Bien que je trouve la démarche plutôt tardive pour des évènements datant de juillet, elle a au moins le mérite d'exister. Voici le communiqué transmit à la presse par notre fédération.
Juste une remarque quand même, je trouve dommage que la demande de baisse à trois poissons par jour au lieu de cinq soit appliquée uniquement en parallèle de l'arrêté d'interdiction de pêche sur le secteur pollué. Cette demande, émanant de la majorité des présidents Jurassiens l'était au départ pour la totalité du département .

Mortalité sur la rivière d’Ain , les pêcheurs veulent la vérité

Maladie

Suite à l’épisode de mortalité piscicole survenu sur la Loue dans le département du Doubs et sur le Doubs frontalier, la rivière d’Ain a également été touchée cet été par un épisode similaire qui a décimé le peuplement piscicole sur plusieurs kilomètres.
Tout a commencé le samedi 24 juillet 2010 lorsque l’Office National des Milieux Aquatiques (ONEMA) est informé de la présence de poissons morts ou mourants sur le secteur de Chatillon/Ain. Les premières constatations sont faites dans l’après-midi, et les agents présents ont pu observer de nombreux poissons morts dont des truites, ombres, chabots et vairons.
Rien d’anormal n’est relevé concernant l’état de la rivière en elle-même. Deux jours plus tard, une descente en canoë du secteur touché par la mortalité est organisée, de Villars/Ain à l’amont de la retenue de Blye.
Sur ce linéaire, la mortalité se concentre sur un secteur d’environ 2 kilomètres. Des poissons morts ont tout de même été observés sur tout le linéaire prospecté, avec au total une cinquantaine de truites, et environ 200 individus de petites espèces (loche franche, vairon, chabot, truite, ombre).

Le mercredi 28 Juillet 2010, les salariés de la Fédération de Pêche du Jura ont réalisé une pêche électrique visant à récupérer des poissons moribonds afin de les faire analyser au laboratoire départemental d’analyses (LDA) du Jura. Au cours de cette pêche, le constat est alarmant puisque 80% des truites capturées présentent les mêmes symptômes que ceux qui ont été observés par l’ONEMA à savoir des yeux opaques ou sanguinolents et des mycoses sur la peau.

Au total ce sont 7 sujets de truite fario, une dizaine de vairons et un chabot qui seront analysés au LDA 39. Les résultats de ces analyses ont été connus le 10 Août 2010. Concernant les vairons et chabot, l’interprétation des résultats conclut à un parasitisme riche et varié, pouvant être mortel si les poissons ne peuvent plus s’alimenter. Pour les truites, le constat est identique, mais il est impossible d’énoncer l’origine des lésions. Suite à ces résultats, il apparaissait très clairement que la mort de ces poissons ne pouvait être imputable à une quelconque maladie. Il fallait chercher ailleurs et l’épisode de la Loue survenu quelques temps auparavant permettait d’émettre une nouvelle hypothèse : celle des cyanobactéries. En effet, ces micro-organismes également appelés « algues bleues » ou « cyanophycées » bien connus pour leurs épisodes de prolifération en lac, peuvent suivant leur nature libérer des toxines dans l’eau.
Le mercredi 11 Août 2010, des prélèvements d’eau brute, de substrats galets et végétaux sont réalisés afin d’effectuer une recherche de cyanobactéries. Trois stations sont échantillonnées : une première en amont de la station d’épuration (STEP) de Montigny/Ain, une en aval du rejet de cette dernière et enfin à Chatillon/Ain. Les conclusions du laboratoire en charge de l’analyse des prélèvements sont connues quelques jours plus tard et sont sans appel.

Il en ressort que l’abondante prolifération de Cyanobactéries du genre Oscillatoria mise en évidence sur les galets de la rivière d’Ain à Chatillon/Ain peut parfaitement expliquer les mortalités piscicoles intervenues. Le tableau clinique de ces mortalités correspond aux conséquences de l’action d’une cyanotoxine sur les peuplements piscicoles.
Il s’agit cependant de se questionner sur les facteurs ayant entraînés cette prolifération. Si les concentrations en nutriments (nitrates, phosphates, …), la température, la lumière sont les facteurs fréquemment avancés pour expliquer ces « explosions », les mécanismes expliquant ces dernières sont encore mal connus, complexes et pouvant être déclenchés par l’effet cumulé de nombreux facteurs ne pouvant provoquer à eux seuls le phénomène.

