De retour avec la catégorie interview de ce blog pour mon plus grand plaisir. Je reçois aujourd'hui un pêcheur à la mouche belge. Reconnu dans son pays notamment à travers la compétition, Julien Lorquet l'est un peu moins en France. C'est donc l'occasion pour nous de mieux faire sa connaissance. Bonne lecture à tous. 

Nicolas : Salut Julien. Je suis très content de te recevoir sur mon blog. Peux-tu nous faire une petite présentation s’il te plait pour commencer cette interview.

Julien : Je suis un pêcheur belge, passionné de pêche à la mouche et de nature. J’ai débuté la pêche quand je n’étais encore qu’un enfant, mon papa m’emmenait occasionnellement en étang ou en rivière. Comme beaucoup d’entre nous, j’ai débuté au coup et aux appâts naturels. Il y a une bonne quinzaine d’année j’ai découvert la pêche à la mouche et ça a été pour moi une révélation ! Un an à peine avoir commencé je me suis mis à la compétition car c’était pour moi la seule façon de progresser rapidement, de plus ça donne une autre dimension à cette discipline. J’ai également la chance d’habiter près de la Hollande qui est le paradis du brochet. Voilà quelques années maintenant que je me suis pris de passion pour cette pêche variée et très addictive ! Quand on prend son premier brochet à la mouche, on a qu’une envie, en reprendre un et encore plus gros ! Je comprends mieux maintenant pourquoi on parle de Pike Addict !

Mon invité avec un beau brochet pris à la mouche.

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Nicolas : C’est la première fois que je reçois un pêcheur belge. Je vais donc en profiter pour mieux faire connaissance avec cette belle contrée. Est-ce que globalement, la Belgique est un pays de pêcheurs ? Y’a-t-il comme en France par exemple, un grand nombre de passionnés ou est-ce-que c’est confidentiel.

Julien : Non c’est loin d’être confidentiel, il y a beaucoup de pêcheurs en Belgique. Bien qu’une grande majorité pêche au coup avec les résultats internationaux qu’on leur connait. La pêche à la mode en ce moment, tout comme en France, c’est la pêche au leurre avec l’avènement du street fishing qui attire de plus en plus de jeunes mais les pêcheurs d’eau vive et notamment  les moucheurs sont tout de même bien représentés.  Nous avons la chance d’avoir de très belles rivières en Wallonie. Nous avons une bonne quantité de rivières pour la plupart bien peuplée en truites et ombres. Nous avons du petit ruisseau à truite à la rivière large à ombres, en passant par les rivières moyennes à pentes rapides. C’est un peu la chance que nous avons, pouvoir pratiquer tous les types de pêches et profils de rivières et tout ça à moins de deux heures les unes des autres.

Nicolas : Et la pêche à la mouche dans tout ça ? On connaît tous le salon de Charleroi. On peut donc penser que les pêcheurs à la mouche belges sont bien représentés.

Julien : Bien qu’il y ait assez bien de pêcheurs à la mouche en Belgique, cette discipline est un peu le parent pauvre. Au niveau fédéral il y a très peu d’action pour mettre en avant cette discipline et préserver les cours d’eaux. Sur les cours d’eau publics nous ne pouvons pas parler d’une véritable gestion halieutique mais plutôt de pillage. Mais encore heureux les mentalités changent, principalement auprès des jeunes pêcheurs qui sont de plus en plus conscients de la fragilité du milieu et de l’or qu’ils ont entre les mains. Par contre sur les secteurs privés, il y a de plus en plus d’action en faveur de la préservation du milieu et mise en avant des techniques de pêches sportives (mouche, toc, leurre,…). Ces sociétés de pêche mettent en place des règlements plus dans l’air du temps, en donnant la possibilité d’acheter des permis Nokill, en créant des parcours Nokill et en limitant le nombre  et les tailles de captures. Et cela porte ses fruits, sur ces rivières on y prend énormément de poissons et prouve qu’il est possible de changer les choses.

Belle truite.

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Nicolas : J’ai le souvenir d’un podium en individuel de mon mentor André Terrier aux championnats du monde en Belgique en 1986. Comme en France, la compétition dans ce domaine est une histoire de longue date dirait-on ?

Julien : Oui absolument, pour un si petit pays nous avons eu la chance d’avoir de très bons pêcheurs et bonnes équipes. Malheureusement, la Belgique traverse une période creuse niveau compétition. Bon nombre de nos pêcheurs ont déserté le championnat de Belgique au profit d’opens nationaux et internationaux. Nous avons beaucoup de compétitions Opens avec un niveau très relevé mais ces pêcheurs ne font pour la plupart pas le championnat de Belgique. Mais depuis quelques années et les efforts du comité pour redynamiser la compétition, le nombre de compétiteurs est en nette augmentation, ce qui augure de belles choses pour le futur.

