Je reçois aujourd’hui un ami de toujours rencontré lors de mon adolescence et que je voulais vous faire connaître. C’est un pêcheur hors pair et un amoureux fou de sa rivière. J'ai eu peu de choix parmi les photos, Jean-François n'est pas homme a se promener avec un APN :-)

Nicolas : Jean François, pouvez vous nous faire une rapide présentation ?

Jean François : Alors, Jean-François Dubat, jeune retraité, ancien modéliste-sculpteur. J’ai deux enfants, Audrey et Romain.

Jean-François et son fils à Trept
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Nicolas : Alors racontez nous un peu comment vous êtes venu à la pêche et plus particulièrement à la pêche à la mouche ?

Jean François : Je suis venu à la pêche en faisant connaissance avec mes futurs beaux-frères, au début des années 70 (Il n’y avait pas de pêcheur dans la famille). Ils ont insisté, et je me suis retrouvé à pêcher à la traîne au ver de terre. Puis, très rapidement je me suis intéressé à d’autres techniques. Mais le jour où j’ai vu un moucheur (cela était rare à l’époque à Sirod), j’ai compris que cette technique devait être très attrayante.
J’ai donc appris les bases de la pêche à la mouche seul, malgré les promesses d’échec de la part de mes collègues pêcheurs (il n’y avait pas non plus d’école de pêche à l’époque). Il y avait deux moucheurs renommés à Sirod : Guy Jacquand et Marcel Jacquin. Je n’ai pu que les observer car je ressentais une certaine réticence à ce qu’il y ait un troisième moucheur sur le secteur. Mais c’était ainsi à l’époque, surtout n’étant pas natif de Sirod !

Mon invité sur une photo d'époque!
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Nicolas : À la suite de notre rencontre, je vous ai emmené au G.P.S où vous avez fait la connaissance d’André, une rencontre qui marque un homme non ?

Jean François : Oui bien sûr, André Terrier a été une rencontre déterminante. Toi et André avez insisté pour que je fasse de la compétition (en 1991 je crois) et je ne le regrette pas, crois moi.
Avec vous, j’ai découvert d’autres manière de faire et surtout d’autres rivières et lieux de pêche (Chez Sanso, les Carlits…) Etant assez retissant au voyage, c’est grâce à vous que je l’ai fais.
Je me souviens de la première compète en D1, c’était sur les Nives à St Etienne de Baigorry. Rude expédition, mais dorénavant cela va mieux. Et aller rencontrer les collègues moucheurs est toujours très motivant et enrichissant.

Ici sur la Clarée lors d'une manche de D1
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Nicolas : Parlons montage, vous avez toujours une approche particulière de l’imitation en s’appuyant sur le naturel et la sobriété, pourquoi ces choix ? Pourquoi ne voit-on pas dans vos imitations de brillant, de couleur fluo………….. ?

Jean François : Il n’y a pas beaucoup de doré et de fluo dans mes boites à mouches, pour la simple et (bonne ?) raison que je n’ai jamais vu de bestioles qui y ressemblaient (dans toutes les rivières que j’ai fréquenté jusqu’à présent).
Dans certaines circonstances, et surtout le genre de poissons pêchés (truite de crique) , le fluo et autres guirlandes peuvent me faire craquer !

En plein montage dans un petit chalet sur le Verdon où l'on était ensemble.
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Nicolas : La nymphe à vue est la technique reine à vos yeux et de très loin, c’est une question que j’ai déjà posé à d’autres invités, mais je voudrais le lire avec vos mots, qu’est ce qu’elle a de plus que les autres cette technique, qu’apporte t-elle en plus ?

Jean François : La pêche en nymphe à vue est vraiment la technique reine à mes yeux. Même une truite qui gobe, je chercherai toujours à la voir avant de la pêcher.
Je vais avoir bien du mal avec mon pauvre vocabulaire à exprimer ce que je ressens à ces moments là. Il y a déjà la recherche du poisson qui est très intéressante dans des lieux magnifiques. Quand le contact visuel est établi, là, cela devient très existant. Plus rien n’existe, il y a moi et le poisson, on est dans une bulle. Et voir le poisson se déplacer pour venir happer ou pas…Ce sont des moments vraiment exceptionnels. Je sais, c’est un jeu de gamin, mais même à mon âge, cela me convient parfaitement. Le bout de la canne à mouche tremble toujours dans ces moments là et le palpitant bat la chamade.
Je respecte bien sûr les autres techniques, mais attendre que le bouchon coule ne m’amuse plus beaucoup.

Jean-François à l'affût!
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Nicolas : Après tant d’années de pratique, apprends t-on encore des choses en matière de nymphe à vue ?

Jean François : J’apprends encore des choses en matière de pêche à vue. Sinon je ne pêcherais plus beaucoup je pense. Là est tout l’intérêt de cette pratique. J’espère encore chercher longtemps. C’est tellement merveilleux de chercher. Tu le sais comme moi, il faut une concentration extrême pour la pratique de cette fameuse pêche à vue.
La recherche du poisson, l’approche, le positionnement, le choix de la nymphe, la présentation de celle-ci (essentielle). Voir le poisson qui se déplace pour happer l’artificielle est un moment d’intenses émotions. La capture du poisson n’est rien par rapport à tous ces instants. Les tracas et les soucis de la vie sont bien loin pendant ces moments, on est dans une bulle.

