J’ai pourtant été très ami avec le beau temps et la chaleur, que cela soit pour la vie de tous les jours ou pour la pratique de la pêche en elle-même. Étant un fan inconditionnel de la pêche en nymphe à vue, j’attendais avec une grande impatience l’été et ses grandes journées gorgées de soleil sur une rivière à l'étiage. J’ai passé plusieurs années à pêcher tous les jours en Juin, Juillet et Août lors de mes vacances scolaires. C’était fabuleux, la pêche était fantastique.

Aujourd’hui, et depuis quelques années, je n’aime plus du tout cette période de l’année. Est-ce que je deviens aigri avec le temps, est-ce que les changements sont trop importants, est-ce que je me focalise trop dessus…Certainement un peu de tout cela.

Même cette pêche que j’ai tant aimé ne m’attire plus autant. Les longues pointes, le fil fin, les micro-nymphes…Des poissons hyper éduqués…Tout cet ensemble où j’ai fait mes classes dans le domaine de la nymphe à vue. Cette pêche qui m’a tant fait progresser pour atteindre un niveau correct. Car c'est durant cette période de l’année que l’on rencontre les poissons les plus difficiles à prendre.

Cette saison, comme un peu les précédentes d’ailleurs, les eaux de notre rivière d’Ain sont basses depuis le début du printemps. C’est devenu la norme. Lorsque l’été pointe le bout de son nez, les parties de pêche en nymphe à vue sont déjà bien nombreuses. Autant dire que j'ai ma dose. Pour le coup, l’impatience est moindre et l’envie presque inexistante de mon côté. À cela s'ajoute la montée des températures toujours plus importante au fil des saisons. Une question sur laquelle je ne m’arrêtais pas à l’époque d’ailleurs. J’ai souvenir d’avoir pêché tous les jours en 2003. Aujourd’hui, je ne peux plus. Prendre un poisson pour le relâcher doit être fait dans de bonnes conditions et donc mettre un fil trop fin va à l'encontre de cela.

Au delà de tous ces aspects, c'est l’environnement estival qui me bloque de plus en plus. En tant que citoyen d'abord. Voir la ressource en eau gaspiller comme si elle était inépuisable. Cette prise de conscience qui ne vient pas pour la grande majorité des personnes. C'est franchement flippant surtout lorsque l'on voit le très faible débit de nos rivières jurassiennes...

Et puis toute cette civilisation qui se réveille avec la chaleur pour retrouver la rivière dès début Juillet. Devoir la "partager" avec des gens qui n'ont aucun respect pour ce cour d'eau me fait mal au ventre. Ce monde de consommation ou de plus en plus de personnes viennent laisser leurs déchets après utilisation (baignade, canoé, etc...). J'arrive à ne plus penser pêche quand je vois toutes ces incivilités et ça me rend fou. Sans parler du braconnage, tellement facile avec ces niveaux...Encore le week-end dernier où j'ai croisé cinq gaillards fait comme des cathédrales...Il n'était pas là pour s'amuser eux...On sait tous que la police de la pêche est inexistante pour ce genre de cas.

Alors quand j'en parle, on me dit que ce n'est que quelques truites...Oui, effectivement, c'est bien ça. Comme ce que prélèvent les brochets de plus en plus présents dans l'Ain, comme ce que pêchent les grands cormorans l'hiver ainsi que les harles bièvres qui s'installent maintenant toute l'année avec pour un couple une progéniture pouvant dépasser les 10 individus, rien que ça. On peut aussi parler des pêcheurs qui se donnent bonne conscience en me disant qu'ils ne gardent que quelques truites par an...Je n'ai jamais été un surdoué des mathématiques, mais si l'on additionne tout ces petits pas grand chose, ça commence à faire beaucoup. Surtout lorsque l'on connait le nombre de géniteurs sur les frayères, ça fait même franchement rager ! Il y a quelques jours, j'ai vu une bande de 10 harles bièvres pêcher...Sincèrement, je ne souhaite à personne d'avoir ce genre de volatiles sur sa rivière...Il faut le voir pour le croire.

Oui, l'été ne m'apporte plus toute cette joie comme avant tout simplement parce que j'ai perdu mon insouciance. Je continue de pêcher malgré tout avec une toute autre intensité...en conservant mon fil de gros diamètre, en cherchant des spots avec de l'eau fraiche...C'est le côté obscure de la chose, savoir comment fonctionne sa rivière (la voir souffir), connaitre les problématiques de la survie de nos chères truites et du coup, se poser toutes sortes de questions...Mais je pense que c'est naturel vis à vis de mon vécu sur la rivière d'Ain...