Julien lors d'une compétition.

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Nicolas : Tu es toi-même compétiteur. Peux-tu nous éclairer sur tes résultats nationaux et internationaux à ce jour stp.

Julien : J’ai commencé la compétition en 2003 comme junior, c’était plus par curiosité que pour faire un résultat car j’avais commencé la pêche à la mouche seulement l’année précédente. Cette année-là, j’ai terminé 2ème en rivière et depuis lors, je suis devenu mordu de compétition. L’année d’après je me suis inscrit au championnat senior en D2 alors que je n’avais que 15ans et l’année suivante, je montais en D1.  J’adore ce que cela procure, le dépassement de soi et surtout la perpétuelle remise en question, faculté indispensable pour progresser. Au niveau national, j’ai terminé 4 fois champion de Belgique, 5 fois vice-champion et 3 fois 3ème. Au niveau international, j’ai beaucoup voyagé pour les compétitions, j’ai eu la chance de participer à 5 championnats du monde avec l’équipe belge. J’ai de super souvenirs de ces championnats, c’est une aventure humaine et émotionnelle qu’il est difficile de comprendre si on ne l’a pas vécu. La compétition demande beaucoup d’abnégation, et ces sacrifices ont finis par payer. En 2013, j’ai eu la chance d’obtenir une médaille de bronze individuel en Norvège.

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Nicolas : A quelle place est-ce que tu situes la Belgique au niveau mondial ? Peut-elle rattraper son retard sur les nations dominantes ? Dans quels domaines doit-elle le faire ?

Julien : Je ne pense pas que la Belgique ait du retard au niveau technique, nous avons de très bons pêcheurs qui voyagent beaucoup, notamment en Angleterre. Le problème avec la Belgique c’est que nous sommes très peu soutenu par notre fédération et de nombreux pêcheurs ont arrêté le championnat de Belgique pour se consacrer à des compétitions opens, voir juste arrêter la compétition. Après un passage plutôt creux en terme de fréquentation du championnat, voilà quelques années que nous retrouvons une fréquentation correcte, avec cette année la recréation d’une division 2 après plus de 5 ans d’absence. Dans notre championnat nous avons les pêcheurs pour faire une équipe concurrentielle mais il faut savoir qu’en Belgique, la participation à un championnat du monde est presque entièrement à nos frais, ce qui fait vite une somme ! C’est un frein pour beaucoup de monde et notamment pour les jeunes. Voilà pourquoi depuis le dernier bon résultat de la Belgique en 2003, nous n’arrivons plus à construire des équipes avec 5 «bons » pêcheurs. Mais en plus du regain de fréquentation dans notre championnat, cette année nous allons avoir une aide financière de notre fédération, ce qui a permis de sélectionner pour la première fois depuis 2003, une vrai bonne équipe pour les championnats du monde 2017 en Slovaquie.

Podium individuel en Norvège.

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Nicolas : Dans ton cas personnel, que t’apporte la compétition en tant que pêcheur à la mouche ?   

Julien : La compétition m’a beaucoup apporté. En plus du dépassement personnel qu’elle procure, elle m’a permis de beaucoup voyager et surtout de faire de belles rencontres.

Nicolas : Je t’avoue ne pas connaître les rivières et lacs de ton pays. Je pense que pas mal de mes lecteurs sont dans ce cas. Est-ce que la Belgique possède de nombreuses rivières à truites et à ombres ? Quelles en sont leurs caractéristiques ?

Julien : Comme je l’ai dit précédemment, nous avons de nombreuses rivières riches en salmonidés. En Belgique il y en a pour tous les goûts, tous les types de pêche à la mouche sont possibles. Le pêcheur d’ombre trouvera son bonheur, tout comme le passionné de la pêche de la truite en sèche. Nous avons la chance d’avoir sur la plupart de nos cours d’eau privés, une bonne gestion, pour la majorité une gestion patrimoniale a été mise en place ce qui nous permet d’avoir une bonne population de truites sauvages et sur certains cours d’eau, elles peuvent atteindre des tailles impressionnantes. Nous avons de plus en plus de pêcheurs hollandais, français et allemands qui viennent pêcher chez nous dans les Ardennes.

Rivière belge.

