Le mot muselière est sans doute un peu fort, mais la perspective de passer deux jours sans mettre de masque me remplissait de joie ! Il en faut peu de nos jours pour rendre un homme heureux. Le spectre d'un futur confinement partiel ou plein a fini par me décider de prévoir un séjour sur Goumois pour faire mon ouverture. La dernière que j'ai fait sur les terres de la Franco-Suisse datait de 2013 en compagnie, en autre, de mon ami Michel Flénet. Il manquera tristement sur les berges du Doubs cette année et les suivantes, assurément.

C'est comme une veille d'ouverture et un peu comme un gosse que j'ai préparé mes affaires. J'avais un besoin fou de m'éloigner de mon quotidien et plus particulièrement de mon étau. Une immense envie de me retrouver seul canne à la main s'était emparée de moi. Les paysages de la vallée du Doubs étaient le cadre parfait pour palier mes envies de solitude en plein air.

Les fleurets au fond du sac et c'est parti !

Je vous avoue que malgré toutes les idées positives que j'avais en tête, le trajet pour me rendre sur Goumois m'a fait froid dans le dos. Je n'ai pas comptabilisé les parcelles noircies de lisier, mais c'était pas chouette à voir et accessoirement à sentir. Même dans nos rêves les plus joyeux, la réalité de nos vies nous rattrape inexorablement.

Arrivé le long du Doubs et pas encore équipé, je devine une silhouette de pêcheur tenant sa canne de la main gauche ! L'ami Alex était déjà en approche. Nous avons eu la même crainte d'un possible confinement. Il fallait pêcher, quoi qu'il en coûte ! J'ai abandonné Alex à ses petites affaires où il excelle comme personne pour attaquer un peu plus en aval. Je n'en crois pas mes yeux, le Doubs est somptueux ! La belle crue hivernale a fait le boulot. C'est splendide.

Le fond du Doubs.

Cette vallée reste unique en son genre. On y respire l'esprit encore sauvage. Je le disais encore ce matin à mon ami Denis, la rivière d'Ain est magnifique, mais elle n'a pas cet aspect sauvage du Doubs. En tous les cas, je ne le retrouve pas personnellement. L'ambiance est totalement différente.

L’entrée du bois de la Saulsotte.

Les stigmates de la dernière crue !

La pêche dans tout ça. Il a fallu attendre patiemment l'ouverture légale de la truite pour les tenter de nouveau. Bien qu'ayant une deuxième catégorie à portée de voiture, je me refuse d'aller embêter les truites lors de leur période de repos bien méritée. Ces longs mois à attendre et enfin, le jour J est arrivé. J'ai débuté très fort ! J'étais monté en 16 centièmes et gammare JFD en 12. Je pensais débuter la saison chez moi. Pas vraiment conseillé pour le Doubs et ses truites hypers méfiantes du début de saison ma combinaison diamètre de fil taille de nymphe. Pourtant, sur la première truite vue, elle est venue prendre le gammare comme une fleur. Un beau poisson de 40-45 qui aurait pu être le premier. C'était sans compter sur un ferrage bien rouillé ! Manqué ! Je vois encore le blanc de la gueule, magnifique et tragique ! Je me suis marré tout seul tellement j'ai été mauvais !

Derrière, je repère une truite sous son caillou. Elle n'était pas calée, mais en poste tout en restant sous sa cache. J'ai passé mon gammare plusieurs fois sans réaction de sa part. Heureusement, j'avais les sparklers magiques de mon ami Julien Daguillanes. Premier passage assez près du caillou et la truite est sortie comme une folle furieuse pour s'emparer de ma guirlande ! Quelle scène !

Première truite de 2021.

J'ai passé un très bon moment. Le peu de connaissances que j'ai de ce parcours est très préjudiciable lorsque les truites sont si peu actives. Il faut connaitre les bonnes berges, les bons moments. J'ai eu l'impression de tout faire à l'envers mais là n'était pas l'essentiel. Non, le poisson n'est que la cerise sur le gâteau. Le fait de me trouver sur les berges du Doubs était amplement suffisant. J'ai eu le plaisir de croiser l'ami Marcel avec qui j'ai passé un agréable moment bien qu'il m'ait appris la disparition peu après Michel de notre ami commun Yvan. Un autre passionné du Doubs maintenant disparu. Pour les plus anciens et amateurs du forum Mouche-Fr, vous le connaissiez sous le pseudo Doubsrivière. Bien triste nouvelle.

J'ai aussi, pour mon plus grand plaisir, croisé la route de mon ami Bruno. Un homme et pêcheur incroyable connu alors que j'étais le tout jeune disciple d'André Terrier. Comme je sais qu'il t'arrive de me lire mon cher Bruno, j'ai été très heureux de te revoir. Merci pour ce bon moment passé en ta compagnie.

Après avoir promené la canne plusieurs heures, j'ai retrouvé un semblant de motivation alors que la pluie tombait. Je suis allé finir ma journée sur le pré Bourrassin vide de pêcheurs. Enfin si j'ose dire, car il y en a eu un paquet de passage durant cette journée. Heureusement pour moi, il m'ont laissé cette belle fario qui s'est laissée leurrer à distance par un petit gammare JFD en 16. Je suis descendu pour l'occasion en 13 centièmes.

Belle truite du Doubs.

Le lendemain matin, j'ai attaqué beaucoup plus tôt. Le Bourrasin était pour moi seul ! Ce lieu reste enchanteur. L'atmosphère y est particulière.

Le pré Bourrasin.

Les truites dehors étaient encore moins nombreuses que la veille. La journée s'annonçait compliquée. La seule truite vue sur la gravière s'est emparée de mon petit gammare noué la vieille. Pas capot, c'est déjà pas rien !

Truite prise en nymphe à vue.

Il y a eu, au contraire de la veille, une activité de surface vers 14 heures déclenchée par une éclosion de petites olives. J'ai vu quelques très beaux gobages mais je n'ai pas eu le courage de reprendre la voiture pour aller sur la berge suisse. De plus, j'ai vu un pêcheur pratiquer le long des zones boisées. Pour se placer correctement pour pêcher les gobages, il se positionnait à chaque fois dans l'eau. Et comme j'ai compris la phrase du règlement intérieur qui stipule l'interdiction de renter dans l'eau avant le 1er Juin, je me suis abstenu.

Malgré ça, j'ai pris une truite en sèche devant les blocs de l'ami Radix avec une passe-partout olive. J'ai décroché un autre poisson que j'ai fait monter à la limite de la distance à laquelle je pouvais propulser ma mouche. J'ai également pris deux méchants refus !

Le Doubs reste magnifique malgré les malheurs qui lui tombent sans arrêt sur la tête. Je suppose, un peu comme chez nous, que le fond de la rivière va se transformer dans les semaines à venir. Ce que j'ai vu dans les champs devrait finir dans la rivière. C'est inévitable et tellement triste.

Les perces-neige de la Franco-Suisse.

Si le lisier était le seul mal qui touche cette rivière à l'image des autres rivières du coin, mais non. Là, sur le plat de la Verrerie, 4 harles bièvres sur une frayère d'ombres (cliquez sur la photo pour l'agrandir). Je les ai vu faire. Un mâle et 3 femelles. Ils n'ont qu'à en manger un chacun par jour durant la période du frai...Je vous laisse faire le compte. Les ombres eux étaient en stress absolu. Un autre sujet à considérer sur les baisses de population, c'est indéniable.

Je suis rentré à la maison avec le plein de bol d'air. Qu'est qu'on respire mieux sans ce maudit masque ! Vive Goumois, vive la pêche !