Adrien est parti depuis plusieurs semaines maintenant. Si vous avez lu mon livre, vous avez pu mieux faire connaissance avec ce garçon exceptionnel. Je sais que Gaël devait lui offrir mon livre, mais je ne sais pas si il a eu le temps de lire ces quelques lignes que je lui avait consacré...Je vous met ici ce passage pour mémoire.

Le plus gros danger dans la pêche comme dans bien d’autres domaines, c’est d’être esclave de ses certitudes. Bizarrement, c’est très souvent lorsque l’on croit avoir fait le tour d’un sujet qu’un évènement ou la rencontre d’une autre personne arrive à remettre en cause ce que l’on croyait être la vérité. La pêche m’a offert un grand nombre de rencontres toutes aussi riches les unes que les autres mais celle d’Adrien m’a particulièrement marqué  pour bien des raisons. Non seulement il a bousculé de façon bien involontaire mes croyances de pêcheur, mais de faire sa connaissance m’a surtout donné une belle leçon de vie.

Adrien habite une belle région du Sud Jura que l’on nomme la petite montagne. C’est un magnifique espace rural ou lacs et rivières ne manquent pas. On pourrait penser qu’il a tout pour être heureux en tant que fou de pêche. Malheureusement, la maladie en a décidé autrement. Avant même sa majorité, il a dû commencer un combat qui dure encore aujourd’hui. Malgré cette terrible galère, Adrien garde un moral sans faille, du moins en apparence. A chacune de nos rencontres, il ne laisse rien paraître, n’en parle pas de son mal, comme si tout cela n’existait pas. J’ai une profonde admiration et un très grand respect pour cette force qu’il dégage et c’est une sacrée leçon qu’il me donne à chaque fois.

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Pour en revenir à Adrien, je suis intimement persuadé que sa passion pour la pêche tient une place essentielle dans le maintien de sa force morale pour le combat qu’il mène au jour le jour. C’est ce qui continue à le faire avancer  avec la bonne humeur qui le caractérise. La pêche est sa bouteille d’oxygène, sa meilleure thérapie face à ce mal qui le ronge.

Côté pêche justement, ce jeune homme met à l’envers toutes les théories, il est phénoménal. Je suis habitué maintenant, mais lorsque j’ai fait sa connaissance, il m’a complètement bluffé. Son palmarès parle pour lui, pour les truites, une bête couleur cuivre de 84 cm ! Pour le brochet, un monstre d’un mètre trente huit et plus de 21 kg, le tout sur des parcours publics en rivière, ce qui donne encore plus de valeur à ces exploits. Il sait manier un leurre, un vairon ou encore une nymphe. Il voit plus vite, réfléchit mieux, observe plus longtemps, c’est un pêcheur pas comme les autres que j’apprécie énormément. Pour ma part, il m’a mis une grande claque.

Cela m’a remis les idées en place lorsqu’Adrien m’a, entre autres,  montré sa boite de nymphes et les photos de truites prises avec. Trois ou quatre malheureuses pheasant tail plus ou moins bien faites pour plusieurs truites de plus de trois kilos à la clé. Sa façon d’aborder la pêche m’a beaucoup plu et je m’en suis nourri par la suite. Il fait partie des éléments déclencheurs qui m’ont amené à épurer ma propre boite à mouches pour ne conserver que très peu de modèles. Adrien avait tout compris en appliquant à la lettre ce que la majorité des spécialistes de la nymphe à vue ne cessent de répéter: le plus important n’est pas la nymphe, mais la dérive de la nymphe. 

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