Sur la BRA avec une 50+ prise à vue bien sur!
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Nicolas : Parlez nous un peu de votre jardin, la Haute rivière d’Ain, joyeux de notre beau Jura, on a vu pas mal de rivières différentes tous les deux, mais la notre reste au dessus dans nos cœurs, parlez nous un peu de cette rivière ?

Jean François : Malheureusement, même si notre haute rivière d’Ain est encore enviée par bien des amis moucheurs d’autres régions, elle n’est plus ce qu’elle était. Il y a 40 ans que je l’a parcours et je l’ai vu se dégrader d’années en années (moins de mouches et de poissons).
Je me souviens que lorsque j’ai commencé à pêcher, les vieux pêcheurs me disaient qu’il n’y avait plus de poissons, alors qu’un « bon pêcheur » pouvait en prélever plusieurs centaines dans sa saison. Alors imaginons….
Evidement, la haute rivière d’Ain reste ma préférée, comment cela en serait-il autrement. Quand on y passe des centaines d’heures, de mai à septembre presque tous les jours, quand les conditions le permettent. Le décor est aussi exceptionnel. Même si nous y sommes habitués, je prends encore le temps de regarder ailleurs que le fond de la rivière.

Ici, avec un beau poisson
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Nicolas : Vous connaissez cette rivière depuis un grand nombre d’années, comment voyez vous son avenir ?

Jean François : Hélas, pour ma part, je suis plus que réserver sur son avenir. Comme je le dis précédemment, le milieu s’est considérablement dégradé (dans les années 70, nos prédécesseurs le disaient déjà !) Mais il y a aussi et surtout la gestion du cheptel piscicole qui est à revoir.
Actuellement avec une équipe de copains élus récemment à l’AAPPMA de Sirod, nous allons essayer de faire évoluer les choses mais nous nous heurtons à l’administration fédérale qui ne veut rien comprendre. Malgré tout, nous avons rencontré le technicien de la fédération du Jura qui nous a donné l’espoir !?! de parvenir à faire évoluer les choses dans le bon sens.

Quand au secteur de l’AAPPMA de Champagnole, il est dépourvu de parcours où l’on ne garde pas le poisson. Ceci est plus que lamentable à l’heure d’aujourd’hui. Il en existe à peu près sur chaque rivière digne de ce nom en France.

Je me permettrai pour conclure quelques phrases de Léon De Boisset qui dans les années 40/50 disait : « l’accumulation de coupables négligences a rendu la pêche à la mouche bien misérable dans notre merveilleux pays. Il n’est pas opportun d’exposer ici les nombreux remèdes qu’on propose tous les jours d’apporter à ce fâcheux état des choses. Certains sont anodins, beaucoup sont bons, quelques uns excellents. Tous seront voués à l’échec tant que, commençons par le commencement, on ne sera pas décidé, dans le pays de Descartes, à ne plus marcher la tête en bas »

J’ai espoir sur notre parcours de Sirod si…. !!!

La belle haute rivière d'Ain!
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Sur cet interview, je ne reçois personne pour parler de Jean-François, je vais le faire moi-même !

Ensemble, sur un podium de la coupe d'automne!
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Comme je vous le disais, on s’est rencontré alors que je devais avoir 14-15 ans. Je l’ai emmené au GPS haute rivière d’Ain où il a fait la connaissance d’André. On s’est toujours très bien compris et c’est une personne que je respecte au plus haut point.
Jean-François est le genre de pêcheur que j’apprécie, très discret au bord de l’eau, très sobre dans sa façon de faire ainsi que dans ses boites à mouches, une approche de la pêche liée à une connaissance parfaite du milieu et de sa faune. D’ailleurs ses connaissances l’amène à faire des imitations plutôt réalistes que des artificielles d’ensemble et c’est pour ça qu’il a toujours été un très bon complément à ma façon de voir les choses.
Jean-François a aujourd’hui plus de 60 ans, mais au vu de son efficacité avec une canne à mouche, cela ne se voit pas du tout.
J’ai une profonde admiration pour cet homme qui a appris beaucoup de choses seul dans son coin, à chercher, toujours chercher, et ce qui est moins facile, a créer des choses extraordinaires. J’ai dans ma boite, quelques imitations made in Jean-François, c’est des nymphes fantastiques, qui à première vue ne donnent pas forcément envie, mais qui en fait, sont redoutables.
Il fait toujours de la compétition et il est devenu le doyen de la première division, lorsque l’on connaît le niveau d’aujourd’hui, c’est un véritable exploit de tenir tête a tous ces jeunes !
Je suis très fier de l’avoir parmi mes amis, et je vous souhaite de le croiser le long de la haute rivière d’Ain, prenez le temps de l’observer, prenez le temps d’échanger quelques phrases avec lui, c’est un véritable régal que de côtoyer cette mémoire vivante de notre rivière .