gourde sans conséquences.

Bon là, faut pêcher plus léger et surtout s’appliquer. Je noue donc un tricho cul-vert sur H12 à mon 14 centièmes. Il ne faut pas que je traine, elle ne devrait pas tarder de se retourner pour redescendre dans le profond…Donc vers moi ! J’ai un petit espace entre les arbres qui va me permettre d’allonger la soie pour atteindre le poisson. Mon échec d’il y a quelques minutes est encore bien présent dans ma tête, mais bon, pas à tous les coups quand même. Il ne faut pas que je pose trop loin de la truite sous peine de voir ma nymphe crocher le fond. Le courant est quasi nul à cet endroit. Ma soie se faufile entre les arbres  et je tente de la déposer délicatement avec un maximum de discrétion. Ma nymphe perce la surface de l’eau à 10cm de la tête du poisson sur son côté droit. C’est exactement ce que je voulais faire. La discrétion du poser est telle, que la truite n’a rien vu. A cette distance, on devine plus qu’autre chose et je suppose que la nymphe coule doucement 2 à 3 secondes après le poser. La truite fait un mouvement de tête bien visible en direction de la nymphe. Tous les voyants sont au vert et me disent que c’est LE moment ! Le ferrage est appuyé car je suis à bonne distance du poisson, il est surtout réussi car la truite est pendue !

La truite ne patasse pas en surface, mais réussi à prendre la veine d’eau aussi faible soit elle pour tenter de rejoindre le profond en aval d’où je suis.  Je récupère ma soie à la main pour rester en contact avec elle du mieux possible. Au moulinet, je n’aurais pas pu aller assez vite…Elle passe devant moi, je lui laisse un peu de soie de nouveau et pendant ce temps, je récupère le reste au moulinet. Le contact est plus intense maintenant et je maitrise de suite mieux ce qui se passe. Pour ces premières secondes de bagarre, ce n’était pas forcément le cas.

La truite finie par fatiguer et se rendre pour terminer sa course dans le fond de mon épuisette. C’est une nouvelle fois une truite toute dorée que j’ai devant les yeux, un poisson un peu maigre vis-à-vis de ce que j’ai pu voir ces derniers temps, mais en bonne forme malgré tout. J’ai bien sur à ce moment là un petit sourire en pensant à mes deux cocos Hugo et Thibaut. Le tricho cul vert est bien planté dans sa mâchoire inférieure, elle ne voulait pas se sauver. Après une photo souvenir, je remets dans son élément cette belle truite qui m’aura rassuré sur mon potentiel de pêche lointaine et sur le fait, que je peux avoir moi aussi un peu de chance…

Un nouveau lingot

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