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Nicolas : Tu sais que je suis un grand fan de la pêche en nymphe à vue. Peux-tu pratiquer cette technique chez toi ?

Julien : Nos rivières ne sont pas les plus propices pour la nymphe à vue car le fond des rivières est souvent foncé, donc malgré l’eau claire, il est difficile de repérer les poissons. Quand les conditions de lumières le permettent, il est néanmoins possible de pratiquer cette technique sur certains parcours.

Belle truite, très belle truite même !

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Nicolas : Et toi, quelle est ta technique de prédilection avec une canne à mouche ? Côté poisson, plutôt truite, ou plutôt ombre ?  

Julien : C’est une question difficile car j’aime toute les techniques de pêche à la mouche. La compétition m’oblige à les pratiquer toutes régulièrement, aussi bien en rivière qu’en réservoir. Pour la pêche loisir, je prends du plaisir à toutes les pratiquer et à pêcher tous types de poissons. Mais je dois avouer que j’ai un petit faible pour certaines comme la pêche de l’ombre en sèche ou la nymphe à vue en réservoir.

Poisson exceptionnel.

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Nicolas : D’ailleurs, tu sais un peu tout faire avec une canne à mouche. Tu es également passionné de pêche du brochet. C’est pourtant bien différent non ?

Julien : Oui je suis passionné de cette pêche ! Ce que j’aime dans cette technique c’est qu’elle me permet de faire une coupure dans la saison. Car avec la compétition on est obligé de s’entrainer sans arrêt si on veut rester concurrentiel. Ce qui fait qu’inconsciemment on perd le côté plaisir et détente qu’est censé nous apporter notre passion. Avec la pêche du brochet, je vais à la pêche sans prise de tête et là c’est du 100% bonheur ! La pêche du brochet n’est pas bien différente de la pêche de la truite au streamer si on la pratique de façon « conventionnelle ». Dans mon cas, je dirais que la pêche du brochet telle que je la pratique se rapproche plus de la pêche au leurre. C’est la seule technique dans laquelle je me permets des fantaisies. Si on veut pallier à toutes les situations pour déclencher l’attaque de ce poisson lunatique, il faut parfois ruser en ajoutant des artifices sur sa mouche (rattles, wiggle tail, palette,…).

Le brochet, un poisson qu'adore Julien.

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Nicolas : Côté professionnel, tu as rejoins depuis peu le service commercial des Mouches de Charette. Après une expérience de guide de pêche en Belgique, c’est un nouveau challenge qui s’offre à toi. En partie dans un autre pays qui plus est.

Julien : Oui après une belle année en tant que guide de pêche en Belgique, j’ai eu la chance de rentrer chez mouches de Charrette. Il est certain que ça fait un changement dans mon mode de vie mais c’est un beau challenge et qui plus est de le réaliser avec une équipe aussi sympathique et motivée.

Julien avec la team JMC.

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Nicolas : Cette nouvelle aventure professionnelle va te faire découvrir la France et ses multiples richesses halieutiques. Je suppose que tu as déjà coché quelques rivières sur une carte non ?

Julien : Oui absolument, j’ai déjà repérer de très beaux endroits, je pense que je ne vais pas m’ennuyer cette année. J’ai découvert de belles rivières et plan d’eau juste à côté de la Belgique. Je trouve dommage que ces parcours frontaliers ne sont pas mis en avant car bon nombres de pêcheurs belges ne savent pas qu’il y a de tels bijoux à seulement quelques heures de chez eux.

Nicolas : C’était un souhait de longue date que de vouloir travailler dans le monde de la pêche ou c’est venu par hasard ?

Julien : Depuis que je suis gamin, j’ai toujours voulu travailler dans la pêche mais la difficulté de gagner sa vie juste avec la pêche a fait que j’ai pris une autre direction. J’ai travaillé pendant plusieurs années dans la restauration des cours d’eau et l’étude des milieux aquatiques. C’est ma rencontre avec Herlé Hamon, lors d’un reportage sur les rivières belges pour Seasons qui a été le déclencheur. Surpris du potentiel halieutique belge, il m’a convaincu de me lancer comme guide de pêche en Belgique. C’est à partir de ce moment que j’ai commencé à travailler réellement dans ce domaine.

Tous mes voeux de réussite Julien.

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Nicolas : Pour terminer, raconte-nous un de tes meilleurs souvenirs de pêche, que cela soit avec une truite ou un autre poisson, peu importe.

