Voilà un article issu de mon expérience personnelle qui pourra éventuellement aider d'autres papas. Je ne m'avancerai surtout pas à vous dire que c'est ce qu'il faut faire car chaque situations est différentes. C'est avant tout pour donner quelques pistes si toutefois vous vous questionnez. Bien entendu, ce que j'ai vécu avec mon fils lors de son apprentissage est lié aux eaux claires de nos rivières calcaires.

  • Le tout début.

A quel âge un enfant peut-il commencer à pêcher à la mouche ? C'est la question que l'on se pose le plus souvent. Pour moi, il n'y a pas de réponse à vrai dire. Avec mon fils, j'ai d’abord commencé à lui faire aimer les poissons, l'eau, les insectes...En aucun cas je me serai vu lui donner des cours de lancer dès le premier jour...Donc, je dirais que dès qu'il a su marcher, j'ai commencé à lui faire découvrir "les bêtes" qu'il y avait dans l'eau...Que de lui même, par la suite, il soit attiré par ce milieu. C'est forcé la main bien entendu, mais je ne le regrette pas du tout et l'assume totalement aujourd'hui. L'objectif de ces découvertes et qu'il ait envie d'en savoir plus. Qu'il ait envie de toucher ces poissons qui nageaient devant lui...

C'est essentiel à mon avis. Et à faire avant toute chose.   

Toujours au bord de l'eau dès le plus jeune âge.

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A environ quatre ans, je suis passé à la deuxième étape, lui faire aimer la pêche proprement dite. Pour se faire, j'ai pensé à l'époque que le meilleur moyen était qu'il puisse prendre des truites de suite sans réfléchir et le plus souvent possible. Je ne sais pas si j'ai eu raison, mais j'ai vraiment eu peur qu'il se dégoute très vite au départ sans connaitre cette sensation de tenir le poisson qui fût la base de son apprentissage. Bien sûr, le plus facile étant d'avoir des truites arc en ciel sous la main assez facilement (pour ma part, j'avais un petit bassin derrière la maison). Je souhaitais qu'il devienne pêcheur oui, mais de préférence à la mouche. Pour tenir ses premières truites, il lui fallait donc une canne à mouche et rien d'autre.

L'histoire de la première canne de Thibaut remonte encore plus loin que ses premiers pas. Il n'était pas né en fait. En couple assez jeune, on avait le même but avec ma chérie, fonder une famille. Très tôt, j'ai commencé à mettre de côté des talons et autres scions de cannes cassées ou usagées. J'avais ma petite idée en tête. De souvenir, j'avais un talon seul et quelques scions. J'ai bricolé comme j'ai pu le tout pour que deux éléments arrivent à se marier pour une longueur totale d'un peu plus de six pieds pour cette canne raboutée. La difficulté d'un enfant, surtout à quatre ans, c'est la taille de sa main. Cette étape est venue au dernier au moment. Je lui ai fait tenir sa future canne pour connaitre la portée de sa main. J'ai ensuite usiné le liège à la forme de cette dernière pour qu'il puisse bien tenir son nouveau jouet. 

Adaptée à sa petite main.

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Le reste devenait facile. Un bassin fermé, des arc en ciel, un peu de pain pour les exciter et pour attirer l'attention du gosse, une nymphe imitation "pain" au bout d'un vingt-deux centièmes et le tour était joué. Thibaut a pris (sans savoir comment ) ses premières truites "à la mouche" à 4 ans. Sans savoir comment oui...Il ne faisait guère la différence entre sa nymphe et le vrai pain, je lui disait donc de ferrer...Et ça fonctionnait. Il en redemandait sans cesse, touchait les poissons, riait, s'amusait et me demandait tous les jours d'aller pêcher...Déjà !! J'avais l'impression d'avoir gagné mon premier pari en quelque sorte. Le jeune papa que j'étais à l'époque était aux anges. 

Cela à duré presque deux ans sans que l'on passe à d'autres étapes. Le principal changement était qu'avec le temps, il arrivait à mieux connaitre l'instant où il devait ferrer. Il prenait lui-même cette décision de temps en temps sans quelle soit bonne à chaque fois, loin de là. Alors, ça parait très facile tant la nymphe était énorme et les truites bébêtes...Mais pas tant que ça pour un mioche de 5-6 ans. La progression était en route en fait. On pouvait le remarquer de semaines en semaines. Et puis il commençait tout seul à vouloir lancer plus loin. Il faisait de grands gestes d'avant en arrière, tapait la canne au sol, emmêlait tout le peu de fil qu'il avait...Je ne disais rien, pour moi, ce n'était pas le moment. je réparais toujours tout sans rien dire. Le but était qu'il se vaccine définitivement à vouloir prendre des truites, qu'il aime ça plus que tout pour ensuite vouloir évoluer et connaitre ces sensations plus tard en milieu sauvage. J'avais d'ailleurs en parallèle un discours sur l'endroit et la différence sur les truites que je pêchais moi-même. Les informations s'imprimaient à mon avis petit à petit malgré son jeune âge. C'est toujours très surprenant à voir comme un gosse peut apprendre vite.