Néanmoins, les premières analyses ont montré une augmentation significative de ces cyanobactéries entre l’amont et l’aval de la STEP de Montigny, puisqu’elles ont été multipliées quasiment par 7. Mais ce n’est rien en comparaison à la station de Chatillon où a été enregistrée une concentration de 1 089 000 cellules /ml soit 46 fois plus qu’à l’amont de la station d’épuration. L’ingénieur spécialisé qui a analysé les prélèvements de galets et végétaux dans lesquels ont été retrouvées ces cyanobactéries, précise que ce développement anormal est uniquement lié à un excès de phosphore dans l’écosystème concerné. Ce développement a pu être initié par les rejets de la STEP de Montigny, puis a acquis son amplitude maximale sur le secteur de Chatillon. Il s’agit là, selon lui, d’un schéma classique fréquemment rencontré décrivant le mode de prolifération de certaines cyanobactéries.

D’autres analyses ont été réalisées le 26 Août 2010 par l’Agence Régionale de Santé afin d’évaluer le risque pour la baignade et l’abreuvage du bétail. Alors qu’une crue importante était intervenue avant ces prélèvements, la concentration de cyanobactéries sur les galets est passée de 1 089 000 à plus d’ 1 760 000 cellules/ml. Mais aucune toxine n’a été retrouvée dans l’eau sur cette station au moment du prélèvement. Cela n’enlève en rien à la gravité de la mesure, la libération de toxines pouvant intervenir bien plus tard, notamment à la mort des cyanobactéries.
Concernant les poissons, une pêche d’inventaire a été réalisée le 22 septembre 2010 en aval du pont de Chatillon grâce au concours de la Fédération de Pêche du Doubs et de l’Ain. Les résultats sont en cours d’analyse, mais les premiers éléments laissent présager une quasi-disparition de la truite sur la station (environ 1 truite pour 100 m2). Des individus présentant les mêmes symptômes cliniques ont été retrouvés à l’occasion de cet inventaire.

Le 18 Octobre 2010, une seconde pêche d’inventaire est réalisée un kilomètre à l’aval du rejet de la station d’épuration de Montigny. Les résultats n’ont pas encore été analysés, mais seules 138 truites de toutes tailles ont été dénombrées sur environ 300m de linéaire. Pas un seul ombre n’a été observé lors de cette pêche qui s’est cantonnée à échantillonner la rive droite de la station, alors que les plongées de comptage réalisés en septembre 2009 avaient permis d’observer un grand nombre de juvéniles de l’année.

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, l’association de pêche et de protection des milieux aquatiques « La Truite de l’Ain » et « La Gaule Lédonienne » ainsi que la Fédération de Pêche du Jura ont déposé plainte contre X afin que la lumière soit faite sur cet événement dramatique. Le secrétaire général de la préfecture du Jura précisait, en conclusion de la réunion du groupe de travail « Cyanobactéries dans la rivière d’Ain » du 13 Octobre 2010, qu’on ne peut établir un lien de causalité entre le fonctionnement d’une station d’épuration et la mortalité piscicole observée. Les pêcheurs ne peuvent se contenter de cette réponse de l’administration.

Nous rappelons cependant que sans une prise en compte globale de l’état de délabrement de nos cours d’eau, un événement similaire pourrait très bien toucher à nouveau l’Ain ou d’autres rivières du massif jurassien.
En attendant, la pêche, interdite depuis le 27 août sur les 9km de rivière entre l’amont de la station d’épuration de Montigny et le barrage de Blye, continuera de l’être en 2011.

Et afin de limiter la pression de pêche sur les secteurs encore poissonneux, le quota journalier a été abaissé dans le Jura à 3 truites sur l’Ain, la Bienne et leurs affluents.