Julien : Ouf c’est difficile ça ! J’ai tellement de beaux souvenirs de pêche. Que ce soit dans la compétition, en arpentant les cours d’eau de ma région ou les voyages avec les amis ou ma compagne qui est aussi une passionnée de pêche à la mouche. Si je dois en ressortir un c’est peut être mon premier poisson à la mouche en rivière. C’était un ombre pris en sèche sur une red tag, il n’était pas bien gros mais à mes yeux il valait tous les poissons du monde. Un deuxième bon souvenir est mon premier poisson lors de la dernière manche du championnat du monde en Norvège. Je savais que si je prenais un poisson lors de cette manche, j’avais de grandes chances de faire un podium, quand je l’ai pris le temps c’est arrêté et j’ai pleuré de joie. C’est tout ça la pêche et c’est pour ça qu’on l’aime.

Encore un poisson somptueux.

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Nicolas : Merci Julien d’avoir pris le temps de répondre à mes questions. Je te souhaite une pleine réussite pour la suite et je te dis à très bientôt dans le Jura pour pêcher des eaux claires.

Julien : C’était avec plaisir et je compte bien venir cet été te voir sur ta rivière. ;-)

Nicolas : Bon, on ne va pas se quitter comme ça. Je renoue aussi avec la tradition de mes interviews. Je laisse la parole à un proche de Julien. Merci Jason pour ta participation !

Quand Nico m’a proposé d’écrire quelques lignes sur mon Péruvien, j’ai tout de suite accepté !

Je me suis dit « facile quelques lignes sur un ami… » mais après cela je ne savais pas par où commencer…

Par le compétiteur peut-être…celui qui s’adapte un peu plus vite que tous les autres, celui qui sans cesse cherche à améliorer sa technique, son placement, celui qui peut encore maintenant me réciter le nombre de poissons pris par manche, avec telle mouche et sur quel poste lors de notre première compétition ensemble au Domaine de la Salamandre… alors que cela date de presque 7 ans ! Lui, il s’en souvient, comme pour toutes ses autres compétitions d’ailleurs…

Ou alors par le pêcheur… celui qui aime se retrouver au bord de l’eau aussi bien pour regarder les  grosses truites frayer sur les bords de la Vesdre que la canne à la main pour prendre quelques mois plus tard ces mêmes truites.

Cependant, il peut aussi apprécier quelques heures de pêche en hiver avant que nous allions prendre un irish coffee pour nous réchauffer, bien sûr…

Les deux compères.

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De plus, ce pêcheur peut aussi prendre plaisir à prendre un bel ombre dans son jardin qu’un brochet hollandais ou encore une petite truite italienne sur laquelle il va s’émerveiller car elle a quelques pointes de plus ou de moins que la précédente.

Ou encore, le voyageur… celui que j’ai la chance d’accompagner pour des trips extraordinaires, enfin parfois car il faut bien admettre, certains ressemblaient plutôt à des « very bad trip » ! J’en ai pour exemples des plus avouables : prévoir une sortie float en Hollande et se retrouver avec un seul boudin gonflé ou se tromper de palme en ayant pris des trop petites ! Ces nuits en tente dans le Val d’Aoste alors qu’il gèle pratiquement, sans parler des douches glacées à l’aube… mais encore se perdre à pied dans le centre de Rotterdam pour retrouver l’hôtel. Ha sa fameuse théorie du carré, facile : « 1ère à droite 4x, et on y est…euh, non, on est perdus… » …enfin non, égarés parfois, perdus jamais ! Un dernier exemple pour la route, ses changements de plan à la dernière minute ! Bon je dois bien l’avouer, je ne pourrais me passer de ces moments partagés avec lui, j’en ai besoin et j’aime à penser qu’il en a autant besoin que moi…

Alors je terminerai simplement par le plus important pour moi dans tout cela : mon ami, mon meilleur ami…celui que j’ai au téléphone tous les jours, plusieurs fois par jour, celui qui me motive à me mettre à l’étau par ses idées de montages, qui relativise pour moi, qui me ramène un peu sur terre quand j’ai parfois la tête trop haut dans les étoiles (même si parfois c’est aussi valable dans l’autre sens…). Puis c’est aussi celui qui me remonte le moral quand j’ai un petit coup de blues, celui qui me fait lever à des heures improbables pour aller jusque chez lui prendre un « petit déjeuner offensif » avant l’ouverture de la pêche ou avant une journée spéciale, car oui, peu le savent mais c’est aussi un excellent cuisinier !

Alors pour tout cela et bien plus encore, je voulais te dire merci d’être là, de me supporter, merci mon ami !

Ton Polonais

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