  • Les premiers pas.

Le grand jour était arrivé. Thibaut avait six ans il me semble. Je pense que c'est bien en sachant que les deux premières années, les sorties seraient espacées car jusqu'à huit ans, c'est compliqué de conserver l'attention d'un gamin de façon trop répété. La rivière, enfin, il allait connaitre la rivière avec sa canne à pêche. Parce que bien évidemment, je l'emmenais en promenade famille très souvent le long de l'Ain et de ses affluents à la découverte de ce monde merveilleux.

Ce jour là, son parrain nous accompagnait et un autre jeune plus âgé que Thibaut à qui j'ai appris quelques petits trucs également. Thibaut ne savait pas lancer. Je ne souhaitais pas lui apprendre cela devant la maison, je voulais qu'il prenne du plaisir et donc la rivière, était à mon avis plus adaptée qu'une cour de cailloux. Il ne faut pas rêver, six ans, c'est très petit. La rivière choisie était d'une largeur de six à huit mètres. Quelques chevesnes de tailles modestes pour espérer avoir des gobages quand on le désirait. Son premier chevesne, il n'est pas arrivé à lancer. Je l'ai fait à sa place et lui ai vite donné la canne en début de dérive de la mouche. Je l'ai fait de nombreuses fois bien plus tard pour la nymphe à vue. Le gosse a repris sa canne, il suivait sa mouche, le chevesne la prise et nous trois derrière on a poussé tous les même cri : ferre !!!! Voilà comment cela s'est passé, rien d'extraordinaire. La suite n'est qu'une longue, très longue école de patience...

Premier poisson sauvage.

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  • Savoir faire de son enfant sa priorité 

J'entends par là qu'il faut choisir. Je suis certain que c'est une des clés de la réussite. Quand on part à la pêche avec un môme aussi jeune, de deux choses l'une. Soit le papa pêche et le gosse regarde en apprenant (avec une participation visuelle de l'enfant à travers ce qui se passe, c'est mieux) soit c'est le gosse, mais dans tous les cas, il n'y a qu'une seule canne. Sinon, le gosse, même sur de courtes durées, est laissé à lui-même et peut très très vite en avoir ras le bol. Dans mon cas, je privilégiais le fait que Thibaut pêche. Alors oui, c'est du temps, c'est parfois même très frustrant quand il y a une grande activité, mais c'est à mon avis un passage obligé si bien sûr vous faites débuter votre enfant aussi jeune. J'ai toujours privilégié l'acte de pêche. Je n'ai pas enquiquiné mon gosse avec les nœuds par exemple. Je lui faisait tout. Bien ou pas, je ne sais pas, mais mon souhait était qu'il ne prenne que du plaisir au bord de l'eau. Ma hantise était qu'il s'ennuie au bord d'une rivière et qu'il ne veuille plus y retourner.    

Déjà un tout petit peu de savoir faire.

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Au niveau du matériel, on a très vite évolué pour une neuf pieds. Il a eu aussi une huit pieds et demi. En fait, Thibaut a pêché la plupart du temps de ces premières années à l'arbalète et à vue. C'est la technique la plus abordable sur nos rivières. Celle où il avait le plus de chance de prendre des truites et surtout de comprendre en voyant très près de lui ce qui se passait. Bien sur, cela demande des rivières claires. Je ne sais pas du tout comment je m'y serais pris dans des rivières couleur thé par exemple. Le bas de ligne était dès le départ assez grand, cinq et très vite six mètres. C'est, je pense, une très bonne chose. Puisque très vite, il a su déployer cette longueur sans soucis. Je peux me tromper, mais si je l'avais fait commencer avec des petits bas de ligne, il aurait perdu du temps et n'aurait pas forcément su s'adapter à plus grand aussi bien. Le fait d'avoir toujours connu de grands bas de ligne ne lui a jamais posé problème, il suffit de bien les équilibrer. Un autre truc aussi, il a je crois pêché jusqu'à huit-neuf ans sans polarisantes. Il se forçait à chercher les truites. Le jour où il a mis des polarisantes, j'ai compris très vite qu'il serait mes yeux à la pêche pour les années à venir !

Les années passent, les poissons aussi.

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Comme dit plus haut, au départ et si vous bénéficiez d'eau claire, le plus simple reste la pêche à l'arbalète. A sept-huit ans, je faisais assoir Thibaut près d'un enrochement bien planqué. Je lui expliquais que s'il arrivait à rester dix minutes sans trop bouger, il aurait la récompense de voir ressortir les truites des cailloux. Il a pris des dizaines de truites de cette façon, là, devant lui, sans bouger. Souvent des petits poissons, mais il comprenait les choses au fur et à mesure.

  • Le laisser découvrir

Il faut aussi savoir se remettre en cause. Je pense que je l'ai trop couvé entre neuf et douze ans. Je ne lui laissais que très peu de liberté dans sa façon de pêcher, dans sa façon d'appréhender les choses. C'est une erreur. Avec le recul, j'en suis certain. Pour illustrer ce que je viens de dire, je pense que l'on a fait des parties de pêche ensemble sans qu'il ne puisse décider de lui-même quand il fallait ferrer en nymphe à vue, je lui disait systématiquement...Enfin, je lui criais plutôt. Pour les combats, pareil...Donner des conseils, c'est très bien, en abuser c'est de mon point de vue contre productif. Cela fait deux ans que je me suis corrigé. Le changement est extraordinaire. Si j'avais insisté dans cette voie du conseil à tout prix, j'aurais tout cassé la bonne dynamique mise en place depuis toutes ces années. Le gosse ne s'en rends pas forcément compte. Mais il m'a appris des choses, des choses que lui seul à découvert, car je me suis avec le temps de plus en plus éloigné de lui pour qu'il ait ce déclic.

Il a aussi fait des erreurs qui sont essentielles pour qu'il progresse. J'ai aussi mis du temps à le comprendre. J'ai laissé par exemple des combats se faire sans donner de consignes où il a perdu les poissons...Je le voyais faire, je savais qu'il allait les perdre, mais je me suis forcé à ne rien dire (c'est très compliqué...En tous les cas pour moi). On a pris le temps ensuite d'en discuter...Il finissait par trouver lui-même ce qu'il avait fait de mal. Une fois, pour donner un autre exemple, il a cassé son premier poisson tenté de la journée sans avoir fait là d'erreur technique au combat. Il n'a pas compris sur le coup. Je lui ai demandé ce qu'il avait fait en dernier avec cette pointe lors d'une pêche précédente. Là, il a compris de suite. Il avait pris un très gros poisson, donc très gros combat. Cela l'a marqué, il change ses pointes par réflexe dorénavant, mais il fallait qu'il fasse ces erreurs, il fallait que je lui laisse faire ces erreurs. On appelle ça parait-il l'expérience. 

Les truites deviennent plus grosses.

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Du coup, il a passé à mon avis un nouveau cap. Il a pris des poissons sur des parcours que l'on connait bien, seul. Des poissons que je ne connaissais pas, qu'il a découvert parce qu'il commence tranquillement à personnaliser sa pêche, son approche. C'est essentiel. Le but pour moi, c'est que Thibaut s'éclate dans cette passion. Le meilleur moyen, c'est qu'il prenne des truites. Pour ça, je lui ai donné sur un plateau la plupart de mes connaissances comme André Terrier a pu le faire avec moi auparavant. A lui maintenant d'acquérir les siennes...Après cela, il devrait réellement bien s'amuser et prendre énormément de plaisir.

  • Aujourd'hui...

Depuis quelques années, et ayant la chance d'avoir pas mal de copains pêcheurs, j'essaie également de lui faire rencontrer du monde pour qu'il passe des journées avec d'autres personnes que son papa. Qu'il se complète avec ces pêcheurs qui font forcément les choses différemment par rapport à moi. Cela l'enrichie et le fait progresser plus vite. Donc, si je devais donner encore un autre conseil, faites pêcher votre enfant avec d'autres pêcheurs et pas uniquement avec vous. Je lui ai tout montré sur le domaine de la nymphe à vue, mais pour la sèche, c'est son parrain. Denis excelle dans ce domaine et Thibaut prends depuis deux ans régulièrement des truites au-delà de quarante-cinq centimètres en sèche. Pour la nymphe au fil, c'est mon copain corse Anthony...Bref, un papa ne peux pas tout savoir, tout maîtriser malgré sa bonne volonté pour son enfant. Utiliser les compétences de votre entourage, lui faire faire des rencontres l'aidera obligatoirement.

Les amis ont été très importants pour lui.

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Aujourd'hui, mon fils à quatorze ans. Il a donc déjà neuf saisons de pêche à son actif. C'est un bagage non négligeable. Mon rôle maintenant est confiné à lui faire analyser ses erreurs et uniquement cela. Repérer les truites, il le fait mieux que moi. Sa technique est bonne, son approche moyenne, mais à force de faire sauver des poissons il s'améliorera de lui même. Sa patience médiocre, mais comme celle d'un môme de quatorze ans...Donc je suis là uniquement pour profiter de lui, le voir évoluer, et lui dire, lorsqu'il y a échec, ce qui l'a fait de mal si jamais il ne trouve pas de lui même. J'attends avec impatience le jour où c'est lui qui me diras ce que j'aurais du faire pour prendre plus de truites. 

A 14 ans, il maitrise pas mal son sujet.

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Voilà, je ne sais pas si mon expérience de papa avec son fils pêcheur vous sera utile. En tous les cas, que cela soit avec votre fils, votre fille ou encore un petit neveu, je vous souhaite autant de bonheur que je peux en avoir avec Thibaut au bord de l'eau. 

La truite de la photo du dessus.

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